La Délicate et la Redoutable (2)

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Le choc sourd, de la rencontre frontale entre les deux camps dans la plaine, me fit sursauter. Les cris habituels fusèrent au loin. Je pensais que ce pouvait être Kinhan qui venait d'être touché.

- Le comte est fort, ne vous inquiétez pas pour lui, c'est un des meilleurs guerriers.

- Même les meilleurs finissent par tomber.

- Que Zynaï soit avec lui.

Les premières catapultes furent lâchées. Aussitôt je me bouchais les oreilles, le souvenir de leur sifflement au-dessus de ma tête, ainsi que leur déflagration lorsqu'elles rencontrent le sol, était encore frais. Une première s'écrasa sur le champ de bataille me provocant une nouvelle douleur au crâne. Cette fois je ne sentis pas le sol trembler, ni le choc se propager. Je sentis seulement les muscles de Lubin se contracter à chaque nouvelle catapulte. On les enflamma une par une. La vision de ses boules de feu volant dans le ciel, aurait presque pu être jolie, si l'on ne pensait pas au fait qu'elles étaient une arme de guerre.

Les catapultes cessèrent. Alors attaquèrent les soldats de Risseta, tous aussi grands et imposants qu'un ours. Je ne crois pas vous avoir déjà détaillé les soldats de Risseta. Aucun ne portait d'armure, seulement des peaux épaisses d'ours ou d'élan recouvraient leur corps. Ils se battaient comme ça dans le nord, alors pourquoi il ne le ferait pas en Ialane ? C'est ce qu'ils nous avaient répondu, quand nous leur avions proposé des armures plus légères, et nettement plus adaptées au climat du pays. Nous n'avions pas insisté. Il faut dire qu'avec leur barbe et leurs cimeterres de glace, il ne valait mieux pas les contrarier. Je me demande toujours comment leurs cimeterres n'ont pas fondus ? Au nord le froid vous piquait les joues, mais chez nous le temps était plus clément et un peu plus chaud. Pourtant, la glace de leurs armes tenait. Encore un mystère irrésolu.

Je sus qu'ils commençaient leur attaque au moment où l'on entendit un martèlement puissant sur le sol au loin. J'imaginais que Lubin pouvait sentir chacun de leur pas. Ils hurlaient. Ce n'était pas les mêmes hurlements que celui qu'avait poussé Kinhan. Non, c'était des hurlements plus rauques, des hurlements qui laissaient entendre la puissance de chacun de ces hommes. C'était presque bestial.

Là encore, on entendit le choc sourd de la rencontre entre ces hommes du nord et les bêtes féroces du Destructeur.

Le vent se leva et ma tête se mit à tourner. Je posais mes mains sur mes tempes pour tenter de calmer cette douleur, mais rien n'y fit.

- Vous êtes sûre de vouloir y aller ?

- Vous croyez que j'ai le choix ?

Je regrettais aussitôt ma réponse cinglante et mon ton sec. Lubin n'y était pour rien. Je fermais les yeux et tentais de me concentrer. « J'ai foi en vous Méridine, Zynaï vous protège. », « Continue de te battre, j'ai confiance en toi Méridine chérie », je me répétais ces phrases en boucle dans ma tête.

Mon cœur ralentit, mon souffle s'apaisa :

- Je dois le faire pour elles.

Il ne me répondit pas. Je sais aujourd'hui qu'il n'aurait pas pu me répondre, la vengeance n'existe pas chez les loups : si quelque chose s'est produit, c'est que Zynaï l'a voulu. On ne peut pas contester le jugement de Zynaï. Au fond ils ont sûrement raison. Si le Destructeur n'avait pas eu soif de vengeance il n'aurait jamais attaqué, nous n'aurions jamais connu la guerre.

Les archers à cheval, toujours dirigés par Samira, entrèrent dans la bataille. Les flèches, envoyées par les archers à l'arrière, se mirent à voler au-dessus de nos têtes. J'entendis au loin les cris apeurés des monstres du Destructeur. Finalement ils avaient peut-être une conscience.

Soudain l'air au-dessus de nous se remit à siffler. A nouveau je me bouchais les oreilles et me préparait à ressentir la catapulte pulvériser le sol. Je ne sentis rien, même pas les muscles de Lubin se contractant. Alors je regardais le ciel. Ce n'était pas des catapultes qui étaient lancées mais des tonneaux en bois, remplis d'huile bouillonnante. Je me débouchais les oreilles et écoutait. Chaque tonneau d'huile envoyé, arrachait des cris de joie aux soldats devant moi.

- Pourquoi crient-ils ? ce n'est pas terminé.

- L'attaque de mademoiselle Samira et les tonneaux d'huile semblent être un succès. Chaque petite victoire est une joie pour un soldat princesse.

Petit à petit les sons, les cris, les hurlements se firent plus faibles. On cessa d'envoyer des tonneaux d'huile. Je vis les elfes s'élever dans le ciel et lancer toutes sortes d'attaques magiques. Quelques instants plus tard, les cavaliers devant nous coururent vers la bataille, emmenés par le général Caïn. Je vis les sabots des chevaux marteler le sol avec force et puissance. Le soleil se reflétait dans les épées et les armures. Au loin il y avait les soldats de Risseta, facilement reconnaissables. Ils se battaient avec rage.

J'aperçus Kinhan, il était en vie, j'étais soulagée. Son épée était maculée de sang noir. Mon ami était agile et rapide il attaquait si vite que les monstres n'avaient pas le temps de réagir. Je repensais à notre premier combat, dans la forêt. Nous avions bien changé en à peine un an.  

Le Royaume d'Ialane (EN REECRITURE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant