Un lou(p)rd secret - Tome I

Chapitre 22 : Premier entraînement.

Amy sortit du sommeil après que Jake ait frappé quelques coups discrets à la porte de sa chambre. Elle se leva, passa un coup de peigne dans ses cheveux et rejoignit Jake, qui était assis sur le canapé en attendant qu'Amy émerge.

- Tu as réussi à dormir un peu ? s'enquit-il.

- Oui, merci de m'avoir laissé le lit.

- De rien, c'est normal. Tu as besoin d'être en forme pour ce qui va suivre.

- Qu'est-ce qu'on va faire ? demanda Amy, piquée par la curiosité.

- On va aller dehors faire travailler tes cinq sens, répondit-il comme si la signification de sa réplique était évidente.

Devant l'air perplexe qu'affichait Amy, il précisa :

- Je t'expliquerais tout quand on y sera.

Il se leva, prit son sac, vérifia qu'il n'avait rien oublié et sortit de la cabane. Il fit signe à Amy de le suivre, ce qu'elle fit sans rechigner.

Ils marchèrent tous les deux quelques centaines de mètres et s'arrêtèrent dans une petite clairière. L'herbe y était sèche et jaunâtre à cause du climat de l'Arizona.

Jake déposa son sac au sol près d'un rocher qui se tenait là et l'ouvrit. Il en sortit un morceau de tissu noir.

- On va te faire travailler tes sens. En tant que loups garous, nous avons une sensorialité exacerbée. Cela signifie qu'elle est différente de celle des humaines. Nous avons une ouïe et la vue bien plus développées. Lorsque nous touchons les choses, nous ressentons davantage les textures, les changements de température, la douleur également, même si nous cicatrisons très rapidement. Nous sommes capables de différencier les saveurs comme personne et notre odorat surdéveloppé nous permet d'être très compétents lorsqu'il s'agit de chasser et traquer une proie. Mais tout ça, je te l'avais déjà expliqué, même si je n'avais pas été aussi précis.

Jake marqua une pause pour laisser le temps à Amy d'assimiler toutes ces informations. Lorsqu'il la sentit prête, il poursuivit :

- On va d'abord travailler l'ouïe. Je vais te bander les yeux.

Il s'approcha d'Amy, se plaça derrière elle et lui accrocha le morceau de tissu autour de la tête afin de lui bander les yeux. Ses gestes étaient tendres et délicats.

Amy resta silencieuse. A vrai dire, elle était admirative. Elle trouvait Jake prévenant et sûr de lui. Elle appréciait beaucoup ce Jake là.

- Voilà. Maintenant, dis-moi ce que tu entends, ordonna-t-il.

- Euh... Pardon ? demanda Amy afin de savoir s'il était sérieux.

- Dis-moi ce que tu entends, répéta-t-il.

Apparemment, il était bel et bien sérieux. Amy se sentit désemparée. C'était stupide comme question, non ?

- Dans la mesure où tu ne parles pas et où on est tout seul, je n'entends pas grand-chose, répondit-elle exaspérée.

- Tu n'y mets pas beaucoup du tien. Concentre-toi, argua-t-il de manière tranchante.

C'est alors ce qu'elle fit. Elle se concentra, mais rien ne se passait. Quelle perte de temps ! Comment faire sortir une louve qui est restée enfouie une quinzaine d'années ? En écoutant le silence dans une clairière ? Amy était perplexe et désabusée.

- Je n'y arrive pas.

- Tu n'essayes pas.

- Bien sûr que si j'essaye ! s'emporta-t-elle, en retirant son bandeau.

- Non, attendre que ça se passe je n'appelle pas ça essayer ! répondit-il sur le même ton.

Tous les deux s'affrontèrent du regard pendant plusieurs secondes. Amy était en colère et Jake était frustré. Cet entrainement n'était décidément pas productif.

- Pourquoi c'est si important pour toi d'abord ? demanda-t-elle sur le ton du reproche.

- Parce que ça l'est.

- Mais pourquoi ? insista-t-elle, suppliante.

- Parce que de cette façon, tu ferais partie de la meute ! Et peut-être que là nous aurions une chance ! s'écria Jake, tout en regrettant à la seconde où les mots étaient sortis.

Amy resta sans voix. Elle s'en voulait de l'avoir poussé à bout comme ça. De l'avoir forcé à avouer des sentiments qu'il n'avait surement pas envie d'avouer.

Il baissa la tête, gêné, peiné. Le silence était pour lui une réponse en soi.

- Je vais faire un tour, pour me calmer. Quand je reviens, on s'y met sérieusement, déclara-t-il avec une détermination sans faille.

- Jake...

Elle leva la main vers lui. Elle tenta de lui attraper le bras pour le retenir mais déjà il s'éloignait d'elle.

*

Lorsqu'il revint près d'elle, trente minutes plus tard, les traits de son visage s'étaient adoucis. Amy en fut soulagée et sans dire un mot, elle lui tendit le bandeau pour qu'ils puissent poursuivre l'entrainement.

Amy se concentra, maintes et maintes fois, mais pour elle, seul demeurait le silence. Il lui arrivait d'entendre l'herbe et les feuilles des arbres s'agiter lorsque le vent se levait ou bien les bruits des pas des randonneurs qui venaient à leur rencontre, mais elle avait bien conscience que ceux-ci, tous les humains pouvaient les entendre.

Après une heure et demie d'entrainement, Amy baissait les bras.

- Je suis désolée Jake, j'essaye, je te promets que j'essaye mais je n'y arrive pas, déclara-t-elle impuissante.

- Essaye encore tu vas y arriver ! l'encouragea-t-il.

- Non Jake. A quoi bon continuer si c'est pour n'entendre que le chant des petits oiseaux ? questionna-t-elle, déterminée à écourter l'entrainement.

- Quels oiseaux ? s'enquit-il. Un large sourire s'étirait alors sur ses lèvres.

Amy retira son bandeau et son regard balaya la clairière à la recherche de ces fameux oiseaux. Elle n'en vit aucun. Pourtant, elles les avaient entendus, elle n'avait pas rêvé !

- Tu te demandes où ils sont, n'est-ce pas ? Je les entends moi aussi. Mais ils ne sont pas dans la clairière, ils sont plus loin. On peut donc déclarer que l'entrainement porte enfin ses fruits ! déclara-t-il, triomphant.

- Mais... Tu es sûr ? Je n'ai pas senti de changement pourtant ! répondit-elle, perplexe.

- Viens, je vais te montrer où ils sont.

Amy rendit le bandeau à Jake qui ramassa le sac et le porta sur son dos. Ils dépassèrent alors la clairière pour s'enfoncer dans un chemin de terre entouré d'arbres. Ils marchèrent cent mètres, deux cent mètres, trois cent mètres... Peut-être même étaient-ils en train de marcher plus d'un kilomètre. Le chant des oiseaux se rapprochait au rythme de leurs pas.

Puis, Amy n'en croyait pas ses yeux. Elle les vit. Des oiseaux, dont le chant était à présent presque trop fort pour être véritablement apprécié. Elle resta longtemps sans voix, les yeux rivés sur ces oiseaux qui s'envolaient de branches en branches, qui semblaient interagir entre eux, voire même s'amuser.

Les larmes aux yeux, elle se tourna vers Jake qui observait le changement opérer en elle.

- J'ai réussi..., murmura-t-elle d'une voix à peine audible.

- Oui, tu as réussi. Tu sais ce que ça veut dire ?

- Non, éclaire-moi.

- N'est-ce pas évident ? Tu as la preuve que tu en es capable. Cela veut dire que tu es sur la bonne voie pour atteindre la transformation.