Désolation

48.

Putain, c'est quoi ce bordel ?! Il n'a rien à faire là et ne peut pas rester là, c'est juste impossible et je me résigne à le lui dire :

— Tu ne peux pas dormir avec moi, même si je te manque...
— Pourquoi ? Seth n'est pas là, autant en profiter.
— Mais non ! C'est pas une raison !

J'ai l'impression d'être en train d'engueuler un gosse qui a fait une connerie. Je pousse un soupir, qu'est-ce qu'il peut être exaspérant quand il l'a décidé.  Il me lance tout de même un regard implorant et sa voix à une intonation suppliante :

— S'il te plaît Alba, juste une fois...
— Ok dis-je en capitulant.

Je suis sans doute en train de faire une putain d'erreur, mais je n'ai pas le cœur à lui dire non. De toute façon il n'a pas vraiment attendu mon accord. Je soupire et éteins la lumière avant de me décaler à l'autre bout du lit tout en tirant la couette sur moi. J'essaye de faire abstraction de la présence d'Ace pour avoir une chance de retrouver le sommeil. Pourtant il semble en avoir décidé autrement puisqu'il chuchote :

— Alba ? Tu dors ?
— Oui...

Ace pouffe de rire ce qui me fait lever les yeux au ciel, je ne sais pas si c'est ce qu'il a fait de sa soirée ou si c'est la perspective de dormir avec moi qui le rends si euphorique. Je sens le matelas bouger et il se rapproche de moi si bien que je me retrouve coincée entre le bord du lit et Ace. C'était tellement prévisible que je me retrouve dans une situation de ce genre que je me giflerais presque, je cherche vraiment les ennuis. Je me résigne à soupirer :

— Qu'est-ce que tu veux ?
— On peut parler ?
— Tu sais que ça ressemble presque à une soirée entre filles là, on dirait une pyjama-party sur la fin.
— Te moque pas !

Je sens la pointe moqueuse dans sa voix et moi-même je suis à deux doigts d'éclater de rire. Cette situation est si absurde qu'elle en devient comique. L'obscurité qui règne dans la pièce m'empêche de voir Ace, je le sens cependant contre moi et sa main finit par se poser contre mon ventre. Je me crispe sous ce contact et je me saisis de sa main pour la retirer, s'il se laisse faire il garde cependant mes doigts enlacés avec les siens. Comprenant qu'il ne fera visiblement pas l'effort de me lâcher je me résous à changer de sujet.

— Tu es bien silencieux pour quelqu'un qui voulait parler.
— Je... Est-ce que je peux avoir un câlin ?
— Pardon ?!
— S'il te plait...

J'hésite en essayant de peser le pour et le contre. Il n'y a plus rien entre lui et moi donc en théorie je ne fais rien de mal non ? Je finis par me tourner vers lui et à tâtons je cherche son corps pour venir l'enlacer.  Un silence apaisant règne dans la pièce, je m'attendais à être plus réticente à la proximité de ce contact mais au final je parviens à me délasser. Ace finit par prendre la parole d'une voix douce :

— Ça ne te manque pas ?
— Quoi donc ? Dis-je un peu surprise.
— Ce genre de moment avec Seth. Tu sais ce n'est pas parce que tu ne m'as pas choisi que je n'ai pas envie de te rendre heureuse.
— Oh... je reste un peu étonnée par son aveu avant de lui répondre, si mais je ne sais plus comment faire... enfin j'ai l'impression que tout se bloque en moi et ça deviens vite désagréable.

Je sens le regard inquiet d'Ace peser sur moi, l'une de ses mains bouge dans mon dos, il se saisit d'une de mes mèches de cheveux pour jouer avec. Ce simple geste fait naître en moi des dizaines de petits frissons que je parviens à supporter durant plusieurs minutes avant de me dégager avec brusquerie. Ace soupire et son attitude m'accable un peu plus. Je m'attendais à ce qu'il essaye de se rapprocher à nouveau mais il n'en fait rien.

— Tu devrais vraiment régler ça.

Sa voix soudainement glaciale sonne comme un avertissement et accentue un peu mon trouble.

— Pourquoi ?
— Je doute que Seth attende éternellement.
— Comment ça ? Demandais-je en ayant peur de comprendre.
— Je ne veux pas te brusquer mais à force de le repousser il ira chercher ça ailleurs. Ça fait combien de temps que ça dure ? Six mois ? C'est peut-être même déjà fait...

Je n'avais jamais songé à cette éventualité et cette prise de conscience me coupe le souffle et me laisse sans voix. Ace reste silencieux comme pour me laisser le temps d'assimiler cette réalité éventuelle. Une tempête règne sous mon crâne et je cherche en vain si Seth pourrait faire une chose pareille, si quelque chose a changer.  Peut-être devrais-je vérifier les cols de ses chemises pour voir s'il n'y a pas de trace de rouge à lèvres comme l'on peut voir dans les feuilletons romantiques pour les ménagères.

— Tu penses qu'il pourrait faire ça ?
— Aucune idée, je ne me mêle pas de sa vie, mais si j'étais toi je garderais en tête son comportement durant votre rupture.

Cela ne fait qu'accentuer mon trouble et me rappelle que je n'ai jamais trouvé le courage de reparler de cette période et des cicatrices qu'il avait pu me montrer. S'il était mal à ce moment là, il y a des chances pour que ce soit toujours le cas aujourd'hui. J'ai été stupide de croire que tout pourrais aller bien, j'aurais dû me souvenir que Seth ne dit rien si ça ne va pas. En faite on s'est bien trouvé puisque je suis exactement pareil. Brusquement une idée me vient, quand ça n'allait vraiment pas il m'arrivait de me confier à Sarah, peut-être qu'il fait de même avec Chris. Je me saisis de mon portable qui traînait sur la table de nuit et envoie rapidement un SMS à Chris. Ace me regarde faire avec une certaine surprise avant de me demander ce que je fais.

— Si toi tu ne sais pas, peut-être que Chris sait.
— Et tu penses qu'il te le dira si c'est le cas ?
— S'il esquive il y a des chances pour que je le remarque. J'en parlerais avec Seth de toute façon, il est hors de question que je me torture avec ça.
— Tu n'as pas peur qu'il se vexe ?
— Je prends le risque.
— Je peux essayer de t'aider autrement, propose Ace.
— Comment ?
— Comme ça.

Avant que j'ai eu le temps de dire quoique ce soit Ace s'approche de moi et plaque ses mains contre mes épaules avant que ses lèvres ne viennent se poser contre les miennes.