Un Père (troisième partie)

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Estéban arriva le visage sombre.

- Suivez-moi, m'ordonna-t-il.

Je le suivis jusque dans sa tente. Là, il m'indiqua de m'asseoir, lui resta debout. Il souffla un grand coup.

- Pourquoi avez-vous attaché ce pauvre Otis à un poteau ? Il n'a rien fait de mal.

- Tu le connais ?

Mon oncle était repassé au « tu » dans l'intimité.

- Oui.

- Alors c'est lui ? me demanda-t-il.

- Oui, avouais-je.

- Je m'en doutais, ça ne pouvait être que lui, évidemment ! pensa-t-il tout haut. Ecoute-moi Méridine, cet homme n'est pas n'importe qui. Il n'est pas ton ami, il n'a pas le droit de t'approcher, il n'aurait jamais dû te parler, d'accord ?

- Mais pourquoi ? Il ne m'a rien fait, c'est quelqu'un de bien, je vous assure. C'est moi qui lui ai demandé de venir, nous avons besoin de lui. Nous avons besoin de sa magie pour battre le Destructeur.

Mon oncle faisait les cent pas dans la petite tente. Je sentais qu'il ne me disait pas tout et que cela le préoccupait. Je détestais que l'on me cache des choses.

- Tu ne m'en diras pas plus, c'est ça ? J'aurais bientôt dix-sept ans mon oncle, je ne suis pas dupe, je vois bien que tu me caches quelque chose !

Je venais de m'apercevoir que j'aurais mes dix-sept ans, à peine deux semaines plus tard. Cette année était passée si vite et j'avais tant de choses à penser.

Mon oncle s'assit sur la couchette, face à moi. Il s'essuya les mains, se frotta le visage puis sans prévenir m'annonça :

- Cet homme est ton père Méridine.

J'étais sous le choc, je ne savais pas quoi dire. Je restais de marbre, aucune émotion ne me traversait l'esprit. A nouveau ma vie s'écroulait. Cet homme était mon père, je ne le connaissais pas, mais il avait participé à ma création. Jamais je n'aurais pensé qu'avoir un père me mettrait autant en colère. A ce moment, je me rappelais toutes les questions que je posais à ma mère étant petite. Elle me disait toujours qu'elle ne se souvenait plus, que mon père ne faisait pas parti de nos vies et qu'il ne servait donc à rien d'en parler. J'avais fini par me faire à l'idée que je ne le verrais jamais, pour moi il n'avait jamais existé, il était juste l'homme qui m'avait fabriqué. Pour moi il n'était rien d'autre, mon père était celui qui m'avait élevé, celui qui m'avait aimé, consolée et cajolée, celui qui m'emmenait chasser les papillons. Isman était mon père. Il est vrai qu'en public je l'appelais mon beau-père, parce que c'était ce que les gens voyaient. Mais je l'appelais toujours « papa » affectueusement, quand on était tous les deux.

- Je ne voulais pas que tu l'apprennes comme ça Méridine, je suis désolé.

Je ne lui répondis pas. Dans ma tête je voyais les yeux verts d'Otis, les mêmes que les miens, sa bouche rosée. Je voyais mon arbre généalogique : pourquoi n'y avais-je pas pensé plus tôt ? Mon grand-père, Léon, s'était marié à Marie, leur fille et leur fils n'avait aucune once de magie. Mon père ne pouvait qu'être enchanteur, sinon je n'aurais jamais eu aucun gène magique. C'était logique, la réponse était là, juste sous mon nez. Je regardais mon oncle dans les yeux :

- Tu devrais plutôt dire que je n'aurais jamais dû l'apprendre. Ce n'était pas dans vos plans, ça ne l'a jamais été. Sinon tu ne l'aurais pas accroché au poteau.

- Non, je...rah Méridine, ta mère n'a jamais voulu t'en parlé et nous n'avions pas le droit d'aborder le sujet. C'était compliqué pour elle tu sais.

Le Royaume d'Ialane (EN REECRITURE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant