·•31•·

45 5 12
                                    


- S'il vous plaît, un peu d'eau...

- Navré, mademoiselle, mais j'ai reçu des ordres ; aucun contact avec les prisonniers.

- Vous vous moquez de moi !? Elle est malade, son état ne fait qu'empirer depuis 3 jours ! Vous allez la laisser mourir ?

Mon regard désespéré se posa sur Victoria, la tête posée sur mes genoux. Elle tremblait et était couverte de sueur. Elle leva des yeux suppliants vers moi, et sa voix faible s'éleva.

- Je voudrais boire, Axelle... j'ai soif. Et puis j'ai froid aussi.

Elle frissonna.

- Qu'est-ce que j'ai froid..., gémit-elle.

- Je sais, ma belle, je sais. Endors-toi, ça ira mieux après. Je suis là, murmurai-je.

Elle ferma ses paupières, tentant de retrouver le sommeil. Elle essaya de réguler sa respiration sifflante. Ça me faisait de la peine de la voir si mal. Je caressai doucement son front.

Elle rouvrit cependant les yeux quelques instants plus tard et m'observa.

- Axelle, souffla-t-elle.

Sa voix était si faible que je dus me pencher pour approcher mon oreille de sa bouche.

- Axelle... si jamais je ne me réveille pas demain, sache que tu es comme un sœur pour moi...

Une larme dévala la courbe de ma joue. Elle était si jeune, si insouciante. Elle commençait à peine à vivre. Et pourtant elle pensait déjà à ça. « Si je ne me réveille pas demain... ». C'était tristement réaliste. Trop réaliste pour exister dans les pensées d'une petit fille de 6 ans. Normalement. Et pourtant, ces pensées étaient belles et bien là. Elle vivait dans un monde si difficile, je m'en rendais compte au fur et à mesure que le temps passait.

Elle était si petite, si fragile, là dans mes bras. Son corps frêle tremblant sous mes doigts qui tentaient de la réchauffer. J'avais de la peine pour elle.

- Chut, arrête...

- Je t'aime fort...

- Tais-toi Victoria, s'il te plaît.

- Tout ce que tu as fait pour moi, je ne l'oublierai pas.

- Je t'en supplie, Victoria, tout va bien se passer... arrête, sanglotai-je, la gorge serrée. Tu vas bien dormir, et demain tout ira mieux.

Elle commença à trembler de plus belle. J'enlevai délicatement sa tête de mes genoux et me levai, déterminée à obtenir coûte que coûte de quoi la réchauffer auprès de cet espèce d'imbécile sans cœur qui surveillait l'entrée de notre cellule.

- Toi, m'exclamai-je en lui pointant mon index sur le torse.

Il ne daigna pas m'adresser un coup d'œil. C'est à peine s'il cilla.

- Tu m'écoutes quand je te parle, oui !? lui criai-je à la figure.

Toujours aucune réaction.

- Tu vas m'apporter immédiatement de l'eau et des couvertures, menaçai-je, ou...ou...

Je me fis presque pitié, et, découragée, me maudis pour mon absence de crédibilité. Mon sentiment ne s'améliora pas lorsque le garde leva un sourcil amusé et dit :

- Ou...?

- OU JE TE DÉFONCE TA SALE GUEULE DE CONNARD AU CŒUR DE PIERRE, QUI N'A MÊME PAS NE SERAIT-CE QU'UN SOUPÇON DE CONSCIENCE, QUI SERAIT PRÊT À LAISSER CREVER UNE PAUVRE PETITE INNOCENTE, ET TOUT ÇA POUR QUOI ? POUR OBÉIR AUX PUTAINS D'ORDRES DE MERDE D'UNE SALOPE BIPOLAIRE !? LAISSE-MOI RIRE ! JE TE PRÉVIENS, SI TU NE FAIS PAS CE QUE JE TE DEMANDE, ET QU'ELLE MEURT, TU PEUX ÊTRE CERTAIN QUE TU TE TROUVERAS DANS L'OBLIGATION D'ANNONCER À TA FEMME QUE VOUS NE POURREZ PLUS JAMAIS AVOIR D'ENFANTS ET QUE...

Matt m'empêcha de continuer en me tirant brusquement en arrière.

Je fis volte-face, prête à déverser le reste de ma colère sur lui. Mais son regard fit l'effet d'un seau d'eau glacée qu'on m'aurait renversé sur la tête.

La haine que je ressentais disparut d'un coup, comme par enchantement. Il ouvrit les bras, et je m'y blottis, éclatant en sanglots. Il m'emmena loin du garde. Pourtant, quand il me relâcha et m'ordonna de me reposer, la colère qui logeait en moi refit surface.

C'était comme si son regard et un simple contact avec lui avaient un pouvoir apaisant.

Il partit s'asseoir. Je donnai un coup de pied rageur dans le mur.

Ce n'était pas juste, la pauvre Victoria était très mal en point. J'aurais tellement voulu lui venir en aide. Mais avec cet imbécile de garde, je ne risquais pas d'aller loin...

A ma grande surprise, il revint bientôt, les bras chargés de couvertures ainsi que de plusieurs gourdes d'eau. Il repartit sans un mot.

***

Un autre homme fit irruption dans la pièce quelques heures plus tard. Il nous annonça que je serais transférée.

- Comment ça ? Vous allez nous séparer !?

- J'obéis aux ordres.

- Ah nan mais laissez tomber.

Matt se plaça face à lui, les bras croisés sur son torse, et les jambes écartées, stable. Un air de défi sur le visage.

- Vous ne nous séparerez pas.

- On ne s'oppose pas aux ordres de la Dame.

Je ne pus m'empêcher de lever les yeux au ciel. Les hommes de Cornelia n'avaient vraiment aucune initiative. Ils étaient semblables à des robots. Quoi qu'elle leur dise de faire, ils obéissaient, machinaux.

- Et Victoria ? ne pus-je m'empêcher de demander. Elle va aller où ?

- Je n'en sais pas plus. Seul votre déplacement me concerne. Je ne sais rien de l'organisation pour la suite.

- Super...

Ma Moitié me prit la main et la serra, dans l'espoir de se montrer rassurant.

- Bien que vous vous sépariez, jeune homme vous devrez commencer un bout de chemin en notre compagnie.

Ma Paire lui lança un regard suspicieux mais ne dit rien. Il se pencha pour ramasser une couverture par terre et me la mis sur le dos. Il profita que nous soyons serrés l'un contre l'autre pour me chuchoter à l'oreille :

- Mieux vaut être dociles pour l'instant, on ne sait pas ce qui nous attend. Il faudra qu'on trouve un plan. Au pire des cas, on improvisera.

Puis il s'écarta de moi, rejeta en arrière mes cheveux qui s'étaient coincés sous la couverture, et me sourit. Le garde nous ramena à l'ordre.

- Nous devons partir.

MirlewnaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant