Je traversais pour une troisième fois les allées de blessés, plus nombreux mais plus graves aussi. Je paniquais au milieu de tous ces soldats mutilés, certains vivant leurs dernières heures, d'autres endormis, le ventre ouvert, se faisaient opérer. L'odeur et les cris me donnèrent le tournis. Enfin, une infirmière me pris par le bras pour me demander gentiment :
- Je peux faire quelque chose pour vous, votre altesse ?
- Je cherche monseigneur Kinhan, savez-vous s'il est ici ? lui répondis-je en essayant d'avoir l'air le plus calme possible.
La jeune femme acquiesça avant d'interpeler l'une de ses collègues, qui participait à l'amputation d'un homme d'une trentaine d'années. Celui-ci hurlait qu'on lui laisse son pied.
- Perrine ! Sais-tu où est monseigneur Kinhan ?
La jeune femme n'eut pas le temps de répondre. Je l'avais trouvé toute seule. Deux hommes venaient de déposer un brancard à l'entrée de l'infirmerie, sur lequel gisait mon ami. Aussitôt je me précipitais jusqu'au brancard.
- Kinhan ! criais-je.
Je me penchais au-dessus de lui, entourant son visage de mes mains. Sa tunique grise était rouge de sang du côté de son flanc droit.
- Il est inconscient votre altesse, m'expliqua l'un des deux hommes.
Je pleurais sans m'arrêter, continuant d'appeler doucement mon ami. Je mis ma main sur son cœur. Il respirait faiblement. Mon visage était mouillé de larmes salées.
- Princesse, il vaut mieux que vous partiez, nous allons nous occuper de votre ami.
L'homme me pris doucement par les épaules pour m'écarter du brancard. Mais je me dégageais de ses mains pour embrasser affectueusement le front du jeune homme.
- Ne part pas, s'il te plaît ne me laisse pas, le suppliais-je en chuchotant dans son oreille.
Puis je laissais le médecin m'emmener plus loin et m'assoir sur une chaise. Il me donna un verre d'eau.
Je sortis de la grande tente puis j'allais jusqu'au grillage troué. Je me faufilais discrètement par le trou, en prenant soin de ne pas être vue. Je déambulais, tel un mort-vivant, dans les rues, jusqu'au grand arbre. Là, je montais sur la même branche que celle sur laquelle Kinhan et moi nous étions assis.
La plaine était dévastée, les corps formaient un amas de formes sombres au loin. A l'horizon, le soleil orange se couchait, comme pour signifier la fin de cette bataille. J'attendis qu'il ait complètement disparu pour redescendre et m'adosser au tronc de l'arbre.
- Princesse, m'appelait une voix lointaine.
Je finis par ouvrir les yeux. Otis se tenait accroupi, face à moi. Je m'étais assoupie sous l'arbre. Je me frottais les yeux pour me tirer totalement de ce profond sommeil qui m'avait emporté au pays des rêves. Il me questionna, d'un ton mi surpris mi inquiet :
- Votre ami le sorcier n'est pas là ?
- Non...il est blessé.
Il ne me répondit pas et enleva son manteau tranquillement. Ensuite il se retourna, me fixant de ses yeux verts, intenses. C'était un regard dur, de colère, de profonde tristesse. Il s'approcha à quelques pas de moi, le visage fermé, ses yeux toujours dans les miens. Je ressentis sa magie enchanteresse, senteur de terre. Je n'osais pas bouger.
Je vous promets que je ferais de vous la meilleure enchanteresse possible, il marqua une pause, regardant la plaine au loin. Mais en échange je veux que ce monstre soit renvoyer six pieds sous terre.
- C'est mon souhait le plus cher, lui répondis-je avec assurance.
- Il acquiesça, satisfait, puis commença son « cours », dont j'étais la seule et unique élève.
Maintenant que la nature et vous êtes en communion, je dois vous apprendre à utiliser ce pouvoir que vous possédez, il faut que vous sachiez le contrôler. Nul besoin de formules comme celles que les sorciers utilisent. Vous pliez la nature à votre volonté et elle s'exécutera.
Otis fit quelques ronds avec son index et je vis l'air s'y enrouler autour. Puis il pointa son index vers moi, comme s'il lançait l'air. Alors je sentis une douce brise chaude me caresser le visage.
- Et voilà !
Je me concentrais pour tenter de faire de même. Je décrivis des cercles avec mon index puis l'air tournoya autour de celui-ci. Lorsque je sentis que c'était le bon moment je pointais mon doigt sur Otis qui à mon grand désarroi fut poussé en arrière avec une telle force qu'il s'envola sur quelques mètres. J'accourue vers lui, confuse. Il se massa le dos puis se mit à rire.
- Wow ! Ça c'est de la bourrasque ! s'exclama-t-il, encore un peu sonné.
- Je suis vraiment désolée, ce n'est pas du tout ce que j'ai voulu faire...
- Ce n'est pas grave. Mais je vous en prie, ne recommencez plus tant que vous n'arrivez pas à vous contrôler et à contrôler la nature !
J'acquiesçais de la tête en riant. J'avais encore beaucoup à apprendre.
Ce soir-là, je rentrais exténuée par ma longue journée. Je n'arrivais toujours pas à contrôler toute cette magie, mais j'avais remarqué que la nature emplissait mon corps et mon esprit, elle faisait partie de moi à présent.
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Le Royaume d'Ialane (EN REECRITURE)
ParanormalAttaqué par un puissant sorcier noir, le petit royaume d'Ialane est menacé d'être rayé de la carte. Alors que les alliances s'avèrent être fragiles, la jeune Méridine, seule héritière du trône, s'engage dans une guerre longue et sans merci. Dans un...