XXXII) Le couperet tombe

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Je suis spectatrice d'un film d'horreur. Seulement, la scène principale passe au ralenti et sans le son. Je ne ressens rien. Mon esprit n'est plus connecté à mon corps. Je suis juste une caméra qui enregistre les images sans avoir la capacité de les analyser.

Voici le scénario du polar : Gabriel percute Émilie avec force. Elle tombe à la renverse sous le poids de son corps, puis simultanément un bruit éclate. Un silence vient tout de suite contraster avec la détonation. Je fixe l'amas de chair sans même tenter de me mettre debout. Les jambes de la folle furieuse s'agitent subitement avec frénésie, suivie par des hurlements de terreur ou de douleur, je n'arrive pas à faire la différence. Dans un mouvement de rage, elle plaque ses mains sur le torse de Gabriel et le bascule sur le côté sans se préoccuper de sa réception.

Du sang... Beaucoup de sang.

Gabriel gît sur le sol. Émilie tremble comme une feuille et hurle en regardant ses mains maculées d'hémoglobine. Je commande alors à mes jambes de me porter jusqu'à lui pour sentir son pouls, mais rien à faire, je suis toujours en cours circuit. C'est alors que mes yeux se posent sur l'arme à feu tombée à quelques centimètres de la criminelle.

Bon sang ! Il faut que je la subtilise pour ne pas être la prochaine sur sa liste noire.

Malgré toute la bonne volonté que je tente de mobiliser en moi, mes membres restent inertes.

Un sentiment reprend doucement place en moi.

Une lueur d'espoir me direz-vous.

Cependant, je ne l'accueille pas avec plaisir. Cette perception qui m'indique que mon corps se réveille est la peur. Elle me tenaille l'estomac, se glisse sournoisement sous ma peau, ceinture mes poumons, assèche ma bouche, congèle le sang qui passe dans mes veines et finie par provoquer une attaque de panique.

Je m'agite, crie, suffoque et surtout, ferme les paupières avec véhémence afin de m'isoler de cette situation ingérable. Mon buste se dégourdit à son tour et se balance d'avant en arrière.

Je sais que je vais mourir.

Je ne peux pas lutter, par conséquent je me résigne à attendre la balle qui m'emportera loin de tout cela.

Puis,un hurlement me tire de mon état second.

— Lâche ça tout de suite où j'te bute !

Marcus...Marcus... C'est la voix de Marcus !

Émilie, qui a très certainement repris possession de son pistolet lors de mon passage en mode lamentations, menace mon sauveur avec celui-ci. Ses doigts sanglants glissent sur le métal. Elle sanglote et contrôle difficilement les tremblements qui envahissent tout son être.

— Tu m'entends ?

Marcus hurle et affiche un visage ravagé par la colère. Il alterne son regard entre sa cible et le corps sans mouvement de son patron.

La blonde grimée en brune, démunie de toutes ses forces, se laisse brusquement tomber sur ses genoux. Ses rotules percutent alors le sol avec force, ce qui déclenche un bruit sourd et douloureux.

Aussitôt, elle pose son Beretta sur le parquet et supplie le garde du corps de ne pas lui faire de mal.

Marcus se précipite vers l'arme, d'un coup de pied l'envoie vers la porte d'entrée et sans que je ne m'y attende, il décoche un uppercut dans la jolie face de la diablesse. Un seul suffit pour l'assommer.

Puis, il applique rapidement ses doigts sur la jugulaire de Gabriel.

Je vois alors ses épaules se soulever sous le coup de soupirs. Il se redresse, puis se dirige vers moi d'un pas las. Arrivé à ma hauteur, il pose ses paumes sur mes joues, prononce mon prénom avec douceur, marque un temps de silence, ancre ses yeux brillant de larmes dans les miens et articule difficilement les mots que je ne voulais pas entendre.

— Paola... Il est mort...

La suite est confuse. Mes cris, les bras de Marcus qui me bercent, les va-et-vient des policiers, Émilie menottée et le médecin qui m'administre un calmant.

***

Mes yeux me brûlent. J'ai du mal à soulever mes paupières toutes boursouflées. Il me faut quelques minutes pour situer l'endroit où je me trouve. Je suis dans ma chambre d'enfant et je suis heureuse d'y être. Toutefois, les souvenirs de ces dernières heures me ramènent bien trop vite à la réalité.

Gabriel Lewis est mort sous mes yeux.

L'image d'une grosse mare de sang s'imprime alors sur mes rétines. Une irrépressible envie de me laver pour tenter de nettoyer tout cela me serre la gorge. Je m'applique alors à nettoyer minutieusement ma peau centimètre par centimètre, comme pour effacer l'horreur.

Je veux me sentir propre, fraîche. Je veux me sentir vivante...

Je passe une nuisette et me dirige vers la fenêtre pour observer le ciel étoilé. Je n'ai pas envie de regarder l'heure qu'il est. Peu importe de savoir si un nouveau jour sans Gabriel va bientôt se lever ou pas. Je laisse glisser mes larmes sur mes joues. Je ne lutte pas contre la détresse qui m'envahit. Rien ne sera plus jamais pareil.

Ces bras qui encerclent ma taille avec puissance.

Ce souffle chaud qui glisse sur ma nuque.

Cette chaleur corporelle qui traverse ma tenue légère.

Cet amour qui bat contre mon dos.

Cet être qui donne encore un sens à ma vie.

Je pivote sur moi-même malgré l'emprise de mon doux étau et me délecte de la vue qui s'offre à moi.

— Théo...

Ma voix est un souffle, une brise de soulagement.

— Ma chérie...

La sienne, une douce mélodie pour mes oreilles.

Ses yeux caressent mon visage et m'offrent le bienfait d'un onguent.L'amour qui en émane dépose une pellicule de douceur sur mes maux. Un tas de questions se bousculent alors dans ma tête, mais ma soif de lui est prioritaire sur celles-ci. J'agrippe sauvagement ses cheveux, plaque ma bouche sur la sienne et me délecte de ses baisers comme s'ils étaient les derniers. Une agréable chaleur s'infiltre progressivement sous ma peau. La danse effrénée de nos langues enfin réunies fait encore monter la température de quelques degrés. Ses mains explorent mon dos, mes cheveux, mon cou, puis plonge vers mes monts dressés de désir. Ma respiration s'accélère, mon cœur tambourine, mes dents mordillent ses lèvres : je veux tout oublier dans ses bras et maintenant...

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Coucou ☺

Désolée pour la team Gabriel, mais parfois les auteurs doivent écrire des événements dramatiques. :(

Le point positif de ce chapitre : le retour du beau Théo ! ♥♥♥

Comment se fait-il qu'il soit déjà là ?

Gros bisous et merci pour votre soutien. ♥

Entrée dans la nuit (Terminé ) (Protégé par copyright)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant