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Sa conduite est particulièrement rapide, la vitesse me force à garder les yeux fermés et je me colle un peu plus contre son dos tout en me maudissant d'avoir soulevé la visière du casque, et forcément j'ai trop peur de bouger une main pour la fermer. Je réussis l'exploit de m'exaspérer toute seule. Le froid tétanise en plus mes jambes nues et au final je n'ai plus qu'une seule hâte, enfin rentrer chez moi.

Il s'arrête quelques minutes plus tard et je retiens de justesse un soupir de soulagement. J'attends qu'il coupe le contact avant de desserrer doucement mon étreinte et de me lever maladroitement tout en tirant sur ma robe que je trouve brusquement bien trop courte.  Sans descendre de sa moto il m'aide à retirer mon casque avant de me demander si ça va.

— Oui, je suis morte de froid mais je devrais m'en remettre. Par contre niveau peur s'est raté.
—  Vraiment ? Vu comment tu me serrais j'y crois pas une seule seconde.

Il a un de ses sourires en disant ça, c'est sûr je dois être en train de rougir, l'avantage c'est que j'ai un peu moins froid, même si je dois passer pour une idiote.

— J'avais froid c'est tout, dis-je en essayant de camoufler mon trouble.
— Dans ce cas alors, rentre vite te mettre au chaud. Je te souhaite une bonne nuit.
— Merci, à toi aussi... Heu... est-ce qu'on se reverra ?...

Il me détaille de haut en bas avec un sourire joueur avant de lâcher un simple peut-être. Sans attendre de réponse il enfile le casque avant de repartir, en me laissant quelque peu hébétée. Ce n'est qu'au moment où je me mets au lit que je réalise que je ne connais pas son prénom. Cela ne fait qu'augmenter un peu plus ma curiosité et c'est en attendant la suite avec expectative que je finis par m'endormir.

J'ai enfin fini par me lever en début d'après-midi et après avoir passé un peu de temps au téléphone avec Sarah j'ai cherché en vain un indice sur qui pouvait être le mec de la veille. Il apparaît en arrière-plan sur une seule photo de la page du club, mais personne ne l'a identifié dessus et parmi mes connaissances personne ne semble savoir qui c'est. Depuis j'essaie de tuer ma frustration en regardant Game of Thrones vautrée dans mon lit, mais je ne peux m'empêcher de regarder mon portable toutes les trente secondes, ce qui est parfaitement stupide puisqu'il n'a pas mon numéro, et qu'on a pas l'air d'avoir d'amis communs. Le toussotement discret de ma femme de ménage me tire de mes pensées et je me tourne vers elle après avoir mis ma série en pause pour lui lancer un regard interrogatif.

— Un jeune homme vous réclame Mademoiselle. Dois-je le faire rentrer ?
— Oui, j'arrive tout de suite !

Mon cœur fait un petit bond dans ma poitrine et j'espère de tout cœur que c'est lui. Je me détaille rapidement dans le miroir et replace une mèche de cheveux. Si j'avais su je me serais maquillée après m'être levée, il est un peu tard pour ça maintenant. Je soupire devant mon reflet et ma mine quelque peu chiffonnée par une succession de nuits de fête. Je descends les escaliers tout en refrénant mon impatience avant de me diriger vers le salon. Je suis cependant rapidement déçue, l'homme qui m'attend assis dans l'un des fauteuils clubs porte ses cheveux assez long et ils ont une jolie teinte cuivrée. Je dissimule ma déception avec un sourire de façade et je m'installe face à lui.

Avec surprise je découvre les mêmes yeux bleus qu'hier soir, je mettrais ma main à couper qu'il y a un lien de parenté entre eux, mais je n'arrive pas à comprendre les raisons de sa présence. Alors que je m'apprête à lui demander ce qu'il veut il me devance :

— Heu... Salut, je suis désolée de te déranger... Je viens à cause de mon frère...
— Ton frère ? C'est lui qui m'a ramené hier ? Je suis désolée je ne connais pas son prénom.
— C'est Seth. Je voulais te mettre en garde...

Je fronce les sourcils sans vraiment comprendre la situation qui me paraît quelque peu surréaliste. L'homme en face de moi semble chercher ses mots, je choisis de le laisser poursuivre pour ne pas le perturber.

—  Il a tendance à être... instable. Il a déjà eu des soucis avec des filles, alors quand j'ai vu qu'il sortait hier et que j'ai trouvé ton adresse dans le GPS j'ai préféré te prévenir.

Moi qui trouvais la situation surréaliste voilà qu'on s'enfonce encore un peu plus dans le bizarre. Sans l'air sérieux et gêné de l'homme je crois que j'éclaterais de rire mais là je me retrouve quelque peu désemparée et mal à l'aise.  Un silence lourd s'installe et je décide de prendre mon courage à deux mains pour y remédier.

— J'imagine que je dois te remercier alors... Je ferais attention si jamais je revois ton frère. Est-ce que tu as autre chose à me dire ?
— Non, je voulais juste te mettre en garde, merci de m'avoir écouté et fait attention à toi.

Après l'avoir raccompagné à la porte je m'appuie contre cette dernière, plus songeuse que jamais. Qu'est-ce que c'est que cette histoire ?  Je soupire et fouille dans mes poches pour trouver mon paquet de cigarettes j'en allume rapidement une avant de retourner dans ma chambre. Alors que je me replonge dans le visionnage de ma série la sonnerie de mon téléphone finit par m'interrompre. J'hésite quelques secondes en voyant que c'est un numéro inconnu avant de finalement décrocher. Avec surprise je tombe sur une voix froide et mécanique qui me fait froncer les sourcils. Le message se résume en une courte phrase « Soit prête ce soir pour vingt heures je passerais te prendre» avant que mon interlocuteur raccroche sans que j'ai pu dire quoique ce soit.

Je me laisse tomber sur mon lit et ferme les yeux en me massant les tempes. On aurait dit un message enregistré mais qui ferait ça ? Puis c'est assez stupide de cacher son identité pour venir chez moi ensuite. Je commence à regretter ma rencontre d'hier mais d'un autre côté je suis dévorée par la curiosité. Puis si la personne vient chez moi je ne risque pas grand chose non ?... J'enverrai un SMS à Sarah pour la prévenir au pire, je crois que mes parents rentrent également ce soir, une bonne raison de plus pour ne pas m'inquiéter. De toute façon rien ne m'oblige à faire rentrer la personne. Et c'est ainsi que j'arrive à me rassurer pour cette soirée plus que mystérieuse.

DésolationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant