13.

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J'ai longuement hésité à annuler mon rendez-vous avec Seth afin de ne pas mettre Sarah mal à l'aise. Mais elle a lourdement insisté pour que je n'en fasse rien, si bien que je me suis contenté d'envoyer un SMS à Seth pour décaler notre rencard d'une heure et lui donner l'adresse de mon amie pour qu'il vienne me chercher là-bas.

J'ai donc passé une bonne partie de ma soirée avec Sarah à regarder des comédies romantiques stupides tout en mangeant de la glace et en buvant quelques bières. C'est cliché mais je ne connais pas d'autre moyen de réconforter quelqu'un après une rupture, ça a eu également le mérite de faire cesser les pleurs de Sarah et même de la faire rire, c'est le principal. Elle a fini par me pousser dehors pour que rejoigne Seth en m'assurant que tout ira bien pour elle. Maintenant qu'une partie des magasins sont ouverts le dimanche on a tout de même convenu de se retrouver le lendemain après midi pour une session de shopping entre filles.

Alors que je quitte le hall d'immeuble je tombe directement sur Seth qui m'attends adossé contre le mur entrain de fumer. En me voyant il lâche sa cigarette pour la laisser tomber au sol et s'approche de moi pour ébouriffer tendrement mes cheveux.

— Ace m'a raconté. Tu veux qu'on en parle ?
— Pour dire quoi ? Vous étiez que tous les deux apparemment, il m'a assuré que c'est pas lui et je ne pense pas que ça soit toi...

Il se mord la lèvre inférieure et fuit mon regard avant d'acquiescer. Son comportement me perturbe quelque peu mais je dois avouer que je commence à avoir l'habitude. Étant quasiment certaine que de toute façon je ne découvrirai pas la vérité je préfère clore l'incident et la discussion en m'approchant de sa moto et en m'équipant du casque qui m'attendait posé sur la selle.
Seth me rejoint et démarre sans un mot, la ballade dure à peine cinq minutes et il s'arrête à proximité de Notre-Dame. On longe en silence les quais de Seine sur quelques mètres, sa main cherche la mienne et je la lui la cède timidement. On finit par s'asseoir contre l'un des petits murets entourant les parterres végétaux et faisant office de bancs qui sont placés sur le parvis, à cette heure tardive de la nuit l'endroit est calme et quasiment désert. L'air frais conjugué à la pierre froide me fait frissonner si bien que je me colle timidement contre Seth. Sentant que je suis contrariée par les événements de la fin de journée, il dessine avec son pouce de petits cercles contre la paume de ma main tout en lâchant dans un souffle :

— Je suis désolé.
— Dis... il va en faire quoi ?
— Aucune idée me répond-il en haussant les épaules. Je ne sais pas où est ta robe du coup, je l'avais laissée dans la pièce où l'on a dormi... je t'en offrirais une autre pour me faire pardonner.

Je hoche la tête perdue dans mes pensées et sans être certaine d'avoir tout compris. On a dormis ensemble, lorsqu'il est parti mes fringues devaient toujours être là, du coup quelqu'un est forcément rentré pendant que je dormais, seule et à moitié nue... En sachant que je n'ai croisé qu'Ace il y a de fortes chances pour que ce soit lui, et comme si l'altercation durant cette maudite soirée n'avait pas suffit le voilà qui se ballade avec un flingue. Cette pensée me fait frissonner tout en m'hérissant les poils, ce que Seth remarque.

— Tu as froid ?
— Un peu...
— Viens là, et sans me laisser le temps de réagir il m'attire contre lui tout en frottant doucement mon dos avec l'une de ses mains avant de la laisser reposer contre mes hanches, c'est mieux ?
— Je crois, merci.
— Tu as l'air ailleurs, parle-moi s'il te plaît.

Son regard de chien battu et sa voix suppliante ont raison de mes réticences si bien que je lui fais part de mes pensées :

— J'étais juste en train de me dire que les rencontres en boites c'était pas mon truc et que ça aurait dû continuer ainsi... Tout est trop bizarre... Étrange... Je me sens un peu perdue, j'ai jamais gérer ça auparavant...

Un éclat de surprise traverse de manière fugace son regard avant qu'il ne retire son bras, il s'assoit à califourchon contre la pierre, pendant que je tourne la tête pour continuer à l'observer, je découvre en même temps avec un certain étonnement que le contact de son corps contre le mien me manque. Avec une douceur infinie sa main s'approche de mon visage pour que le bout de ses doigts brûlants dessine le contour de mes pommettes glacées. Son visage se rapproche du mien jusqu'à ce que son souffle vienne chatouiller mes lèvres, alors que je m'attends à ce qu'il m'embrasse il n'en fait rien et se contente de me murmurer d'une voix faible et empreinte d'émotion :

— Je t'aime Alba, fait-moi confiance, tu as déjà commencé en faisant de moi une exception alors continue. Laisse-moi te rendre heureuse et mettre le monde à tes pieds, tu ne le regretteras pas.

Bordel, je sens mon cœur se briser en des centaines de petits morceaux à moins que ce ne soit que les défenses que j'avais érigées patiemment. Jamais personne ne m'a dit ça et l'effet est dévastateur, pour la première fois de ma vie l'expression avoir des papillons dans le ventre prend tout son sens. J'aimerais dire quelque chose de beau ou de brillant, pouvoir répondre à ses sentiments mais je n'y arrive pas, l'émotion me submerge au-delà des mots. Une larme naît au coin d'un de mes yeux et commence à dévaler ma joue, je laisse mes paupières se fermer pour essayer que cette perle d'eau salée soit unique. Les doigts chauds de Seth viennent avec légèreté la cueillir contre ma peau.

— Regarde-moi s'il te plaît...

Je prends une discrète inspiration pour chasser mes pleurs avant de rouvrir les yeux. Alors que je m'apprête à balbutier quelque chose il pose l'un de ses doigts contre mes lèvres pour me faire taire.

— Ne dis rien, je ne te demande rien ma belle, je sais que tout est nouveau pour toi alors prends ton temps.

Les joues rougies, un doux trouble se répand en moi, j'hésite quelques secondes avant de me rapprocher de lui pour que mes lèvres effleurent les siennes avant de revenir se poser avec plus de force pour un baiser plus brûlant dans lequel j'essaye d'exprimer le brasier de mon trop-plein sentimental. Lorsqu'il prend fin j'avoue dans un souffle :

— Je crois que j'ai un peu peur...
— Du bonheur ? Ça va te plaire tu verras.
— Il n'y a pas que ça... Il y a Ace aussi...

Le regard de Seth s'assombrit et lorsqu'il s'exprime dans une promesse à peine voilée sa voix est glaciale :

— S'il t'importune je ferais en sorte de régler le problème définitivement. Ne t'inquiètes pas.

DésolationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant