XXVII) Quand le passé rythme ta vie

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— Paola ? Tout va bien ?

Non, je ne vais pas bien... Je suis perdue. Où sont mes repères ? Qu'est ce que je fais ici ? Je suis en train de vendre du rêve à cet homme et quelques heures auparavant, j'offrais mes lèvres à un autre en guise de consolation. Je veux les épargner, seulement mon fonctionnement n'est agréable qu'à court terme. Demain, ils se réveilleront et verront mon côté sombre. Je ne parle même pas de mon amour qui a une image si pure de moi. Je ne mérite aucun d'eux...

— Ma chérie ?

— Excuse-moi, je suis un peu fatiguée. Je dois couver quelque chose, alors je préfère rentrer chez moi.

Gabriel saisit ma main, mais je la retire avant qu'il insiste pour que je reste. Je me relève et quitte la chambre d'un pas accéléré. Une fois dans le couloir, je plaque mon dos contre le mur. Je manque d'air et les larmes envahissent mes yeux. Je me précipite alors dans le premier ascenseur ouvert et bouscule une dame au passage. Elle marmonne quelques injures, mais lorsqu'elle pose les yeux sur mon visage ravagé par la douleur, elle s'apaise. Le trajet jusqu'à ma voiture me paraît interminable. J'ai envie de hurler pour me libérer de mes démons. J'ai envie de fuir ma vie pour ne plus devoir faire de choix et comme si un cordon me reliait à lui, il téléphone.

— Papou...

Je ne réponds pas à l'appel de façon raisonné, non, je geins comme une enfant de quatre ans.

— Ma puce. Que se passe-t-il ?

Je monte au volant de ma coccinelle et vide les pleurs qui m'étouffent.

— Dis-moi où tu es et je viens tout de suite. Tu me fais peur...

Je rassemble mes forces afin de rassurer mon père.

— Ne t'inquiète pas, c'est juste un coup de blues.

— Viens-m'en parler. Tu sais que tu peux tout me dire sans être jugée.

— J'arrive. Merci Papou.

***

— Un chocolat chaud ? Quand tu étais petite, ça guérissait tous tes malheurs.

Je me blottis dans ses bras et explique mon comportement irrationnel avec la gent masculine. Je lui parle du chantage de Flavio, de Millie qui nous a surpris en mauvaise posture, de Gabriel qui veut m'épouser et à qui je fais croire monts et merveilles et surtout de Théo, qui doit vivre l'enfer pendant que je cumule les erreurs. Il m'écoute attentivement tout en me caressant les cheveux comme dans mon enfance. Puis, une fois mon sac vidé, il me sert sa fameuse boisson chaude d'amour et prend la parole.

— Asseyons-nous. Je pense qu'il est temps que nous ayons une conversation honnête tous les deux, tu veux ?

J'approuve de la tête tout en reniflant.

— Tu as conscience que ton attitude avec ces garçons est malsaine.

Sa voix est grave et il s'adresse à moi avec calme et lenteur. À présent, je me sens toute petite. Je suis comme une adolescente prise en faute après avoir découché en passant par la fenêtre. Je lâche un petit « oui » tout en baissant les yeux.

— Bien. Es-tu vraiment amoureuse d'un de ces hommes ?

— Oui. J'aime Théo et seulement lui.

— Bien. Pourtant tu embrasses Flavio dans un bar, puis Gabriel ensuite.

— C'est ça.

Verbalisé de cette manière par mon père, l'image que j'ai de moi est encore plus minable.

  — Pourquoi tu ne les repousses pas ?

  — Parce que je ne veux pas les blesser. J'ai peur... J'ai peur qu'ils...

Je sanglote. Une enclume oppresse ma poitrine. J'ai mal de voir que mon père adoré me déteste pour ce que je suis en réalité. Une fille facile. Oui, c'est ce que je suis.

— De quoi as-tu peur ma belle ?

Ses yeux brillent. Il n'est pas fâché contre moi, non, il a de la peine. Je me sens en confiance comme jamais et pour une fois, je laisse mon cœur d'enfant s'exprimer.

— Maman me répétait sans cesse que si elle ne m'aimait pas c'est parce que j'étais toujours méchante. Elle me montrait les cicatrices qui recouvraient ses poignets et me criait qu'ils étaient les témoins de la peine que j'engendrais en elle. Elle voulait que je n'oublie jamais que sa vie avait basculé à ma conception. Moi, je ne comprenais pas pourquoi elle me disait tout ça. J'essayais d'être gentille Papou, je t'assure, j'essayais, mais mes efforts ne lui suffisaient jamais. Puis, quand Sarah a eu quinze ans, elle a annoncé à maman qu'un garçon la courtisait. Maman a souri, ensuite elle s'est retournée dans ma direction et m'a lancé cette tirade qui est restée gravée en moi depuis :

« Tu vois Paola. Ta sœur a du succès auprès des garçons et tu sais pourquoi ? »

Je la regardais les yeux exorbités et je n'arrivais pas à sortir le moindre mot.

« Hé bien petite sotte, c'est parce qu'elle mérite d'être aimée. Toi, quand je te regarde, je ne vois que le reflet du mal ! ».

La violence de ce souvenir insoutenable ranime en moi une douleur qui me terrasse. Je m'effondre sur la table, la tête dans les bras et je pleure de tout mon saoul. Des grondements terrés en moi depuis longtemps sortent pour hurler les injustices de ma jeunesse.

Mon père se rapproche de moi, s'accroupit pour être à mon niveau et me demande de le regarder.

— Paola, si tu agis comme ça aujourd'hui, c'est très probablement à cause de ta mère. Pardonne-moi ma chérie de ne pas avoir été là chaque minute de ta vie à la maison pour te protéger de sa méchanceté.Ce qui lui est arrivé est certes atroce, mais ce qu'elle t'a fait subir est bien pire. Maintenant, je te repose la même question :« de quoi as-tu peur ma chérie ? »

Il tremble et je vois bien qu'il ravale ses larmes.

— J'ai peur de les faire souffrir et de ne plus être aimée.

Cette phrase évidente résonne en moi comme une libération. Je comprends tout bêtement que mon comportement vient d'une peur de l'abandon qui m'habite depuis mon plus jeune âge.

— Merci papa.

Je le serre fort dans mes bras avant de lui dire à quel point je l'aime.

— Demain, après le boulot, j'irai parler à Gabriel. Je vais lui briser le cœur, mais je dois le faire. J'aime Théo et je ne veux pas risquer de le perdre.

Mais, au fait, pourquoi m'as-tu téléphoné ?

— Ah... Ce n'est pas très important. On en reparlera plus tard, ne t'en fait pas pour ça.

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Coucou ☺

Paola va-t-elle réussir à se libérer de ses blessures d'enfance, afin d'agir de façon plus raisonnée ?

Bisou chocolaté ♥

Entrée dans la nuit (Terminé ) (Protégé par copyright)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant