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Son empressement à s'expliquer me surprends un peu mais je décide malgré tout de ne pas douter de son honnêteté. Je ne peux cependant pas m'empêcher de lui demander :

— Et Seth ? Est-ce qu'il va rentrer plus tôt aussi ?
— Non je suis désolé, il n'y a que moi Alba. Il te manque tant que ça ?

Le sourire moqueur qui étire ses lèvres me faut me sentir un peu misérable, comme si je n'étais rien sans lui,  comme si j'étais une junkie qui avait besoin de sa dose d'héroïne. J'hésite quelques secondes avant de lui répondre en murmurant :

— T'imagines pas à quel point...
— Toi aussi tu m'as manqué en tout cas.
— Oh, n'étant pas certaine d'apprécier le tournant que prend la conversation je change rapidement de sujet en lui demandant, c'était comment ces vacances ?
— C'est les Hamptons, sympa mais toujours pareil, me répond-t-il en haussant les épaules.

Ace a longuement insisté pour que je passe le reste de la journée avec lui, ce n'est qu'à la fin du dîner qu'il me pose la question que je redoute toujours :

— Et ta mémoire ? Toujours pareil ?
— Oui... enfin je ne sais pas, je rêve parfois, je me risque à avouer.

Il m'adresse un regard un peu surpris et semble s'apprêter à me demander quelque chose avant de se raviser. Son comportement m'exaspère et sans que je sache pourquoi je me retrouve à détruire ce non-dit en lâchant :

— Pourquoi tu ne m'a pas dit ce qu'il  s'est passé ?
— Je te l'ai déjà dit...
—  Arrête ça putain ! Tu m'as touché !

Son expression déconcerté me tire un sourire, il ne s'attendait visiblement pas à ce que je lui cache ça. Le silence qui règne dans la pièce est pesant, cependant Ace finit par le rompre en me demandant :

— Ça fait longtemps que tu te souviens ?
— Ne change pas de sujet. Pourquoi tu as fait ça ?!
— T'essaye de faire quoi là ? Tu ne t'en es pas plaint hein.
— Je t'avais demander de me lâcher, c'était pas assez clair ?

Je me retrouve à crier et des larmes perlent en même temps au coins de mes yeux. J'ai le sentiment d'être pitoyable à me donner en spectacle ainsi et je regrette d'avoir abordé le sujet. Ace me porte le coup de grâce en lâchant :

— Tu as vite changer d'avis quand tu t'es retrouve à gémir mon nom. Ne te fait pas passer pour une sainte nitouche.

Je sais qu'il a raison, qu'à un moment j'ai agis ainsi mais je n'arrive à déterminer à quel moment ça a déraper, à quel moment j'ai lache prise pour que tout s'achève plus vite. J'hésite quelques secondes avant de lui demander :

—  C'est toi qui est venu dans ma chambre il y a plusieurs semaines ?
— Je ne vois pas de quoi tu parles.
— Vraiment ?
— Bien sur, m'affirme Ace, qu'est-ce qu'il s'est passé ?
— Rien.

Ace m'adresse un regard un peu dubitatif mais n'ajoute rien pour mon plus grand soulagement. J'hésite quelques secondes avant de choisir de partir ne me sentant pas capable de rester plus longtemps en sa compagnie. S'il volait me rattraper il n'en fait rien et me regarde partir sans un mot.

Je me retrouve avachie sur l'un des sièges du métro, mes pieds reposent sur le siège en face de moi malgré le regard courroucé des quelques voyageurs présents en ce milieu d'après-midi. Mes écouteurs enfoncés dans mes oreilles diffusent une balade triste qui me fait rapidement monter les larmes aux yeux. Je laisse ma tête reposer contre la vitre et cesse de prêter attention aux stations qui défilent. Ma tristesse me submerge sans que je puisse faire quoique ce soit et les souvenirs défilent sous mes paupières.

Apres qu'Ace m'a embrassé ses mains se sont posées contre ma peau, ce contact glacial qui s'affaire à retirer la fine couche de protection qu'était mes vêtements me donne la chair de poule. Lorsque les barrières de tissus atterrissent au sol les mains se font plus présentes, suivit du contact de lèvres douces laissant une trace humide contre mon épiderme. Toutes mes sensations semblent s'amplifier sans que je sache pourquoi, c'est ainsi que je me retrouve à cesser de lutter. Ma conscience m'abandonne, je ne ressens plus rien. J'ai juste le sentiment de me laisser porter par une vague, par quelque chose de brûlant, de plus fort que tout ce que j'ai pu connaître. Je ne sais plus où je suis, je ne sais plus qui je suis, je ne sais plus avec qui je suis, pas plus que je ne sais qui  me fait ressentir ça.

Mes pensées se court-circuitent entre elles tandis que mon corps me fait ressentir de nouvelles sensation. Et brusquement un voile noir s'abat. Un trop plein d'émotion, un trop grand ressenti, une surcharge émotionnelle.

Sans que je puisse faire quoique ce soit je me retrouve seule face à ma conscience. Et je prends soudainement conscience de ce que je viens de faire. J'ai trahi Seth, de la pire façon qui soit possible. Avec Ace apres que j'ai accepté de dormir avec lui, et dans son lit. Je me dégoûte tellement que j'en ai la nausée. Comment j'ai pu faire ça ?...

Les vibrations de mon portable contre ma cuisse font que j'arrive à me défaire de ces souvenirs qui me torturent, j'essuie rageusement mes yeux avant de me redresser pour descendre dès que le métro s'arrête. Avec cette saloperie de mélancolie je me retrouve à l'autre bout de Paris ce qui n'arrange pas vraiment mon humeur. Je me laisse tomber sur l'un des sièges en plastique pour sortir mon portable, j'y découvre plusieurs appels d'un numéro masqué à même pas deux minutes d'intervalle. Une notification m'indiquant que j'ai un message sur mon répondeur apparait peu après. La réception dans le réseau souterrain n'est pas terrible mais le message reste parfaitement audible. Une voix laconique et froide, le message se résume à un seul mot : « demain ».

DésolationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant