Chapitre 27 : Dans la peau d'Esteban I

1.8K 214 21
                                    


Esteban regardait la piste de danse d'un air absent depuis le carré vip là où il était installé avec sa bande habituelle. Tara était en grande conversation à propos du nouveau toy boy qu'elle avait réussi à se dégoter la nuit dernière, mais Esteban n'en avait rien à faire. Seul Lewis écoutait les aventures de Tara.

- Esteban ? Tu m'écoutes ? l'interpela Tara, agacée.

- Oui. Nouveau jouet. Nouveaux jeux. Grimpée aux rideaux. Comme d'habitude, énonça-t-il avec lassitude.

- Il t'arrive quoi là ? T'es bizarre depuis quelques jours ! lui reprocha-t-elle.

Amy ne lui avait pas donné de nouvelles depuis une semaine. Voilà ce qu'il lui arrivait. Il ne l'avait pas revue, il ne lui avait pas reparlé. Il ne savait pas si elle allait bien, si elle était toujours humaine ou si elle était pleinement louve à présent. Il ne savait pas si elle lui reparlerait un jour et ses derniers mots tournaient en boucle dans son cerveau.

« Je... Je ne sais pas. Je ne sais plus, Esteban. Je me sens blessée et trahie. J'ai besoin de temps et je ne peux pas te promettre que l'issue sera le pardon ».

Mais il ne voulait pas en parler. C'est pourquoi, au lieu de ça, il répondit :

- Rien, Tara. Excuse-moi.

- T'es pas en train de briser notre pacte quand même ? demanda-t-elle d'un air outré.

- Mais non, Tara. Pas d'attaches. Je continue de respecter ça, répondit-il lassé.

- Mouais, moi j'ai l'impression que t'es en train de t'éprendre de quelqu'un... Et pas n'importe qui... continua-t-elle avec plein de sous-entendus.

- Mais tu dis n'importe quoi ! C'est une amie. Je m'inquiète, c'est tout.

- C'est bien ça le problème. Depuis quand on s'inquiète pour des loups garous, hein ?

- Lâche-le un peu, intervint Lewis.

Esteban se tourna vers Lewis et lui lança un regard qui voulait dire « merci ». Tara bouda un moment, mais elle ne put s'empêcher de retourner à l'histoire qu'elle était en train de raconter.

Esteban se leva pour aller au bar. Il avait besoin d'un nouveau verre. Cette conversation l'avait mis de mauvaise humeur. Il chargea Julia de lui servir un whisky. Il le but d'une traite puis en commanda un autre. Il but ce dernier plus lentement mais il ne réussissait pas à s'apaiser.

Pourquoi elle ne lui donnait pas de nouvelles ?! Certes, il avait merdé mais il fallait toute une semaine pour décolérer ? Il ne pouvait pas croire que leur amitié allait déjà arriver à terme alors qu'ils venaient à peine de se trouver.

Amy dégageait quelque chose. Quelque chose d'unique qui ne lui donnait pas envie de l'oublier.

Esteban se mit à penser au loup garou. Jake. Il était sûr qu'en ce moment, il avait tout le loisir de voir Amy quand bon lui semblait. Il avait sûrement du profiter de son absence pour se rapprocher d'elle.

Mais pourquoi était-il possessif la concernant ? Il ne comprenait plus rien. Cela faisait des dizaines voire des centaines d'années qu'il trainait avec la même bande : Tara et Lewis. Des dizaines voire des centaines d'années qu'ils n'amenaient pas de nouvelles personnes dans leur groupe à part leurs victimes et autres coups d'un soir, de manière très ponctuelle.

C'était la première fois qu'il envisageait une autre relation d'amitié. La première fois qu'il envisageait d'intégrer Amy à son groupe d'ami plus que le temps d'une soirée. La première fois qu'il balayait la piste de danse et qu'il n'arrivait pas à repérer une jeune femme qui lui donnait envie d'en faire sa prochaine victime.

Il avait comme l'impression que son quotidien était en suspens en attendant qu'elle lui donne signe de vie et cela le frustrait au plus haut point. Il avait envie de se donner des claques, de se secouer et de se dire « réveille toi mon pote ! ».

Alors qu'il était en plein réflexion, Lewis le rejoignit au bar.

- Tara est partie danser. Tu veux qu'on aille s'en griller une dehors ? dit-il en montrant son paquet de cigarettes.

- Ok je te suis.

Ils slalomèrent tous les deux à travers la foule pour atteindre la sortie. Une fois dehors, Lewis tendit une cigarette à Esteban qui la mit à la bouche. Il se pencha pour que Lewis lui allume et tira dessus. Ça, ça avait au moins le mérite de le détendre un peu. Et pas besoin de se soucier de la santé puisqu'il était déjà mort.

- Bon, mec. Je ne veux pas faire ma Tara de service...

- Alors, ne le fais pas, le coupa Esteban.

- Tu vas te décider à l'appeler ton Amy ? interrogea-t-il.

- Non. Elle a besoin de temps. Je respecte ça.

- Et depuis quand tu écoutes ce qu'on te dit de faire au juste ? demanda Lewis, touchant un point sensible.

- Depuis... Je... Mais merde, vous me faites chier, répondit-il, à cran.

- Mec... T'es mordu d'elle... Sans mauvais jeu de mots. Ça se voit comme le nez au milieu de la figure, insista Lewis pour qu'Esteban ouvre les yeux.

- Mais non, tu dis n'importe quoi, on est juste amis, insista Esteban.

- Alors tu vas me dire que tu restes comme ça, pendu à ton téléphone, juste pour que mademoiselle puisse te dire qu'elle veut bien être ton amie ?

Esteban ne répondit pas. Lewis marquait un point. Qu'est-ce qu'il attendait d'elle au juste ?

- Esteban, on s'en fout du pacte. On l'a fait à une époque où nous avions tous les trois beaucoup souffert. C'est du passé. Tu fais ce que tu veux, moi ça ne me dérange pas. Mais n'attends pas qu'elle se décide. Prends les choses en main. Que ce soit pour lui demander son amitié, ou que ce soit pour lui demander plus...

Esteban ne répondit pas. Il était en train de réfléchir à tout ça et à ce qu'il devait faire. Lewis avait-il raison ? Devait-il l'appeler ? Devait-il carrément aller lui rendre visite chez elle ?

Esteban tapait nerveusement son pied sur le sol pendant qu'il prenait sa décision, ce qui arrachait un sourire à Lewis. C'était la première fois qu'il le voyait agir comme ça pour une femme.

- Tu as raison. Pourquoi j'attends ? Je vais aller la voir là. Tout de suite. Je reviendrai pour la fermeture, déclara-t-il, déterminé.

- N'importe quoi, mec. Donne-moi les clés, c'est moi qui fermerai. Tu pourrais te gâcher la soirée avec cette obligation, répondit-il avec un petit sourire en coin.

Esteban lui tendit les clés du Crépuscule et se mit en route tout de suite avant de se dégonfler et de changer d'avis. Sur le chemin, il s'embêta d'abord à réciter un discours tout préparé dans sa tête. Puis, il comprit que cela était inutile. D'abord, cela ne lui ressemblait pas. Esteban était tout en naturel et en spontanéité. Il faisait et disait ce qu'il voulait, quand il le voulait. Ensuite, il savait pertinemment que ça ne se passerait jamais exactement comme il l'aurait prévu, donc à quoi bon ?

Au bout de quelques minutes, il arriva devant la maison. Il monta les marches du perron, se posta devant la porte et, après avoir pris une grande inspiration, il frappa à la porte.

Un lou(p)rd secret - Tome IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant