Chapitre 14 (1ère partie): Le Ni'a

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Le centre d'entraînement était une grande pièce accrochée au palais. Au centre il y avait une arène magique ainsi l'entraîneur pouvait choisir le décor de l'entraînement tandis que les spectateurs étaient assis dans des gradins à l'extérieur de l'arène, protégée par une capsule invisible. Ma mère m'avait un jour expliqué qu'il y a longtemps, on organisait des tournois entre les enchanteurs et les sorciers dans ce centre. Mais ils avaient finis par être interdits après un incident. En effet lors d'un tournoi auquel ma mère, encore adolescente, assistait, la magie fut utilisée à de mauvaises fins. Ce jour-là Kaâla participait lui aussi à ce tournoi mais il n'utilisa pas ses pouvoirs de sorcier pour aider son équipe dans l'arène. Il avait décidé d'attaquer le roi Léon et la reine Marie, mes grands-parents. Il lança un sort de mange-cœur sur la reine qui s'effondra. Il venait d'utiliser la sorcellerie noire.

Ma mère fut mise à l'écart pour être protégée tandis que le roi lança un glaci-pétricus si puissant que Kaâla fût glacé et pétrifié sur place. Un glaci-pétricus normal l'aurait juste arrêté quelques secondes mais celui-ci aurait pu l'arrêter à vie, voir même stopper son cœur et le tuer. Un soigneur très puissant réussit à sauver la reine de justesse de la mort. Son cœur n'avait pas encore été rongé par le sort mais son corps avait été gravement atteint, au point où l'on voyait toutes ses veines, devenues noires, à travers sa peau. Depuis ce jour les tournois avaient été arrêtés et Kaâla n'avait plus le droit de mettre les pieds à Olysie.

- Soldats, à vos armes ! Plus vite !

Le commandant hurlait ses ordres aux fantassins tandis que nous assistions à l'entraînement quotidien des soldats. L'armée de Risseta s'était mêlée à celle d'Ialane. Près de moi Habib et Loup observait tout, d'un œil attentif. Je repensais à mes entraînements au combat avec Achille dans cette arène.

Je n'attendais qu'une chose : la meute. Je voulais la voir en action. Qu'allait-elle pouvoir nous apporter ? J'attendis encore longtemps, regardant les soldats armés de différentes armes se battre au corps à corps, les Saribains s'entraînant aux arcs et initiant quelques Ialanois venus grossir nos rangs après mon discours. Samira les dirigeait avec beaucoup de rigueur tout en les encourageant.

L'entraînement se termina enfin et ils firent leur entrée : les loups. Majestueux et fiers, leur pelage gris aux différentes nuances laissait apparaître cette incroyable musculature dont ils étaient dotés. Leurs crocs acérés avaient de quoi impressionner.

Ils se mirent en position et un cerf fut lâché dans le centre d'entraînement, le spectacle put commencer. Les Loups avaient choisi un décor de forêt où le cerf gambadait joyeusement. Ils passèrent à l'action à pas feutrés. D'un coup ils s'arrêtèrent, s'aplatissant au sol. Le cerf leur faisait face, paissant tranquillement au centre d'une clairière, ne se doutant pas une seule seconde qu'il était en danger. Je vis alors la meute se séparer en deux groupes pour encercler l'animal. Les chasseurs avançaient lentement, sans un bruit, en rampant le plus près possible du sol jusqu'à ce que la clairière soit totalement entourée de loups. Ils attendirent quelques minutes avant de s'avancer vers leur proie. Celle-ci releva aussitôt la tête et s'aperçut de la présence des prédateurs. Babines retroussées, les oreilles à l'affut, le regard perçant, les loups attendaient le bon moment tout en impressionnant leur proie. Les prédateurs et la proie se défiaient du regard, se jaugeait, lorsque d'un coup le cerf pris la fuite. Il traversa la clairière jusqu'à un énorme rocher surplombant ses ennemis par la hauteur. La meute prise au dépourvue suivie le cerf mais celui-ci avait déjà sauté du rocher pour se retrouver à l'extérieur du cercle mortel que formait les loups. Il galopa à grandes enjambées, espérant échapper à la meute qui le poursuivait de près et ne le lâchait pas d'une semelle.

Les loups s'organisèrent rapidement, chacun avait sa place prédéfinie. Ainsi ils formèrent un rempart derrière le pauvre animal. Deux loups étaient positionnés de chaque côté du cerf pour le dissuader de fuir sur les côtés. Derrière, une ligne de canidés s'était formée, suivant le cerf de très près. Six loups, les plus rapides, contournèrent ce rempart, se séparant en deux groupes égaux. Ils allèrent le plus vite possible pour former un arc de cercle et se retrouver face au cerf qui s'arrêta net, de nouveau encerclé. Mais cette fois-ci la proie n'avait aucun moyen d'échapper aux prédateurs qui ne se trouvaient qu'à quelques mètres. Les loups se jetèrent sur le cerf, lui assénant de grands coups de griffes. En quelques minutes le cerf fut achevé. Il tomba au sol avant de rendre son dernier soupir. La meute fit alors la chose la plus inattendue jusque-là. Tous les loups levèrent la tête vers le ciel et hurlèrent. Leur cri se répercuta dans la salle. C'était un chant particulier, comme pour prévenir Zynaï de la venue d'un nouvel être auprès d'elle. Ce n'était pas joyeux mais pas triste non plus. C'était plutôt une façon de montrer leur respect à leur proie en accompagnant son chemin vers la vie éternelle.

L'organisation. Voilà ce qu'ils pouvaient nous apporter. Certes nos soldats savaient se battre mais beaucoup mourraient inutilement à cause de ce manque d'organisation. Cette entente comme s'ils ne formaient qu'un seul et même être, battant d'un même cœur, dans un même rythme. Et ce respect pour leur proie, ils ne parlent pas de gloire en ayant tué un autre animal. Contrairement aux Hommes les loups savent que tuer n'est pas une gloire même si elle est inévitable, ils rendent honneur à celui qui a donné sa vie. Je pris alors conscience que les loups étaient des alliés redoutables et qu'ils allaient tout changer.

On se retrouva dans le petit salon Habib, Loup et moi. Loup m'avait demandé de raconté tout ce qu'il m'était arrivé depuis le début de cette guerre. Je racontais donc mon histoire quand un soldat entra, m'interrompant.

- Un loup souhaite vous voir vos majestés.

- Faites-le entrer, répondit Loup.

Un magnifique loup jeune et vigoureux entra. Je me sentis soudain comme irrémédiablement attirée vers lui. J'eus l'impression de le connaître depuis toujours, comme si nous étions amis depuis notre plus jeune âge. Mes yeux croisèrent les siens, verts, et une chaleur nouvelle m'envahie tout entière. Je me sentais plus forte, j'étais partie loin dans une autre dimension. D'un coup tout s'arrêta et je revins à la réalité.

- Princesse, vous allez bien ? me demanda Habib.

- Oui, oui, répondis-je en secouant légèrement la tête comme pour chasser totalement cette sensation nouvelle.

- Je vous présente mon fils, le futur chef de la meute, m'annonça Loup.

- Bonjour votre altesse, je suis Lubin, intervint l'intéressé avec une voix très douce.

- Bonjour Lubin, je suis la princesse Méridine Praïde.

Je continuais de détailler Lubin avec son superbe pelage argenté et ses yeux vert clair, tandis que Loup m'expliquait :

- Lubin dirige la meute pendant l'entraînement, il n'est pour l'instant jamais allé sur le champ de bataille.

Je hochais la tête pour montrer que j'écoutais.

- Princesse qu'avez-vous pensée de notre démonstration ? me demanda le jeune loup.

- A vrai dire je suis absolument ravie que mon premier conseiller, Habib, vous ait trouvés. Cette organisation et ce respect de la proie dont vous faites preuve est juste extraordinaire et je pense sincèrement que c'est ce qu'il manquait à nos troupes pour approcher de la perfection.

- C'est que nous avons l'esprit de la meute princesse. Un animal nous donne sa vie pour que nous puissions nous nourrir et vivre, et nous pensons qu'il est normal de remercier cet animal. Quant à l'organisation, cela a toujours été comme ça, chaque loup à sa place dans la meute et son importance. Nous observons, écoutons, nous sommes attentifs à tout ce qu'il se passe pour pouvoir communiquer avec les autres, m'expliqua Loup avant de s'adresser à son fils.

- Va te reposer, tu l'as bien mérité.

Lubin s'inclina puis repartit. Je ressentis alors une sensation de vide dans tout mon corps, un manque réel m'envahit.


Le Royaume d'Ialane (EN REECRITURE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant