[Unstiteuf] Ça reste entre nous

Chapitre 10 : Elle

Unster ne détourna pas son regard des yeux de son professeur. Ils restèrent ainsi quelques instants, ni l'un ni l'autre ne coupant ce contact. Pourtant, Unster en avait envie. Il savait que ce n'était pas normal d'observer son professeur de la sorte. Mais c'était plus fort que lui. Il était comme déconnecté, hypnotisé par le visage si parfait de son aîné, par ses yeux profondément déstabilisants.

Sébastien secoua la tête pour chasser ses pensées. En relevant les yeux, il comprit qu'NT s'en était aperçu car ce-dernier arborait désormais un sourire en coin. L'adolescent se força à détourner les yeux. Il ne pouvait pas continuer à le fixer ainsi. Il n'en avait pas le droit. Soudain, la vibration de son téléphone contre sa jambe fit sursauter l'adolescent.

[Inconnu] Relève la tête.

Le souffle d'Unster se coupa et son cœur rata un battement. Se pourrait-il que cet inconnu, qui pimentait depuis quelques jours sa vie monotone et à qui il avait dit "je t'aime" ne soit autre que son énigmatique professeur de musique ? Ce psychopathe qui s'acharnait sur lui sans relâche ? Serait-ce réellement possible que... Non. Bien sûr que non, ce n'était pas possible. NT ne pouvait pas être fou à ce point. Unster inspira profondément avant de relever la tête. Quand il vit la personne qui se tenait désormais à l'endroit précis où NT l'observait quelques secondes plus tôt, son cœur rata un battement.

Elle était là. Ses iris sombres posées sur lui et ses cheveux attachés en une queue de cheval d'où s'échappaient quelques mèches rebelles. Elle le regardait d'un air farouche, comme le ferait un animal sauvage. Mais en observant mieux, Unster remarqua son petit rictus amusé. Elle se moquait ouvertement de lui. Mais pourquoi ? Pourquoi se moquait-elle après les messages qu'ils avaient échangés ?

     D'un geste de la main, elle chassa une mèche de cheveux de son visage et s'approcha de lui. Unster fronça les sourcils et serra les poings. Il n'avait pas du tout envie de lui parler. Pourtant, il n'en avait pas le choix. Car elle semblait bien décidée à engager la conversation. Quand elle arriva devant lui, elle croisa ses bras sur sa poitrine.

     -Alors, Bliicher, je t'intimide ? Tu baisse les yeux devant ma beauté ?

     -Pourquoi faut-il toujours que tu sois dans mes pattes, Games ? grogna l'adolescent.

     -Parce que j'aime bien te faire chier.

     -J'ai pas envie de parler avec toi maintenant.

     -Tu n'en auras pas non plus envie plus tard.

     Sébastien souffla. Elle avait parfaitement raison. Il ne l'aimait pas et la simple vue de son visage hautain lui donnait la nausée.

     -Pourquoi ton comportement est-il si différent ? s'enquit le jeune homme malgré lui.

     -De quoi tu parles ? S'étonna-t-elle.

     -Tu es vraiment imprévisible, Games.

     -Et toi, tu es vraiment étrange, Bliicher.

Ils restèrent quelques instants face à face, à s'observer, puis Pauline se laissa tomber sur le banc à côté de lui. Elle bascula sa tête en arrière et ferma les yeux.

-Tu sais, dit-elle les paupières toujours closes, si tu ne m'avais pas recalée le premier jour, on aurait peut-être pu s'entendre.

-Non, Games, on n'aurait pas pu. Je ne te supporte pas.

La jeune fille laissa échapper un petit rire, arrachant un sourire à son camarade.

-Comment peux-tu dire ça ? On ne se connaît pas après tout...

-C'est vrai, répondit-il d'un air absent.

En vérité, Unster était en profond conflit avec lui-même. Cela faisait plusieurs jours qu'il cherchait l'identité de cet inconnu, mais maintenant qu'il la connaissait, il aurait préféré l'ignorer. Et pourquoi Pauline Games faisait-elle comme si tout était normal ? La sonnerie retentit soudain, sortant l'adolescent de ses pensées. La jeune fille se releva et remis son sac, qu'elle avait posé à ses pieds, sur son épaule.

-Bon, peut-être que tu comptes encore sécher le cours de musique, mais ce n'est pas mon cas.

Unster la regarda tandis qu'elle se dirigeait vers la porte du bâtiment. Elle posa la main sur la poignée puis se stoppa pour se tourner vers lui. Elle lui adressa un petit sourire avant de disparaître dans l'encadrement de la porte. Il se leva à son tour, décidant qu'il avait assez séché et que de toute façon, il fallait bien qu'il affronte à nouveau le regard de son professeur.

     Il entra le dernier dans la salle et prit sa place à côté de son ennemie. Le cours passa calmement, Unster resta silencieux pendant toute l'heure et Pauline ne chercha pas à lui parler. Quant à NT, il fit son cours comme l'aurait fait n'importe quel professeur, sans se soucier de l'étrange regard d'Unster braqué sur lui. Cependant, quand la sonnerie retentit à nouveau et que Sébastien quitta l'établissement pour rentrer chez lui, son téléphone vibra dans sa poche. Quand il le déverrouilla, le numéro de l'inconnu s'afficha à l'écran.

[Inconnu] J'apprécie le fait que tu sois venu en musique. Ta chaise est restée vide bien trop de fois.