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À ces mots, j'avais fondu en larmes. Mais ce n'était pas possible ! Ils n'allaient pas la débrancher, ils ne pouvaient pas faire ça ! Ils ne pouvaient pas la laisser partir. S'ils l'abandonnaient, ils m'abandonnaient avec !

Puis je m'étais mise à hurler. Tout le monde me regardait, mais je m'en fichais. J'hurlais mon désespoir, ma douleur, tout ce que j'avais réussi à enfouir au plus profond de mon être. Ils n'avaient pas le droit de m'arracher ma Margot ! Sans elle je ne pouvais pas vivre. Sans elle, j'étais un corps sans âme.

Cette annonce m'avait déchiré le cœur, j'avais cru devenir folle.

  Puis, j'avais tenté de m'enfuir. Pourquoi ? Je n'en savais rien moi-même. Pour essayer au moins de la revoir une dernière fois. Pour vérifier, peut-être, qu'il n'y avait vraiment plus aucun espoir. Car je n'y croyais pas.

Mon père avait tenté de me retenir par le bras, mais je l'avais violemment repoussé, ce qui avait fait hurler ma mère. Une fois libérée, je m'étais précipitée vers la chambre 314, celle où reposait encore Margot. Mais je m'étais prise la porte en plein fouet car elle avait été fermée à clés.

Quand le docteur et les adultes étaient arrivés en courant, j'étais déjà en train de supplier une infirmière pour qu'elle m'ouvre l'accès à la chambre. La femme, terrifiée et prise de pitié par mon comportement, m'avait ouvert la porte et je m'étais précipitée vers le lit.

Arrivée au chevet de Margot, je m'étais agenouillée par terre et m'étais mise à caresser ses cheveux, me fichant du fait qu'elle était comme morte. Je lui avais alors chantonné un air que je connaissais par cœur. Cet air de musique si doux que l'on avait inventé et si souvent chanté. Le nôtre.

Je me rappelle avoir mis tout mon corps et toute mon âme dans cette chanson. J'avais chanté, chanté, jusqu'à en perdre la notion du temps. J'avais voulu retranscrire, à travers la mélodie, toutes mes émotions. Des plus joyeuses, inspirées par mes plus beaux souvenirs, jusqu'aux plus sombres. J'extériorisais mon chagrin, ma peur et ma solitude.

Elle était morte puis ce fut au tour de mes parents et de mon frère. Pourquoi tous ces malheurs m'arrivaient-ils à moi ? Était-ce parce que j'avais eu la mauvaise idée de sortir du ventre de ma mère un jour plus tôt, ce qui m'avait fait naître un vendredi 13 au lieu d'un samedi 14 septembre ? Si c'était ça, la vie était vraiment injuste. Ou alors peut-être la Mort et le Destin avaient-ils lié un pacte et décidé de s'acharner sur moi, pauvre adolescente sans défense parmi tant d'autres ?

Je ris de ma bêtise. Pourquoi, pourquoi me prenais-je la tête ? Je me devais de lâcher prise. J'avais besoin de me libérer. Ne plus penser à rien. Mais comment ?

Mon regard se posa tout autour de moi. J'étais un peu perdue. Que faire ? Je regardai les branches se balancer au gré du vent. Des oiseaux piaillaient à leur cime. Ils se laissaient planer, doucement. J'admirais leur confiance. J'aurais aimé être comme eux. Libre comme l'air. Sans attaches aucunes. Moi aussi, je voulais voler. Me laisser porter par une force invisible. Sans y opposer aucune résistance. Et si... ?

Je vis la balançoire mouvoir sous la brise. Je souris. Moi aussi, j'allais pouvoir voler. Je me levai. La tête me tourna. Je me rassis, le temps de reprendre mes esprits, puis me mis de nouveau debout, avec précaution cette fois. Prudemment, j'avançai de quelques pas. J'eus la vague impression d'être une enfant, l'impression de redécouvrir la vie. Que je repartais de zéro. Il fallait que j'apprenne.

Je savourais cette sensation de tomber dans le vide, en chute libre, à chaque fois que la balançoire me ramenait en arrière. Je prenais de l'élan pour aller plus haut, toujours plus haut. « Tu crois que maintenant ils volent ? ». Oui. Ils étaient là, tout près, dans le ciel. Et j'étais avec eux. Je volais, moi aussi. Le vent fouettait mon visage. C'était agréable.

MirlewnaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant