Chapitre 3: Liberté ?

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Afin d'assurer ma sécurité, la comtesse, qui avait été nommée régente d'Ialane en l'attente que la reine soit libérée ou que j'atteigne la capacité de régner, avait décidé de changer mon identité. J'étais devenue Méridine Thay, une jeune fille rescapée du pays de Perne. Ce territoire avait été conquis par Kaâla quelques mois auparavant. Je dois avouer que cette nouvelle identité n'était pas pour me déplaire. Méridine Thav n'avait pas de titre, elle s'appelait seulement Méridine. Elle n'avait pas de contrainte, de règle royale à suivre, aucune politesse particulière ne lui était accordée et personne ne la regardait comme un joyaux à préserver du monde extérieur. Méridine Thav c'était la liberté, celle qui nous permet de découvrir le monde, de rencontrer de parfaits inconnus sans qu'aucune gêne ne vienne empêcher l'échange, sans aucune barrière filtrant le regard ou l'expression. Je n'avais jusqu'alors jamais goûté à cette saveur si pure et douce, celle de ne pas être entravée par les murs dorés du palais.

Chaque jour était une nouvelle source de découvertes, j'arpentais les jardins en observant les jardiniers s'affairer autour de leurs massifs, je descendais en ville et me perdait mille fois dans les ruelles escarpées. Kinhan m'accompagnait souvent. Il m'emmenait jusqu'au marché du matin, puis me prenait par la main pour m'attirer à la boulangerie. Nous n'avions pas besoin d'acheter de pain, il était livré chaque matin. Mais le fils de la comtesse sortait quelques pièces et me laissait choisir. J'avais dans un premier temps décidé de goûter de nouvelles saveurs à chaque passage, jusqu'au jour où je savourais ma première brioche aux myrtilles. Je ne pris plus jamais d'autres viennoiseries que cette brioche aux myrtilles. Je restais toujours quelques instants à rire avec les enfants du boulanger, je les regardais fabriquer leur pain. Un petit rien m'émerveillais. Je n'avais jamais vécu toutes ces choses de la vie. Quand nous revenions au château, Kinhan me montrais les sentiers alentours à cheval. Je regrettais que l'on ne m'ait pas appris toutes ces choses plus tôt mais je profitais de ces moments. C'était des instants de répit, qui ne duraient jamais longtemps.

Mes pensées vagabondaient facilement jusqu'à Olysie, elles m'échappaient et sombraient. J'imaginais souvent ma mère au fond de sa cellule, perdue et seule, j'avais peur de la nuit qui tombe à la fin du jour et me réveillais souvent en hurlant après avoir une énième fois le roi mourir. Il mourait tous les soir dans mon lit, parfois il était transpercé d'une lance, d'autres fois il était dévoré par un soldat ennemi ou frapper au sol avec force jusqu'à la mort. Louisa accourait dans la chambre, frottait mes tempes avec des linges humides, chuchotait que ce n'était « rien » et me bordait à nouveau pour que je finisse la nuit. J'étais régulièrement « ailleurs », entre mes pensées et la réalité, si bien que l'on ne me parlait que très peu. La comtesse glissait souvent un regard rapide que j'évitais de plus en plus chaque jour. Je ressentais cette gêne qui s'était instaurée au fil de mes moments d'absence. J'avais d'ailleurs peur de ne croiser le regard des autres que pour y apercevoir une certaine pitié, ou tout du moins une incompréhension face à ma lente descente dans les abysses des pensées obscures. Je tentais cependant de faire bonne figure lorsque mon hôte se trouvait dans la même pièce. Je ne m'accommodait pas des échanges de banalités auxquelles elle souhaitait se cantonner. Mon unique intérêt dans la tenue de ces conversations était que la comtesse accepte finalement de m'assigner un maître d'armes. Elle repoussait sans cesse à un autre jour, je n'étais jamais en assez bon état selon elle.

Après de nombreuses supplications, Kinhan avait accepté de m'enseigner quelques passes à l'épée. Nous nous cachions dans le bois du château, qui contenait une petite clairière à l'abris des regards. Armés d'épées de bois j'appris à me mettre en garde, attaquer et parer. L'exercice s'avérait plus dur que je ne le pensais mais au fil des jours je prenais davantage d'assurance. Les muscles de mes bras et de mes jambes commencèrent à se dessiner et je tentais de cacher les quelques bleus et courbatures afin de garder notre secret.

Le Royaume d'Ialane (EN REECRITURE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant