III) Interview

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Opéra de Rennes, me voilà !

J'adore cet endroit, je passerais des heures à regarder cette magnifique architecture.

Pour la première approche avec ce célèbre pianiste, j'ai fait un petit passage à mon appartement, afin d'enfiler une longue robe noire moulante et très chic. De plus, afin d'avoir de l'assurance, j'ai généreusement caressé mes lèvres d'un rouge à lèvres vermillon. Je dois avouer que je suis plutôt stressée, il est vrai que mes articles sur le "music'mag" sont en règle générale, à la dernière page et dans un minuscule encart, en bas à gauche. Bref, personne ne les lit. Je me doute que Monsieur Truffaud m'a envoyée au casse-pipe avec cette vedette apparemment imbuvable, mais c'est peut-être ma seule chance de faire la Une de ce magazine.

Allez... Je souffle un grand coup, réajuste ma robe tout en essuyant mes mains moites dessus, redonne un peu de volume à mes cheveux détachés et gonfle ma généreuse poitrine.

Bah... quoi ? Je donne le meilleur de moi-même pour réussir cette interview.

Mes talons hauts offrent à cette somptueuse structure, une douce musique à chacun de mes pas. Je me dirige élégamment vers les loges, tout en restant concentrée sur ma démarche. Oui, il serait malheureux de s'étaler telle une marionnette démunie de ses fils et de perdre toute crédibilité.

Vas-y ma Paola, tu assures, tu es sexy et tu vas le faire baver ce mec !

Une petite pensée pour mon amour de Théo, j'applique sa méthode "t'es la meilleure ma belle !".

Bon... trêve de flatterie, je me tiens droite comme un "i" devant la porte où est inscrit le nom de Gabriel Lewis. Doucement j'effleure la plaque dorée qui orne cette entrée et frappe trois coups secs avec fermeté. Mais, contrairement à ce que je pouvais imaginer, ce n'est pas le son de la voix de Monsieur Lewis qui me parvient aux oreilles. En effet, une armoire à glace d'environ deux mètres ouvre l'antre du fauve et d'un regard noir, m'intime de pénétrer. Quand ce géant referme la porte derrière moi, je laisse un petit cri de stupeur s'échapper de ma bouche.

Il est temps pour moi, de me répéter mentalement, mes qualités : "je suis la meilleure, j'ai confiance en moi, je vais l'impressionner, je..."

 — Veuillez prendre place ! Je n'ai pas beaucoup de temps à vous accorder, alors évitez les questions idiotes, je vous prie.

Outch ! Bonjour madame ou mademoiselle, l'un ou l'autre aurait fait l'affaire, je suis ravi de vous recevoir...

Bah, là, ce n'est pas du tout le style de la maison. Quel malotru ! Non seulement, il a besoin d'un babouin pour m'ouvrir cette foutue porte, mais en plus, il me manque de respect.

Abruti, goujat et... triple con ! Et pour couronner le tout, oui, la cerise sur le gâteau, il se tient debout face au mur, au fond de la loge, les bras derrière le dos. Je peux donc appliquer la fameuse phrase : "parle à mon cul, ma tête est malade". Toutefois, en bonne professionnelle que je suis, je ravale ma fierté et ma haine récente de la gent masculine, pour lui envoyer une phrase des plus délicates.

  — Bonjour Monsieur. Nous allons très bien nous entendre je pense, car je n'ai pas beaucoup de temps à perdre non plus.

Voilà, ça, c'est dit. Dans ta face !

Quoi ? J'ai été polie et concise, donc très professionnelle. Par contre, Monsieur garde du corps, n'a pas l'air d'apprécier ma franchise et se jette sur moi, empoigne mon bras gauche, me secoue comme un prunier et s'apprête à me traîner de force vers la sortie. De son côté, le musicien reste stoïque, au point où je le soupçonne d'avoir un bâton coincé dans son postérieur.

Entrée dans la nuit (Terminé ) (Protégé par copyright)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant