Un père

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Je descendis du dos de Lubin et relevais la tête. Tous me regardaient, sans un mot. Je ne saurais vous dire si c'était de la confusion, de l'étonnement ou de l'admiration. Tout ce que je sais, c'est que le silence quand j'arrivais au camp, devint pesant. Je m'étais arrêtée face à eux tous, Lubin près de moi, comme toujours. Kinhan arriva en courant, poussant les soldats massés face à moi.

- Méridine, souffla-t-il.

Je ne savais pas s'il était soulagé que je sois en vie ou s'il était contrarié car maintenant, tout le monde savait ce que j'étais. Soudain, Samira s'avança et me regarda droit dans les yeux :

- Pour la Délicate et la Redoutable ! hurla-t-elle, en levant son point bien haut.

Tous la reprirent en cœur. C'était une forme de remerciement j'imagine. Kinhan s'approcha de moi, et me prit la main pour la lever bien haut. Les soldats criaient leur joie, ils me touchaient l'épaule, le dos ou les mains. Quatre d'entre eux me portèrent jusqu'au centre du camp. Je perdis Kinhan de vue dans la foule.

Arrivée au centre du camp je demandais à hisser moi-même l'emblème de mon beau-père. Le drapeau fouettait le vent avec fierté. « Ça, c'est pour toi Isman. » pensais-je.

Ma tente était calme. J'entendais au loin les rires des soldats, qui comme à leur habitude se saoulaient, mais cette fois pas pour oublier. Non, ils se saoulaient en mon honneur. Je ne savais pas si je devais en être heureuse. Je me disais, que s'il n'y avait aucune femme sur le champ de bataille, c'était parce qu'elles ne buvaient pas, et donc qu'elles n'oubliaient pas. Je ne buvais pas et je devais supporter le fardeau de la guerre. Ce fardeau, qui après chaque bataille me torturait. Finalement, les hommes avaient peut-être raison de vouloir oublier.

Je finis par m'endormir, bercée par les rires des soldats. A moins que ce ne fût le souvenir des monstres qui hurlaient, brûlés par les flammes.

- Méridine...quoi qu'il arrive... sauve Ialane.

Sa voix était faible et éraillée.

- Maman ! je te retrouverais !

- Ne...t'inquiète pas pour...moi, sauve notre pays...Rappelle-toi...la prophétie.

Je sentis qu'elle repartait et son image s'effaça de mon esprit. Son corps était plus que squelettique. Ses cheveux étaient totalement blancs et sa peau était fripée. Ma mère ne ressemblait plus du tout à la femme qui m'avait mise au monde. Seuls ses yeux étaient restés les mêmes, pleins d'amour et de douceur. Je me mis à pleurer en silence, repensant à ma mère jeune, belle avec ses longs cheveux châtains clairs qui ondulaient.

- Votre altesse.

Je me relevais sur ma couchette. D'où venait cette voix ?

- Votre altesse, vous m'entendez ? chuchota quelqu'un à l'extérieur.

- Que se passe-t-il ? chuchotais-je à mon tour.

- Le général Caïn demande à vous parler.

- Je sors.

Je revêtis, à la hâte, une robe qui se trouvait là, puis me glissais dans mon long manteau. J'ouvris ma tente le plus discrètement possible, pour me retrouver nez à nez avec un médecin. Il me fit signe de le suivre. Un croissant de lune nous éclairait. Les soldats s'étaient endormis çà et là et cuvaient leur vin. Certains baragouinaient des choses incompréhensibles, pendant que d'autres ronflaient bruyamment. Je dû même enjamber un homme qui s'était assoupis au milieu du chemin, une bouteille à la main.

Le médecin m'amena jusqu'à la grande tente infirmerie, où les blessés graves de la dernière bataille étaient soignés. La tente était calme, mis à part quelques gémissements des soldats et les chuchotements des infirmières. L'homme en blouse blanche traversa l'allée centrale, bordée de ses rideaux blancs. Enfin, il s'arrêta devant un rideau, après avoir traversé environ les trois quarts de l'allée.

Le Royaume d'Ialane (EN REECRITURE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant