XXXV) Libérée, délivrée

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Sarah tient d'une main un paquet de coquillettes et de l'autre un bocal de sauce tomate. Son visage fermé est aussi rouge que le contenu de son pot. Au rictus de colère figé sur son visage, je pressens un affrontement des plus désagréable.

  — Tiens, toi ici, me crache-t-elle.

Cette phrase bateau lui ressemble tellement bien. Aucune originalité.

  — Oui comme tu vois.

Question idiote, réponse idiote ma chérie.

  — Je vois que tu es toujours accompagnée de ton toutou. Tu l'as bien dressé dis donc, il est docile et fidèle à sa patronne même si celle-ci est une sale petite garce.

Je freine in extremis Théo d'un geste de la main pour qu'il n'intervienne pas dans notre lynchage verbal. Il obtempère et saisit immédiatement que je veux être la seule à me la faire. Gonflée d'adrénaline, je suis on ne peut plus disposée à n'en faire qu'une bouchée. Elle souhaite un combat, elle va être servie. Me voilà sur le ring ma cocotte et cette fois-ci je ne te ménagerai pas petite sœur.

— Je te remercie pour le compliment ma sœurette. Il me va droit au cœur, surtout venant d'une vipère telle que toi.

Je glousse et attends patiemment qu'elle continue les hostilités. Je n'ai pas le temps de prendre racine qu'elle vomit une salve de reproches.

— Tu es immonde ! Tu as osé m'arracher le père de mon enfant.Quelle femme respectable ferait une chose aussi ignoble ? Je te déteste et encore, le mot est faible pour exprimer le dégoût que tu m'inspires !

Tout en éructant ces injures, elle se précipite sur moi et me frappe violemment à plusieurs reprises au visage. Théo fout de rage la plaque sèchement contre le rayon d'épicerie. Celui-ci tremble sous cet assaut et manque de leur tomber dessus.

  — Tu es complètement cinglée ! Tu ne serais pas en train d'inverser les rôles là ? Hurle-t-il en la foudroyant du regard.

Choquée de voir Théo sortir de ses gonds, Sarah explose en sanglots et se lamente sur le départ définitif de Flavio. Elle nous confie en pleurnichant qu'il lui a avoué m'avoir embrassé et être toujours éperdument amoureux de moi. Qu'il préfère la quitter maintenant plutôt que de jouer la comédie toute sa vie.

C'est alors qu'un horrible sentiment irradie tout mon être.

La plénitude.

Oui, je me rassasie de sa profonde douleur et j'en tire une satisfaction diabolique. Enfin, pour une fois entre nous, c'est elle qui souffre à cause de moi. Toutes les humiliations de mon enfance me reviennent alors en tête par milliers et aujourd'hui cette victoire leur offre une sorte de vengeance.

C'est ça vilaine, souffre, souffre à t'en faire exploser le cœur !

Je ne culpabilise même pas de mes pensées démoniaques. Bien au contraire, j'en souris même tout en essuyant mon nez ensanglanté à l'aide d'un mouchoir en papier.

Elle n'y est pas allée de main morte la salope !

— Lâche-la immédiatement !

Je lève les yeux à la perception de cette voix de crécelle et constate que les démons ne se déplacent jamais seuls. En effet, ma créatrice aboie sur Théo pour protéger sa progéniture ainsi que sa descendance. Puis, une fois Théo de retour à mes côtés, elle daigne poser les yeux sur moi, sur son erreur, son poison, sa damnation quoi. Mais, cette fois-ci je ne baisserai plus le regard devant elle. Non. Je l'affronte. Je la fixe droit dans les yeux. Je redresse mon corps et lui tiens tête placidement. Aucune tendresse ne transpire de ses iris. Rien. Pas une once d'amour pour moi, mais pour je ne sais quelle raison, je m'en moque on ne peut plus royalement. Je me sens libre. Délivrée de ce besoin de lui plaire.

Comme je me sens légère tout à coup. Comme ma poitrine jubile de pouvoir se gonfler sans être étriquée dans ce carcan qui l'oppressait.

J'ai enfin coupé le cordon avec Lucifer...

— Partons mon chéri. À présent, nous n'avons plus rien à faire ici. Aujourd'hui, au milieu de ce supermarché, je balaie ces esprits maléfiques de ma vie et j'offre mes sourires à venir à ma vraie famille.

J'enlace mes doigts dans ceux de Théo, illumine mon visage en ourlant mes lèvres et sans même jeter le moindre regard aux deux sorcières présentent, nous nous dirigeons vers les caisses de sortie.

Je ne ressens plus le besoin d'un éventuel affrontement avec ma génitrice. Non, c'est inutile. Je me sens enfin prête à avancer sans attendre son amour chimère.


***

  — Un homme qui range les courses, je trouve ça trop sexy, minaudé-je.

Interloqué par mon timbre malicieux, Théo lâche le paquet de gaufrettes au chocolat et pivote sur lui-même afin de se placer face à moi. Réjouie par son minois ébahi, je papillote sensuellement des cils, caresse du bout des doigts mon décolleté, emprisonne un petit morceau de ma lèvre inférieure entre mes incisives et tout cela en émettant une mélodie de plaisir comme fond sonore.

  — Ah oui ? S'enflamme-t-il en agrippant mes hanches pour me décoller du sol direction la table de la cuisine.

  — Ah oui, gémis-je en trémoussant mon postérieur entouré de conserves et produits secs en tous genres.

  — Te voilà alors aux premières loges pour assister au spectacle le plus affriolant de la journée.

Un sourire provocateur tatoué sur son visage, il vaque à son rangement de courses.

Alors là mon poussin, si tu crois que je vais subir ton humeur taquine bien longtemps, tu te fourres le doigt dans l'œil !

D'un grand geste du bras, je débarrasse la table de son contenu. Théo, épaté par mon impétuosité, applaudit et éclate de rire. Je profite de son moment d'inattention pour l'encercler de mes jambes et le plaquer contre moi. À l'écoute de mon souffle saccadé, son état jovial se transforme en état de fougue. Il empaume alors mes joues et m'embrasse avec faim. Il cueille mes lèvres, suçote ma langue avide de sa chaleur, grogne de désir et d'envie.

Totalement abandonnée dans ses bras, plus aucune pensée ne serait capable d'annihiler cette plénitude absolue.

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Coucou

Comme il fait chaud dehors, je termine ce chapitre sur un moment chaleureux ;)

Je vous fais pleins de gros bisous en attendant la suite. ♥♥♥

Entrée dans la nuit (Terminé ) (Protégé par copyright)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant