Le car vient de se garer. Nous sommes arrivés à Dublin. Je descends derrière Pimprenelle et j'entends qu'elle retient sa respiration. C'est dingue comme elle vit tout tellement intensément!
Là où je vais me contenter d'un hochement de tête, elle va applaudir. Devant un joli paysage, je vais penser à une chanson, elle va s'exclamer et décrire ce qu'elle aime...le pire, c'est que sa bonne humeur finit par être contagieuse.
Il est tard, nous nous rendons directement à la petite pension de famille où nous logeons.
Je suis allongé devant la télé quand un grattement se fait entendre à la porte.
Pimprenelle
-Je n'arrive pas à dormir. Tout...tout est si confus en ce moment.
Mon ventre se tord. Cette déclaration venant de n'importe qui d'autre m'aurait fait sourire et j'aurai trouvé une parade pour me dépêtrer de la situation. Mais pas avec elle. Elle est aussi perdue que moi. Alors qu'elle ignore tout.
Je glisse mes lèvres sur son front.
- Viens.
Nous marchons vers mon lit. Je m'agenouille devant elle et lui retire son pantalon.Sa peau est si douce, je l'effleure du bout des doigts. Nous sommes toujours yeux dans les yeux. Les paillettes dans les siens étincellent.
-Neil...
Je me relève et effleure lentement ses lèvres avant de m'allonger avec elle dans mon lit. Elle se laisse aller et se love contre moi avec un soupir. Le silence et le noir nous enveloppent lorsque j'éteins la lampe. Pas pour longtemps.
- Neil, tu me feras assez confiance pour me parler un jour ?
Je la serre dans mes bras, incapable de lui répondre.
- Dors, Pimprenelle.
Un instant plus tard.
- J'aime bien quand tu m'appelles Pimprenelle. J'ai l'impression de t'appartenir un peu.
Deuxième uppercut de la soirée. Il va falloir que je renonce à elle et vite.
Merde.
J'enfouis mon visage dans son cou et la respire. Une dernière nuit. Nous nous endormons étroitement serrés l'un contre l'autre.
....
Après cette nuit toute douce, nous sommes dans la rue pour le déchargement du matériel. J'échange quelques blagues avec Darren. Il est un peu plus instable que ses amis mais c'est quelqu'un de sympa, un peu plus jovial que moi.
-Qu'est-ce qu'elle fout, Emi ? demande Darren me tirant de mes pensées.
Il m'indique un petit attroupement. Nous nous regardons d'un air interrogateur et décidons de les rejoindre. Quelques membres du staff se tiennent à côté de
Pimprenelle. Quant à Pimprenelle, elle, elle fait face à une gitane aux vêtements colorés mais sales qui lui examine la main. Je ne sais pas de quoi elles parlent mais Pimprenelle a les yeux grands ouverts et fixe la femme avec intensité.
J'essaie de capter des bribes de leur conversation.
- Toi, pas trouver ce que tu cherches ici. Toi avoir grand chagrin. Il y aura trop de secrets dans ta vie. Méfies-toi du serpent!!
Troublée, Pimprenelle retire sa main.
-Pourquoi me dites-vous cela ? Je ne vous ai rien demandé !
La pauvre femme reprend la main de Pimprenelle et pose son menton dessus, ses yeux sont remplis de larmes.
- Votre amour et la musique le sauveront mais qui te sauvera, toi ? Dieu te bénisse, mon Ange. Merci beaucoup.
Elle la lâche, montre le billet que ma naïve Pimprenelle a du donner et se sauve précipitamment.
Les garçons et le staff parlent tous en même temps, excités, par l'événement.
Pimprenelle a le regard absent et ne parle plus. Quelque chose d'indéfinissable m'envahit.
....
Nous avons dû quitter les autres pour une séance de dédicaces et une interview, organisés par une radio locale. Les fans ont fait la file pendant des heures pour nous voir.
Pimprenelle reste dans un recoin de mon esprit mais l'enthousiasme des fans est un puissant dérivatif.
« Quand sortez-vous le prochain album ? Quel est le message que vous voulez véhiculer dans l'album »
Je réponds tant bien que mal, moi, qui déteste parler autant, je suis servi. Ce sont souvent les mêmes questions qui reviennent. Puis, il y a les photos aussi. Une star... C'est fou, Pourtant je suis le même. Ou presque.
...
Quand nous les rejoignons, elle n'est pas là. Cet espèce de pressentiment qui ne m'a pas quitté de la journée, me bouffe tout entier.
Gabe me fait une petite grimace discrètement mais c'est d'une voix calme qu'il déclare qu'Emilie était trop fatiguée. Je m'en fous d'être grillé et monte les marches à toute allure. Arrivé devant sa chambre, je ne prends pas la peine de frapper et entre en trombe. Elle ne réagit pas.
Elle est assise, figée, devant sa fenêtre. Ses longs cheveux bouclés lui retombent sur les épaules. On dirait qu'elle pose pour un de ces tableaux de vieux.
-Pimprenelle?
Je chuchote pour ne pas la brusquer. Elle tourne ses yeux verts éteints vers moi. Seule une petite crispation de ses lèvres trahit la vie en elle.
-Pimprenelle...
Je m'approche d'elle et lui prend les mains pour l'attirer vers moi. C'est une poupée de chiffon qui se laisse faire, en réalité.
- Emilie, parle-moi.
Et puis... ses deux bras autour de ma taille, son petit nez niché contre ma poitrine et des petits soubresauts.
Je n'aime pas les pleurs d'une fille mais curieusement ceux-là me soulagent. Et là, je me sens comme si j'avais découvert le secret de l'univers; je sais exactement comment réagir. Je lui caresse les cheveux et nous berce doucement.
Parle-moi, Emilie.

VOUS LISEZ
Dans les yeux d'Emilie( en réecriture)
JugendliteraturAlors que son enfance n'a pas toujours été des plus faciles, Emilie reprend peu à peu confiance en elle, au sein d'un petit groupe de pop-rock. Lorsqu'elle chante, elle dégage ce petit quelque chose qui fait pétiller ses yeux et qui rend la musiqu...