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Je m'enroule dans une serviette moelleuse d'un blanc immaculé et sans prêter attention à mes cheveux trempés qui sème derrière eux des gouttes d'eau comme si j'étais une version aquatique du Petit Poucet. J'ouvre le dressing de Seth à la recherche de mes vêtements. Depuis mes vacances forcées et pour veiller sur moi il a fait de la place pour mes affaires et m'a même laissé mettre une touche de ma déco dans sa chambre, si bien qu'on se retrouve quasiment à vivre ensemble. Alors que j'étais en train d'enfiler ma lingerie la porte s'ouvre sur Ace qui ne se gêne pas pour profiter du spectacle en émettant un sifflement. Il a en effet pu rentrer après être encore resté quelque temps à l'hôpital pour s'assurer que tout aille bien. Ayant laissé tomber ma serviette au sol je me saisis précipitamment de la première robe venue pour l'enfiler avant de demander :

— Qu'est-ce que tu veux ?

Nos relations bien que cordiales restent très tendues et au final on ne se parle que par nécessité, c'est pour ça que le voir avachi contre l'encadrement de la porte l'air content me surprend un peu.

— J'allais me mater un film, mais j'ai fait trop de pop-corn. J'ai pensé que ça pourrait te tenter ?
— Heu... Ouais, pourquoi pas.
— Je t'attends pour lancer le film alors.

Et il tourne les talons comme il était venu en me laissant un peu abasourdie. Je ne sais pas vraiment à quoi m'attendre mais si c'est une tentative pour pacifier nos relations il serait absurde que je refuse. Puis bon, ça calmera peut-être la culpabilité qui continue de me ronger un peu plus chaque jour. Son réveil n'ayant rien changé face aux trop nombreux mois de sa vie que j'ai le sentiment de lui avoir volé, sans parler de nos sentiments.

Je coiffe mes cheveux avec hâte avant de descendre pour rejoindre Ace dans le salon, il me regarde arriver en détaillant mon corps avec attention.

— Elle est pas mal ta robe.

Je lui lance un regard étonné avant de baisser les yeux pour essayer de voir ce qui motive ce compliment. Ok, visiblement elle est moulante, très moulante, trop. Le mal étant fait il est un peu tard que j'aille me changer, c'est absurde, surtout que ce n'est que pour mater un film. Mes joues s'empourprent pendant que je m'installe dans le canapé. Ace place le bol de pop-corn entre nous et cette distance de séparation me rassure un peu. Il lance le DVD et je découvre qu'il a choisi Shining. Je connais plutôt bien le film et je suis rassurée par le fait qu'il ne m'ait jamais terrifié, j'adore même les petites jumelles qui hantent les couloirs de l'hôtel.

Plus le film avance plus nos mains s'effleurent régulièrement quand je pioche pour prendre du pop-corn. Je ne sais pas trop si c'est volontaire mais la situation me perturbe un peu si bien que je finis par cesser de grignoter. Ace s'en rend compte puisqu'il finit par me demander en désignant le bol :

— C'est la peur qui t'empêche d'en profiter ?
— Non, j'ai juste plus faim, répondis-je en essayant de garder un air naturel.
— Oh dans ce cas...

Ace se saisit du bol et le pose sur ses genoux, plus rien n'empêche le fait qu'il puisse se rapprocher de moi et je ne peux pas vraiment changer d'avis. Je n'ai plus qu'à espérer que ce soit moi qui accorde trop d'attention à de petits détails. Pour en faire abstraction je me concentre sur le film et je finis par réussir à me laisser absorber par les aventures de Danny.

La tension du film augmentant de plus en plus je me retrouve à tendre la main pour piocher machinalement du pop-corn. Sans que je m'en rende vraiment compte mon bras effleure sa cuisse et Ace en profite pour se rapprocher de moi si bien que nos épaules se touchent presque. Mes petites voix intérieures sont en train de se chamailler, soit je reste immobile parce que cette proximité est involontaire, soit je me décale discrètement. Je retiens un soupir tellement je me fatigue moi-même. Ace lui ne semble se rendre compte de rien et a l'air absorbé par le film. Pourtant il finit par se tourner vers moi pour me demander :

— Ça ne va pas ? T'as l'air mal à l'aise.
— Je... juste le film qui me stress.
— Attends alors.

Et avant que j'aie pu dire quoi que ce soit il glisse un bras contre mes épaules et m'attire contre lui. Je n'ose pas vraiment protester mais tout mon corps se crispe. Je décroche totalement du film et laisse mes pensées divaguer en essayant d'oublier la situation inconfortable dans laquelle je me retrouve. Sur la fin du film Ace me serre un peu plus fort contre lui, n'y tenant plus j'essaye de me dégager doucement mais il me garde contre lui, ses doigts s'enfonçant sous de ma clavicule. Je retiens un gémissement de douleur et opte pour un changement de stratégie en lui demandant :

— Tu peux me lâcher un peu s'il te plaît ?
— Tu n'es pas bien là ?

Sa voix à l'air tellement triste que je n'ai pas le cœur à répondre par l'affirmative. Je secoue alors la tête et lui réponds que j'ai juste un peu trop chaud. C'est au moment où j'achève ma phrase que je prends conscience de ma connerie, j'espère juste qu'Ace n'y verra pas de sous-entendu. Visiblement c'est raté puisqu'il me propose l'air malicieux :

— Enlève ta robe dans ce cas ?
— Non, dis-je tout en donnant une petite tape sur son épaule pour protester.
— Ah ouais ? Tu le prends comme ça ?

Je lui lance un regard un peu anxieux à l'idée de l'avoir blessé. Cependant il retire son bras avec un air joueur et ses mains viennent se poser contre mes hanches pour me chatouiller. Je me retrouve rapidement allongée dans le canapé à me tortiller pour essayer d'échapper aux mains d'Ace. Le bruit du bol tombant au sol en rependant son contenu et couvert par mes rires et mes suppliques pour qu'il me lâche. Ma voix est hachée et je ris tellement que ma respiration est saccadée. Lorsqu'à force de me marrer je finis par avoir mal au ventre je m'oblige à riposter. À force de bouger mes jambes dans tous les sens j'arrive à me soustraire à l'emprise d'Ace et me jette sur lui pour me venger. Par chance il est aussi chatouilleux que moi et ne tarde pas à m'implorer pour que j'arrête. Je ne l'écoute pas vraiment et tire sur son haut pour dévoiler sa peau et poursuivre cette torture amicale. La voix de Seth nous demandant ce qu'on fout met fin au jeu. Et je prends en même temps conscience de la position dans laquelle il me découvre, à quatre pattes au-dessus d'Ace qui est totalement débraillé, mes cheveux sont emmêlés et nos joues sont rougies. Je me lève un peu brusquement pour répondre :

— On s'amusait juste c'est tout.
— Elle flippait devant Shining alors voilà... Ajoute Ace l'air peu convaincu.

DésolationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant