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Le soir c'est Ace qui m'ouvre la porte, devant mon air un peu hagard il ne se permet pas le moindre commentaire et se contente de me dire que Seth est dans la bibliothèque. Face à mon hésitation il me précise où trouver la pièce. Malgré mon stress je grimpe rapidement les escaliers après avoir remercié Ace. Lorsque j'arrive devant la porte je suis brutalement beaucoup moins sûre de moi et frappe timidement contre avant de l'ouvrir doucement. Je découvre une petite pièce dont les murs sont couverts d'étagères qui débordent de livres, l'ensemble semble assez éclectique vu les différents formats et couleurs des tranches. Une odeur de papier un peu vieilli règne dans la pièce et évoque en moi des souvenirs d'enfance qui me font esquisser un sourire. Des poufs de couleurs pastel ont été placés au centre de la pièce, Seth est vautre sur l'un d'eux plongé dans sa lecture.

Il a bien dû entendre le bruit de la porte mais devant son manque de réaction je m'approche en toussotant afin de gagner son attention. Je découvre en même temps qu'il est en train de lire Antigone, mon sourire s'agrandit un peu plus avant de disparaître lorsque le regard noir de Seth se pose sur moi.

— Qu'est-ce tu fous là ?!
— Je voulais m'expliquer...
— Je suis occupé ça ne se voit pas ?
— S'il te plait, dis-je suppliante.

Seth referme son livre en soupirant avant de se lever pour s'approcher de moi. Je n'avais jamais vu ses yeux avec une teinte si sombre et je me sens quelque peu tétanisée. Il m'examine avant de capituler.

— Je te laisse deux minutes, si tu m'as pas convaincue tu dégages.

Bordel, je ne m'attendais pas à une réaction de ce genre. Et au final je ne sais pas quoi dire j'ai tellement peur de le perdre en plus, surtout pour un truc aussi stupide. La voix de Seth me disant que je perds du temps et que je ferais bien de me bouger me tire de mes pensées.

— C'était une idée de Sarah, j'étais pas au courant...

Bravo Alba, tu t'enfonces un peu plus en mentant, c'est sûr que ça va arranger les choses. J'ai envie de me foutre une baffe putain. Cependant mes mots semblent faire esquisser un sourire à Seth qui s'approche de moi. Malgré la teinte orageuse de ses yeux, ses lèvres se posent tendrement contre les miennes et ses mains se posent contre mes hanches. J'ai tellement eu peur que ce simple contact me fait frémir et électrise tout mon corps si bien que je ne résiste pas lorsqu'il me pousse en arrière jusqu'à ce que mon dos repose contre l'une des bibliothèques. Le poids du corps de Seth fait pression contre le mien si bien que je sens la tranche des livres s'enfoncer douloureusement dans mon dos. Les mains de Seth quittent mes hanches et il les pose à côté de mon visage, l'encadrant ainsi.

— N'essaye pas de te foutre de ma gueule ma belle, crache-t-il l'air mauvais.
— Je...
— Non vraiment, tu ne vas pas aimer ce qui risque de t'arriver autrement.

J'hoche timidement la tête pendant que Seth repousse une mèche de cheveux derrière mon oreille, il mord ma lèvre en même temps jusqu'à ce qu'un goût métallique emplisse ma bouche, j'essaye de le repousser mais en vain. Il s'approche ensuite de mon oreille pour y murmurer :

— Voilà ce que tu vas faire...

Lorsque Seth s'éloigne de mon oreille mon cœur bat la chamade et tout mon corps tremble. Son air toujours aussi glacial me fait ravaler mes protestations et malgré mon manque évident de bonne volonté j'acquiesce de la tête. Putain je me retrouve toujours dans des situations impossibles c'est pas possible sérieux. Il me fixe encore quelques secondes comme pour s'assurer que j'ai bien compris sa demande avant de quitter la pièce sans un regard en arrière.

Je me décale de la bibliothèque en massant mon dos endolori là où les ouvrages me sont rentrés dans la chair. J'étouffe un soupir et me laisse tomber dans les poufs qui amortissent ma chute. Je tire nerveusement sur une mèche de cheveux tout en fermant les yeux et cherche en vain comment je vais m'en sortir.

Il en a de bonne lui, que je récupère l'arme d'Ace, non mais sérieusement j'ai aucune idée d'où il range ça. Vu la tension qu'il règne en ce moment je ne suis même pas sûr qu'il s'en sépare. Une autre éventualité s'offre à moi, tout laisser tomber et abandonner mais juste évoquer ça suffit à me serrer le cœur et à ce qu'un étau comprime ma poitrine. Impossible de faire ça. Après tout comme Seth m'a glissé c'est à moi d'assumer. Et puis cette petite dose d'adrénaline et de stress est loin de me déplaire totalement. À quelle point suis-je cinglée pour trouver cette perspective... excitante ? Bordel. Il faut que j'arrête ça et que je trouve une idée, un truc subtil et efficace. Quand je sors de la pièce une dizaine de minutes plus tard j'ai deux idées en tête, le traditionnel plan A suivit du B même si j'espère ne pas en arriver là et devoir mêler Sarah à ça.

Je ne sais pas où est passé Seth mais la télévision bourdonne toujours en bas. Je descends silencieusement quelques marches de l'escalier pour m'assurer qu'Ace est toujours en bas. Rassurée de voir qu'il est absorbé par son match de foot je me glisse discrètement dans sa chambre en priant pour qu'aucune latte du parquet ait dans l'idée de me trahir. Je m'approche de la large commode où j'avais piqué un de ses jeans, je commence à fouiller les tiroirs en essayant de tout bien remettre à sa place mais en vain. Bon allez Alba on ne se décourage pas, il reste encore la table de nuit et quelques tiroirs au niveau du meuble télé.

Par acquis de conscience je vérifie sous les oreillers avant de m'agenouiller près du chevet. Le tiroir contient quelques babioles sans intérêt et toujours aucune trace du flingue. La petite porte en dessous s'ouvre par contre sur un coffre ultra compact qui est bien évidemment fermé. Ok ça je ne l'avais pas vu venir et j'ai juste aucune idée de code. Je soupire en tapant rageusement dessus du plat de la main.

Alors que je referme le meuble, la porte de la chambre s'ouvre sur Ace qui me dévisage avec stupeur pendant que je suis juste tétanisée.

— Qu'est-ce tu fais là ?!
— Heu... je, il faut que je trouve un truc à dire à tout prix, je... je cherchais un bijou, je crois que je l'ai oublié ici la première fois que je suis venue.

Il me lance un regard dubitatif pendant que je me relève avant de s'approcher de moi. Il me fait signe de m'assoir sur le lit, pendant que je m'exécute il me demande d'une voix compatissante :

— Et ton bijou ressemble à quoi ?
— C'est une bague en or, elle est toute fine.

Il vient s'assoir à côté de moi au point que nos cuisses se touchent et il lâche :

— Et donc tu t'es dit qu'elle pouvait être dans mon coffre. C'est très mignon comme excuse.

J'avale ma salive difficilement sans rien trouver à dire et me contente de baisser la tête honteuse. Me voilà vraiment dans la merde. T'as tout gagné Alba !

DésolationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant