XLIV) Parle-moi

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Je me lance...

Je relate à Théo l'entrevue que j'ai eue avec Flavio et Mélissa. Je m'étends un peu longuement sur mon rôle, à mon insu, de tante exemplaire aux yeux de ma nièce. Puis, quand vient le moment de lui avouer la déclaration d'amour que Flavio m'a faite, parce qu'il faut bien appeler un chat, un chat, je bafouille et déglutis difficilement. Une fois mon récit terminé, j'ose accrocher le regard de Théo.

Son visage est fermé. Je n'arrive pas à déceler ce qu'il peut bien ressentir face à mes aveux.

— Parle-moi...L'imploré-je.

Il soupire bruyamment et ce qu'il fait ensuite me laisse stupéfaite.

Il quitte le sofa, m'offrant au passage une splendide vue sur son corps nu et se dirige vers la salle de bains sans m'adresser le moindre mot.

La minute qui suit, j'entends l'eau couler.

Punaise !Je n'ai rien fait de mal. Nous devons échanger sur le sujet, il doit m'exprimer ce qu'il ressent au lieu de fuir comme il le fait.

Aux grands maux les grands remèdes, je pars le rejoindre sous la douche pour crever l'abcès.

J'hésite un instant tout en épiant son dos recouvert de mousse, puis je me glisse sous le jet d'eau. Je dois être très discrète ou bien transparente, car il ne se retourne même pas. Je plaque timidement mes seins contre son dos et enlace sa taille. La suite ne se déroule pas tout à fait comme je le souhaitais. Il délasse doucement mes doigts, pivote pour me faire face, secoue négativement la tête et quitte la douche italienne.

Je ne reconnais pas mon mari. D'habitude, il est d'une tolérance hors norme et là, il ne m'exprime même pas ses pensées.

Je me savonne rapidement, puis compte bien aller l'affronter une fois séchée et vêtue.

— Maman ! Ma.Man !

Ah...Schtroumpf grognon est de retour.

— N'hurle pas ma fille, je ne suis pas sourde.

Je la rejoins tout en jetant un œil sur Théo. Il est dans la cuisine et se sert un café.

— Papy vient me chercher dans vingt minutes et je ne trouve plus ma robe bleu nuit.

Mince...C'est vrai, Gaëlle doit passer le dimanche en compagnie de ses grands-parents.

— Elle est dans le bac à linges sales. J'ai oublié de la laver.

Attention,bouchez vos oreilles. Une pré-ado contrariée va entrer en ébullition.

— Maman ! C'est ma robe préférée. Tu ne peux pas me faire ça ! Mamy Bina voulait m'acheter des ballerines qui allaient super-bien avec.

Pff...t'es trop nulle !

Voilà. Une fringue manque et c'est la fin du monde assurée.

Une demi-heure plus tard, j'embrasse ma fille ainsi que les heureux élus qui vont la supporter d'une humeur massacrante durant la journée et j'agite ma main en leur souhaitant un bon voyage.

Retournons à nos moutons...

— Théo... tu ne vas pas m'éviter le restant de tes jours, alors dis-moi ce qui te dérange dans ce que je t'ai raconté.

Il se recoiffe à l'aide de ses doigts, puis tire sur une chaise pour que je m'installe à côté de lui.

Enfin, je le retrouve.

— Flavio est toujours amoureux de toi, il t'épie depuis des années, éduque sa fille comme si tu étais sa mère et toi, après avoir entendu tout cela, tu découches.

— J'ai dormi chez mon père.

— Non ! Tu me dis que tu as dormi chez ton père, nuances. Mais, moi je pense qu'après les mots doux déclamés par un homme que jadis tu as failli épouser, vous avez passé la nuit à l'hôtel. Et aujourd'hui, chargée de remords, tu couches avec moi pour tenter d'effacer ses putains de mains sur ton corps !

Je panique devant la montée crescendo de sa colère.

— Non ! Non... Je t'aime. Pourquoi voudrais-tu que je désire m'abandonner à quelqu'un d'autre, alors que je vis avec l'homme dont j'ai toujours rêvé ?Tenté-je de me justifier, non sans pleurer.

— Parlons-en de l'homme de tes rêves ! Ou plutôt devrais-je dire, les hommes de tes rêves.

— Pardon ?

— Oui Paola. As-tu vraiment oublié tous ces hommes ? Flavio,Gabriel et qui sais-je encore.

Ses mots sont cinglants. Ils me cisaillent le ventre et je peine à respirer tant cet échange verbal est violent. Pourtant, je trouve une once de force en moi pour me défendre.

— Comment oses-tu me dire des choses aussi mesquines ? Je t'ai épousé. Gaëlle est née de notre amour et...

— Non ! Justement. Notre fille est arrivée par accident. On est bien d'accord ?

Pourquoi me reparle-t-il de cela ? C'est vrai que je suis tombée enceinte alors que je prenais la pilule, mais ce n'est pas pour autant que l'arrivée de notre bébé ne m'a pas comblé de bonheur.

— Quel est le rapport avec mes ex ?

Je ne vois pas du tout où il veut en venir.

— Depuis des années je sens leurs présences dans notre vie. Entre Flavio qui te fait rougir les joues lorsque tu évoques son prénom et Gabriel qui trône dans ton lieu de travail, où est ma place là-dedans ?

— Mais...

— Tu étais tellement préoccupée à vivre dans tes souvenirs que tu n'as même pas vu à quel point je souffrais que tu ne me demandes pas de te faire un deuxième enfant. J'ai fini par comprendre que si le destin ne t'avais pas imposé cette grossesse, jamais tu n'aurais souhaité porter... mon enfant.

Je le fixe, hébétée, ahurie,consternée.

De grosses larmes roulent sur ses joues et lorsque j'esquisse un mouvement de main vers celles-ci, il recule dans le fond de sa chaise.

Comment ai-je pu passer à côté d'une telle chose ?

Je voudrais lui expliquer pourquoi je n'ai jamais souhaité un autre bébé, mais dans l'immédiat, mon océan de mots est tari.

— J'ai besoin de prendre l'air, se ressaisit-il.

— Où vas-tu ? Nous devons parler... encore, le supplié-je.

— Je veux me vider la tête, répond-il d'un ton sec et sans émotion.

Et la porte claque.

Me voilà seule, assise dans ma cuisine, avec l'impression d'être complètement passée à côté de ma vie.

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Coucou

Un nouveau chapitre pour la nuit !

Je sens que la suite va être difficile...

Bonne nuit mes Loulous

Entrée dans la nuit (Terminé ) (Protégé par copyright)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant