Quatrième interlude

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Présent

Après deux semaines à copiner avec Sia j'ai enfin eu le droit de retrouver ma liberté, j'avais pourtant cesser d'y croire, comme si toute lueur d'espoir avait dû mourir pour que je puisse renaître. Cette sortie un peu inattendue me comble de joie, lorsque le taxi m'a déposé devant chez moi j'avais toujours l'impression d'être dans un rêve et j'appréhendais le réveil. Pourtant quand ma mère m'a brièvement accueilli avant de s'excuser en me disant qu'elle n'avait pas pu annuler son voyage d'affaires j'ai su que c'était bien réel. À mon grand soulagement j'ai aussi pu constater que les choses n'avaient pas changé que cette coupure dans ma vie n'avait pas laissé de séquelles.

Alors que la nuit a fini par tomber et que j'ai rejoint mon lit je cherche en vain à m'endormir. La radio crachote une musique rap en fond sonore, peu à peu je lâche prise et je finis par m'endormir. C'est le grincement d'une porte qui s'ouvre qui me sort de ma torpeur et me fait me redresser dans mon lit, les draps collants à ma peau moite. J'écoute avec attention les bruits m'environnant sans identifier l'origine de mon trouble ni même comprendre la sensation de malaise qui grandit en moi. Je sais que je seule, rien n'aurait pu causer ce bruit et c'est cette certitude qui me tétanise et m'empêche de me lever vérifier que tout va bien. Le seul geste de bravoure que je réussis à accomplir et de saisir mon portable pour en allumer la puissante lampe torche. Je mets quelques secondes à m'habituer à cette lumière vive avant de scanner mon environnement avec attention. N'ayant rien remarqué de particulier et le silence m'enveloppant à nouveau je repose mon portable à sa place et me rallonge dans mon lit pour rejoindre les bras de Morphée.

Quelque chose chatouillant mon cou me réveille en sursaut, j'ai à peine le temps d'ouvrir les yeux et de remettre mon cerveau en marche qu'une main se pose contre mes lèvres pour étouffer mon cri de surprise. Malgré les quelques rais de lueur lunaire qui filtre par les persiennes je n'arrive pas à distinguer quoique se soit. La peur s'infiltre en moi et m'empêche de réfléchir correctement, je n'arrive même pas à avoir une pensée cohérente. Tout mon instinct me crie de ne pas bouger malgré ma panique qui me hurle le contraire. Mon corps reste cependant immobile contre mes draps, la peur rend ma peau un peu poisseuse à cause de la transpiration tandis que les battements de mon cœur et ma respiration deviennent anarchiques.

Le temps semble se figer, il ne se passe absolument rien, mon corps ne bouge pas, la main ne bouge pas. J'en viens à penser que ce n'est qu'un cauchemar absurde et sans aucun sens, peu à peu ma peur et mes fonctions vitales s'apaisent, mon corps se détend. C'est à ce moment là, comme si elle l'avait attendu que la main se retire doucement, une voix chaude vient murmurer de me taire à mon oreille. L'adrénaline pulse dans mes veines mais l'intonation du murmure me paraît bien trop menaçante pour que je me risque à faire autre chose que hocher la tête.

Des dizaines et des dizaines de pensées me viennent en tête et je cherche vainement le pourquoi du comment, l'angoisse qui me broie le ventre ne m'aide pas dans mes réflexions. N'osant rien dire je finis cependant par me redresser timidement contre l'oreiller. Dans la pénombre la silhouette me paraît indubitablement masculine, comme si l'homme avait surpris mon examen minutieux il se détourne de moi et tire sur le cordon du store pour le fermer totalement et faire régner l'obscurité dans la pièce. Je n'ai pas eu le temps de voir quelque chose de vraiment utile pour avoir une chance de le reconnaître ou ne serait-ce que de le décrire. La seule lumière qui reste provient des étoiles phosphorescentes collées sur la tête de lit. Leurs douces lumières verdâtres associées à la scène lui donne une lueur surréaliste et un peu étrange. Je sais que la lumière ne va pas durer éternellement et le moment où elle va disparaître pour de bon me terrifie, il faut que je tente quelque chose avant, je n'ai pas le choix.

Je me redresse dans un geste maladroit, le drap collant toujours autant contre ma peau. Sans que je sache comment l'homme doit s'en rendre compte car des mains exercent une violente pression contre mes épaules et me forcent à reprendre ma position initiale tandis qu'une gifle assez légère vient saluer mon initiative. J'étouffe un gémissement de douleur et mon corps se recroqueville contre lui-même comme si cela avait une chance de me protéger. Pas un mot n'a été prononcé et je crois que c'est ça le pire, ne pas savoir à quoi s'attendre, cette tension latente crée un étau qui me comprime et j'ai l'impression que tout ce qui se trouve à l'intérieur de mon corps est en vrac. Je me risque à tendre la main pour masser du bout des doigts ma joue endolorie, lorsque je redresse la tête la faible lumière accroche la pupille de mon agresseur et il me semble y distinguer une lueur bleutée. Ne sachant pas vraiment quoi faire et ayant terriblement peur de la suite je me risque à murmurer :

— Pourquoi ?

Ma question reste silencieuse, l'homme ne reste pas par contre sans réaction et dans un geste qui me parait d'une vitesse hallucinante il sort quelque chose de sa poche avant de l'appliquer contre ma gorge. Le contact froid du métal associé au fil tranchant qui mord légèrement ma peau fait que la panique me submerge, malgré moi mon corps se retrouve à trembler, ma respiration se fait saccader et je me mets à pleurer de manière assez bruyante puisque mes larmes me font suffoquer. Je n'arrive plus à maîtriser quoi que ce soit et l'inconnu semble aussi surpris que moi. Il reste de longues secondes sans réagir avant de finir par refermer son couteau papillon. Il s'assoit au bord du lit et à ma plus grande surprise m'attire doucement contre lui. Il me berce ainsi pendant que mes larmes et ma morve dégoulinent sur son cou sans que cela ne semble le gêner. La scène n'a juste aucun sens et en plus je trouve le moyen d'être pitoyable. Il n'y a qu'à moi que ce genre de truc peut arriver franchement. Et sérieusement quel malade s'introduit chez les gens et les terrifie avant de les consoler ? Quel bordel. Je cherche un sens un tout ça, un indice, un début de piste mais une voix me coupe dans ma réflexion, elle est toujours aussi douce... et apaisante.

— Il fallait rester silencieuse Alba.

Ouais ça visiblement je l'ai compris, comme pour le lui prouver je hoche la tête tandis que sa main se pose dans mes cheveux pour les caresser dans un geste apaisant. N'ayant pas vraiment d'emprise sur la situation je décide de ne plus rien provoquer et d'attendre voir la suite. En voyant que mes sanglots se calment peu à peu l'homme se saisit du bas de son haut et essuie mes larmes ainsi que mon nez avec dans un geste peu ragoûtant mais donc j'apprécie malgré tout l'attention, avant d'en prendre conscience. T'es complètement malade Alba le mec te menace et tu trouves le moyen de trouver l'attention sympa, je retiens de justesse un soupir d'exaspération. J'ai envie de lui demander ce qui va se passer maintenant, les mots me brûlent la langue mais je n'en fais rien. Dans un geste doux l'homme sort un espèce de stylo de sa poche avant de soulever le long t-shirt avec lequel je dors pour dévoiler ma cuisse. Ce n'est qu'au moment où il le pose contre ma peau que je comprends que c'est le même genre de système dont disposent les diabétiques pour s'injecter l'insuline. Avant que j'aie eu le temps de dire quoique ce soit l'homme appuie dessus et je sens l'aiguille percer ma peau. En quelques secondes je me sens partir et mon corps tombe lourdement contre le matelas.

Lorsque je me réveille le lendemain matin, une atroce migraine m'empêche de réfléchir pleinement. Pourtant peu à peu les souvenirs de la nuit me reviennent en mémoire. Je commence à paniquer et regarde autour de moi pour m'assurer que tout va bien mais rien n'a bougé, rien n'a disparu. Au final ce n'était peut-être qu'un cauchemar, ce n'est qu'au moment de me lever que j'aperçois la feuille de papier pliée à côté de mon oreiller. Un simple mot est imprimé à l'encre noire dessus et raisonne comme une menace qui me fait frissonner.

« Bientôt ».

DésolationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant