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Le lampadaire projetait sa lumière orangée sur le bitume en un cercle parfait qui effleurait celui du lampadaire suivant, formant un chemin au milieu des ténèbres pesantes qui avaient pris possession de la rue. J'avançai, toujours, ne regardant pas sur les côtés, juste droit devant moi. Je savais que je n'étais pas seule et je ne savais pas quoi faire d'autre que de regarder droit devant et d'accélérer un peu à chaque pas.

Je savais qui se tenait dans le noir et ce qu'il voulait. Je le savais parfaitement. Je l'avais senti rôder autour de moi, senti ses yeux rivés sur mon dos où que je sois. Il attendait l'occasion parfaite et je la lui avais donnée. Sans le vouloir, j'étais tombée dans un piège gros comme un camion.

J'avais les mains moites, le cœur palpitant comme un oiseau en cage. La peur était si vivace, perturbant si violemment les toxines dans mon corps que je n'arrêtais pas de trébucher. J'aurais aimé pouvoir simplement détaler comme un lapin, me taper le sprint de ma vie. J'aurais tout fait pour m'éloigner au plus vite. Mais je savais que ça ne changerait rien. Au contraire, ça serait lui ouvrir la voix. Si déjà en marchant, je manquais sans cesse de tomber, si je me mettais à courir, j'étais certaine de faire un vol plané qui serait l'occasion pour lui de faire ce qu'il voulait faire depuis des jours.

Comment en étais-je arrivée là ? La fac avait repris, le boulot aussi, James était revenu de l'Oklahoma. Will avait une urgence à la clinique, Camden était coincé avec Roman. J'avais passé une journée infernale à la fac et l'avait terminée par d'interminables heures au boulot, entourée de collègues qui ne savaient plus se comporter normalement avec moi. Pensaient-ils que j'étais coupable ? Me croyaient-ils capable de tous les tuer si l'envie m'en prenait ?

Tout ça pour finir à vingt et une heures obligée de rentrer à pied à l'appartement, seule et isolée. C'était comme si les rues de Lawrence s'étaient vidée de toute leur population. À une heure pareille, c'était anormal. Et ce brouillard, cette nuit épaisse que même les lumières de la ville ne parvenaient pas à dissiper... Non, ça n'avait rien d'une soirée normale dans le Kansas.

Je luttais pour ne pas me retourner, pour ne pas chercher à l'apercevoir. J'eus l'impression de revivre mon dernier jogging. Le dernier que j'avais osé aller faire.

C'était de ma faute. Tout était de ma faute. Candice, Josh, Devon, cette situation... J'aurais dû écouter Will lorsqu'il m'avait dit d'attendre dans le café en face du magasin. Au lieu de ça, je lui avais dit que j'appellerais Camden. Normalement, mon petit ami n'aurait pas refusé de passer me prendre et de me ramener à l'appartement. Sauf que Roman était tombé malade et qu'il avait une fièvre si forte qu'il lui arrivait de délirer. Je lui avais dit que je repartirais avec Tom.

Voilà où m'avaient mené mes mensonges. Seule dans une rue noire, hors de vue de quiconque, avec le tueur aux trousses. Je n'étais plus loin de l'appartement. Je parviendrais peut-être à le prendre au dépourvu si je me mettais à courir sur les derniers mètres. Lorsque j'apercevrais mon building, je me mettrais à courir aussi vite que je pouvais en priant pour ne pas trébucher et m'étaler en plein milieu de la rue.

C'était le seul moyen pour que je m'en sorte. Je n'avais pas le choix. Je devais faire quelque chose. Je ne pouvais pas continuer à avancer en espérant qu'il ne me rattrape pas. Il n'allait pas continuer à marcher à la même vitesse que moi tout le long jusqu'à ce que j'arrive à l'appartement. Ce n'était pas comme ça qu'il fonctionnait. Peut-être voulait-il simplement rejouer le même portrait qu'avec Josh sauf que le lieu où serait mon corps serait aussi celui où j'aurais été tuée.

Quelque chose s'accrocha à mes cheveux. Ce fut comme si mon corps heurtait un mur avant de partir en arrière. Je tombai droit sur les fesses, la douleur explosant dans tout mon coccyx et remontant dans mon dos. Sans compter celle dans mon crâne chevelu. J'entendis le bruissement d'un manteau lorsque quelqu'un s'abaissa à côté de moi. On tira à nouveau sur mes cheveux ; je me mordis la langue pour ne pas crier.

Find MeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant