Chapitre 16 (Première partie): Le pouvoir des sentiments

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Ce second jour de marche fut long et éprouvant, il faisait encore plus chaud que la veille. Nos corps étaient fatigués, en sueurs à cause du soleil qui avait chauffé toute la journée sur notre peau déjà fragile de la veille. La nuit commençait à tomber et la température devenait plus fraîche. Cela faisait près de deux heures que nous cherchions un endroit où se poser pour la nuit, mais rien à l'horizon. Les chevaux avançaient de plus en plus lentement, les loups commençaient à montrer des signes de fatigue, malgré leur résistance aux longs trajets, ils n'étaient pas habitués à tant de chaleur à Risseta. Les soldats avaient mal aux pieds ainsi qu'au dos, ayant portés leur affaires toute la journée.

Je sentais moi aussi les courbatures qui arrivaient tandis que mon oncle, Kinhan et Samira, eux aussi à cheval, ne cessais de gesticuler sur leurs selles, tentant sûrement de soulager leurs fesses endolories. Mon corps me lâchait, la soif me prenait la gorge, un moment d'inattention et soudain je me sentis tomber.

- Méridine ! Kinhan hurla. Saute !

Je sentis la peur m'envahir d'un coup, mélangée à l'inquiétude de Lubin, que je ressentais par la force du Ni'a. En quelques secondes j'étais à terre. La poussière vola autour de moi me piquant les yeux et s'introduisant dans ma bouche, grande ouverte car je criais de peur, le sang sur mes mains ainsi que sur mon menton, les larmes me brouillant la vue. Je n'eus pas le temps de réagir, tout se passa si vite. Kira se laissa tomber et m'écrasa les jambes jusqu'au bassin. Je hurlai de douleur. Cette douleur se répandit dans mon corps tout entier, le choc se répercutant jusqu'au bout de chaque membre, douleur que Lubin pris de plein fouet à travers le Ni'a. Tout tournait autour de moi, ma vue se brouillait mais plus seulement à cause des larmes. Il m'était impossible de bouger, j'étais paralysée. Loup tenta de faire bouger Kira mais rien n'y fit, la jument resta couchée. Puis je vis Kinhan sauter de son cheval et courir vers moi, il criait lui aussi. Il prit mon visage entre ses mains, me caressant les joues avec tendresse, son front posé contre le mien. Il me parlait mais je ne compris pas ce qu'il me disait. Ses yeux étaient remplis de larmes, l'une d'elles coula sur sa joue, son menton puis tomba sur ma bouche. Je la sentis couler doucement entre mes lèvres, puis plus rien.

J'ouvris lentement les yeux. La lumière qui filtrait par la fenêtre m'éblouit. Je tournais la tête, bougeait mes doigts, mes mains, mes jambes. Je sentis l'air frais sur mes doigts de pieds que la couverture ne couvrait pas. Lentement je m'assis dans le petit lit sur lequel j'étais, puis, je regardais autour de moi. C'était une petite pièce, minuscule même, aux murs ainsi qu'au sol recouverts de bois de mauvaise qualité. Une fenêtre, avec des rideaux délavés bleus, me faisait face et, bien que la pièce fût exigüe, un second lit était près de moi, où Kinhan dormait paisiblement. Une chemise de nuit blanche m'avait été mise.

Je décidais d'essayer. Je posais délicatement mes pieds nus sur le parquet froid mais les retirais aussitôt, me souvenant de la vive douleur, dernière chose que j'avais ressentie avant de me réveiller dans cet endroit. Alors je touchais du bout des doigts mes pieds froids. Rien, aucune douleur, juste le contact de ma peau douce. Je retentais donc l'expérience posant mes pieds sur le sol de bois. Je pris appui sur le lit me levant sans précipitation, puis je fis quelques pas, heureuse de retrouver l'usage de mes jambes. Mais au bout du cinquième pas mes jambes flageolèrent et je m'étalais, comme une crêpe et de manière très peu élégante, sur le sol, dans un bruit sourd tout en faisant craquer le bois du plancher. Kinhan se réveilla en sursaut et me vit, visiblement surpris de me retrouver à terre au pied de son lit, les cheveux ébouriffés et le sourire aux lèvres malgré ma chute.

- Méridine Praïde, je crois que vous êtes officiellement la personne qui souhaite le plus me voir mourir d'une crise cardiaque ! s'exclama-t-il.

On se mit alors à rire de bon cœur. Cela faisait tellement longtemps que je n'avais pas vu Kinhan rire autant. Il avait raison, un jour il allait avoir une crise cardiaque à cause de moi.

On riait encore quand la porte s'ouvrit sur une femme maigrichonne de trente-cinq ans environ. Sa robe était si usée et délavée qu'il me serait impossible de vous dire de quelle couleur elle était dans une ancienne vie. A ses cheveux gras et ses ongles noirs on voyait que l'hygiène n'était pas sa priorité.

- Lubin m'a dit que vous n'aviez plus mal et que vous étiez d'humeur joyeuse. C'est fou ce don de voyance qu'il possède ! s'exclama la femme en entrant dans la pièce.

- Je lui souriais, sachant pertinemment que ce « don » auquel elle faisait référence était le Ni'a.

- Je m'appelle Sylviane, poursuivit la nouvelle venue. Autant dire que vous avez eu de la chance Méridine ! Vous auriez pu ou y rester ou être paralysée jusqu'à la fin de vos jours, mais il est clair que ce n'était pas votre heure ou bien que Zynaï vous protège. Je vous avoue que je n'étais pas très optimiste quand votre frère et Lubin vous ont amenés chez moi. Vous êtes la seule personne que je connaisse qui puisse encore marcher après un choc pareil. Vos jambes étaient toutes bleues et votre bassin décalé ! J'étais persuadée que c'était cassé, mais visiblement mon diagnostique s'est révélé défaillant.

Je crois qu'il n'est pas la peine de vous préciser que Sylviane était bavarde à l'extrême. J'entendis la voix malicieuse de Lubin dans ma tête me souhaitant bonne chance. De ce que m'avais dit Sylviane nous n'étions que tous les trois à être chez elle, Kinhan, qu'elle pensait être mon frère, Lubin et moi. J'avais compris : il fallait que le moins de monde possible soit au courant de la véritable raison de notre voyage. Je fis donc comme si de rien n'était et parlais avec Sylviane :

- Où sommes-nous ? Et depuis combien de temps sommes-nous ici ?

- Vous êtes dans mon humble demeure depuis hier soir. Vous avez récupéré à une vitesse incroyable. Suivez-moi, il faut que vous mangiez un peu.

Sylviane nous amena dans la pièce d'à côté, où il n'y avait qu'une table, une cheminée et deux espèces de couchettes, peu épaisses, à même le sol. Visiblement la « demeure » de Sylviane se résumait à la chambre dans laquelle nous étions Kinhan et moi ainsi qu'à cette pièce très spartiate. Notre hôte nous servit deux tranches de pain avec un verre de lait tout frais du matin, comme elle nous l'avait précisé. Lubin était couché près de nous et prenait presque toute la place, il avait l'air encore plus grand que d'habitude dans la toute petite pièce.

- Alors comme ça votre frère, Lubin et vous partez pour Risseta ?

- Oui, nous fuyons la guerre comme beaucoup d'autres, lui répondis-je tout en mangeant.

- J'aurais aimé partir moi aussi, d'ailleurs la plupart des villageois l'ont fait ici, il ne reste plus grand monde. Malheureusement mon fils est malade et je ne pense qu'il résisterait au voyage tandis que mon neveu est très jeune. Mon mari est partit à la résistance d'Ialane à Olysie, c'était important pour lui alors je l'ai laissé partir, il m'a promis qu'il reviendrait. Ma sœur est décédée laissant mon neveu orphelin, je l'ai donc pris sous ma protection, nous raconta-t-elle.

- Je suis désolée, m'excusais-je.

Elle chassa ma remarque d'un revers de main.

- Ne vous en faites pas. On ne vit pas trop mal, on se débrouille comme on peut, pour l'instant le Destructeur est encore loin, quand il sera là on avisera.

Je sentais que ses paroles n'étaient pas réellement ce qu'elle pensait, elle voulait juste nous rassurer ou bien se rassurer. Parfois les gens tentent de se rassurer eux-mêmes pour éviter un petit peu la réalité et survivre.


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J'espère que ce chapitre vous aura plu ! Je m'excuse d'être si peu présente sur Wattpad ces derniers temps mais j'ai quelques problèmes médicaux qui m'empêchent de faire plus...

Cela ira mieux bientôt, en attendant Méridine continue son périple ! 

Bien à vous chers lecteurs ! ;) 

Le Royaume d'Ialane (EN REECRITURE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant