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Je suis pliée en deux dans mon lit, tiraillée par des nausées et des maux de ventre insupportables. Le pharmacien a dû se tromper dans ce qu'il m'a donné c'est pas possible autrement... Entre ça et ma gueule de bois c'est vraiment une journée affreuse et c'est dans cet état lamentable que Seth me trouve lorsqu'il ouvre la porte de ma chambre, heureusement que mon père l'a laissé entrer malgré tout. L'air inquiet il s'assoit au bord de mon lit et m'attire contre lui, si bien que ma tête repose sur ses genoux. Il dépose un baiser tendre sur mon front et se confond en excuses.

— Arrête, c'est de ma faute aussi, j'aurais dû y penser...
— Dans ce cas-là tu ne devrais pas être la seule à souffrir, soupire Seth.

Je lui lance un regard moqueur qui se transforme rapidement en grimace lorsqu'une crampe se fait ressentir.

— Je voulais te proposer de sortir, mais je crois qu'il vaut mieux rester là...
— Ça finira bien par passer, mais j'veux bien attendre ouais. Je suis désolée.
— Ne le soit pas ma belle, c'est bien d'être tous les deux aussi.

Comme pour justifier ses propos il tire sur le drap pour se glisser sous la couette avec moi. C'est à ce moment-là que je remarque les égratignures sur le dessus de ses phalanges, je me saisis d'une de ses mains pour l'examiner avec attention. Quand j'étais plus jeune, il m'arrivait de taper dans les murs pour me calmer lorsque j'étais énervée, j'avais souvent ce même genre de petits points rouge dû à l'écorchement de la peau. Intriguée et un peu inquiète je lui demande :

— Tu t'es battu ?
— Oui, mais non... Enfin j'avais pas le choix...
— Comment ça ? Dis-je en fronçant les sourcils.
— Ace m'a poussé à bout, il a fait une connerie et ça m'a fait péter un plomb.

Je ne comprends pas trop ce qui a pu se passer entre eux pour qu'ils en arrivent là et Seth ne semble pas vraiment disposé à m'en dire plus vu la froideur de sa voix. Je me risque tout de même à demander :

— Ace va bien malgré tout ?
— C'est pas important me répond-il en haussant les épaules.
— Ok...

Je préfère ne pas insister je suis trop fatiguée pour ça, si j'interroge Ace là-dessus demain j'aurais sans doute droit à une véritable explication. Comme pour clore définitivement le sujet Seth oriente la conversation vers ce que j'ai fait de ma journée, et après plusieurs heures de conversation à bâtons rompus je finis par m'endormir blottie contre la présence rassurante de Seth.

Je me réveille en sursaut avec l'impression d'être au bord de l'asphyxie, une violente nausée me tordant le ventre. J'en oublie la présence de Seth à mes côtés et me précipite dans la salle de bain pour tomber à genoux devant les toilettes. Si au bout de plusieurs minutes ma nausée s'est calmée, ce n'est pas vraiment le cas de ma respiration et de mon cœur qui s'emballent. Je n'arrive pas à comprendre la raison de cette crise d'angoisse mais toujours assise au sol je finis par m'adosser contre la baignoire. L'email glacé me fait l'effet d'un électrochoc et en me concentrant là-dessus je parviens à me calmer après plusieurs minutes.

Les images de mon rêve me reviennent tout doucement et j'ai l'impression de voir un replay en accéléré de la soirée d'hier, la danse dans le salon, le jeu, la chambre avec Seth, encore de la danse ensuite, au moins maintenant je sais pourquoi je n'ai pas dormi dans la chambre de Seth, enfin je suppose. Des dernières bribes d'un corps contre le mien me parviennent en me laissant une sensation désagréable et un goût métallique en bouche. Cependant je n'ai pas le temps d'y réfléchir plus que ça puisque Seth me rejoint l'air ensommeillé.

— Ça va ? Tu as besoin de quelque chose ?
— Je crois que ça va mieux, je me suis juste sentie mal.
— Alors viens, tu vas attraper froid à rester assise sur le carrelage.

Je saisis la main qu'il me tend et il en profite pour m'attirer contre lui. Alors qu'il m'aide à me glisser dans le lit je prends brusquement conscience que c'est la première fois que je partage mon propre lit avec quelqu'un. J'espère que mon père ne me le reprochera pas et qu'il sera déjà parti quand on se lèvera histoire d'éviter une situation un peu gênante. J'ai déjà de la chance que ma mère ne soit pas là, j'espère que ça va continuer un peu. Malgré la pénombre de la chambre Seth doit percevoir mon trouble puisqu'il me demande :

— Tu es vraiment sûre que ça va ?
— Je réfléchissais juste... J'ai jamais dormi avec quelqu'un ici, ni même présenté un mec à mes parents alors ça me stress...
— Quand ton père m'a fait rentrer il avait l'air plutôt cool si ça peut te rassurer.
— Bah si j'ai pas le droit à des questions trop gênantes ça ira.
— T'inquiète, personne égale ma mère dans ce domaine.

Je laisse ma tête reposer contre le torse de Seth, c'est la première fois qu'il aborde ce sujet et j'apprécie cette confiance, si bien que je me risque à demander timidement :

— Elle est comment ?
— Personne est assez bien pour moi d'après elle... Personne est assez bien pour elle de toute façon. Je comprends sans peine que le père d'Ace se soit tiré vite fait.

Il joue avec une mèche de mes cheveux qu'il enroule autour de ses doigts et hésite quelques secondes avant de poursuivre.

— Elle est toujours sur les nerfs, persuadée que le monde entier lui est redevable alors qu'appart de bons mariages elle n'a jamais rien fait.
— Ta mère est présente au moins... La mienne accomplit l'exploit de n'être jamais là mais elle a toujours quelque chose à me reprocher.
— On a presque les mêmes visiblement...

Cette phrase pleine d'amertume met fin à la conversation, je préfère en effet me tourner vers Seth pour l'embrasser tendrement. On partage ainsi un moment de tendresse durant plusieurs minutes avant de se rendormir. Si Seth n'a pas eu de mal à laisser le sommeil le gagner, il semble me fuir. Je m'agite en cherchant une position plus propice en vain avant de laisser mes pensées divaguer. C'est ainsi que d'un coup je comprends ce qui m'a tant gêné dans le prisme de mes souvenirs, le torse qui était contre le mien n'avait pas de tatouage.

DésolationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant