Le Royaume d'Ialane (EN REECRITURE)

Prologue

Elle se réveilla en sursaut. La sueur dégoulinait de ses tempes, où quelques mèches de ses cheveux gris étaient restées collées. Son souffle était court, comme si dormir avait été un effort. Lentement, elle sortit de son lit, son corps ne lui permettant plus d'aller plus vite. Chaque geste exécuté lui rappelait que ses muscles s'ankylosaient un peu plus chaque jour. Autour d'elle, la nuit. Aucune lueur ne filtrait par la fenêtre. Cependant, au fil des années, ses yeux s'étaient habitués à la faible luminosité et elle parvenait à se diriger sans difficulté dans sa maigre demeure. La nuit ne lui faisait plus peur, au contraire elle l'a trouvait paisible et propice à la méditation. La journée il lui était impossible de se concentrer entièrement à ses pensées, de les étudier pour les comprendre. Le jour rendait les choses beaucoup plus brouillonnes, et l'ambiance agitée l'empêchait de réfléchir.

Après plusieurs efforts afin de réveiller ses membres endormis, elle parvint jusque dans sa cuisine. Un verre était posé sur la table. Comme à son habitude, elle l'avait laissé pour son éventuelle visite nocturne. Les mains tremblantes, elle le porta à ses lèvres gercées par la vieillesse. L'eau fraîche apaisa sa tête douloureuse. Elle fixa ses mains, qu'elle avait posées bien à plat sur le bois de la table. Elles étaient si usées qu'elles ne semblaient plus lui appartenir. C'est chaque fois la même chose, pensa-t-elle.

- J'espère que cela en vaut la peine, finit-elle par lâcher tout haut, s'adressant à son plafond.

Elle avait rêvé une nouvelle fois, laissant s'échapper une partie d'elle-même. Chaque fois, son iris perdait de sa lueur et ses mains devenaient de plus en plus lointaines à son regard. Mais ces rêves n'étaient pas anodins, elle le savait. Au plus profond d'elle-même elle savait qu'elle avait été choisie, elle, qui n'avait jamais rêvé que trois fois dans sa vie. Personne ne s'en était jamais inquiété. Il faut dire qu'avant son premier rêve alors qu'elle avait déjà une vingtaine d'années, elle n'avait jamais su ce qu'était le rêve. Mais elle aurait préféré rêver tous les soirs et ne pas subir les conséquences qui étaient les siennes. Ce qui pour les autres n'était qu'un simple rêve, presque anodin, était une aventure nocturne éprouvante pour la vieille femme qu'elle était.

Elle n'avait aucun doute quant à la raison de sa particularité. Elle se considérait comme une sorte de messagère, tel un passeur qui ferait le lien entre le réel et l'abstrait, la vie et l'inconscience. Elle ne savait pas pourquoi elle avait été choisie, ayant d'abord pensé à une sorte de châtiment pour un quelconque acte qu'elle aurait commis, elle s'était résignée à la possibilité que le hasard l'avait désignée. Avec l'âge, elle comprenait la particularité de sa mission, la chance qu'elle avait d'avoir un aperçu de l'inconscient, ou tout du moins, d'autre chose que la vie. Sans aucune doute Zynaï voulait lui laisser un message et trois fois le même rêve s'était répéter, chaque fois plus précis que la dernière. Elle sentait que celui-ci était d'une importance telle, qu'il dépassait l'entendement. Cette fois-ci, le rêve avait été très clair, les détails ne laissaient aucun suspense quant à l'issue du message. Le fait est qu'elle ne savait toujours pas quelle était sa mission réelle quant à celui-ci. Elle pensait qu'elle devait le livrer à quelqu'un, elle était bien trop âgée maintenant pour pouvoir agir sur le contenu du rêve. N'étant pas sûre de sa conclusion, elle attendait patiemment que, d'une manière ou d'un autre, Zynaï lui donne toutes les informations sur sa mission. Elle espérait seulement que la déesse ne s'était pas trompée et qu'elle serait à la hauteur car le monde allait être en grand danger. Des heures noires arrivaient, laissant la sorcellerie envahir chaque recoin. Les rêves étaient froids et obscurs, ils sentaient la mort et le sang. Cependant, son dernier rêve laissait croire à une lueur d'espoir quelque part, mais cet espoir semblait fragile : un choix sera fait et l'avenir en dépendra.