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  Je me réveillai et me dépêchai de descendre voir Amadeo pour en savoir un peu plus à propos de notre conversation de la veille. Cette histoire m'intriguait énormément et je voulais en apprendre davantage.

Lorsque j'arrivai dans la cuisine, Amadeo était seul devant un grand bol de thé.

« - Je te sens déjà bien impatiente d'entendre la suite de l'histoire, Mirley.

- Je m'appelle Axelle, rectifiai-je poliment. Mais c'est bien vrai. J'ai un caractère assez curieux et plutôt impatient, je dois en effet l'avouer. Et j'aime comprendre les choses, surtout.

- Alors je te conseille d'ouvrir bien grand tes oreilles, et de te concentrer. L'histoire que j'ai à te raconter n'est pas des plus banales. »

  Il se tut. Je n'esquissai pas un geste, attendant simplement qu'il prenne la parole. Mais malgré ses belles promesses, le récit ne vint pas. Attendait-il que j'entame la discussion ? Était-ce à moi de mener le sujet sur la table ? Peut-être ne savait-il pas par où commencer ? Comme il ne parlait toujours pas, je décidai de me lancer.

« - Après notre discussion d'hier, j'ai longuement réfléchi et j'en suis arrivée à la conclusion que Leoris... »

J'hésitai un moment et finis par reprendre.

« - Que Leoris est ma Paire. Je me trompe ?

Ton esprit d'analyse m'a l'air bien développé. »

  Je ne sus jamais s'il se fichait de moi ou s'il était très sérieux.

« - Mais alors pourquoi a-t-il la même cicatrice que ma mère à la tempe droite ?

Et observatrice en plus de cela, apprécia-t-il. » « Écoute-moi bien, Mirley. Ton cas est très particulier - même il n'est aucun cas qui soit "normal", il est vrai. Il existe quelques personnes liées à Mirlewna, mais tu es la seule d'entre elles à venir de la Terre. Il faut que tu saches quelque chose. À la naissance des deux êtres qui seront plus tard connectés, une cérémonie est effectuée pour justement les lier. Nous autres, habitants de Mirlewna, sommes différemment constitués que vous, Terriens. Il se trouve que, bébé, tu étais trop fragile pour pouvoir supporter cette cérémonie. Il y aurait pu avoir de graves séquelles physiques ou morales. Ta mère avait très peur pour toi et elle craignait que ça ne se finisse mal. Pour te protéger, elle a donc pris ta place et a fait le rituel en se faisant passer pour toi. À tes huit ans, ton corps et ton esprit s'étaient légèrement renforcés, et nous avons pensé que l'on pourrait effectuer un autre rituel pour te transférer le lien qu'avait ta mère. Je suis donc allé lui rendre visite pour lui annoncer, mais elle a refusé. Elle m'a dit qu'elle te protégerait, quoi qu'il arrive, le plus longtemps possible. »

« - Pourquoi vous m'appelez Mirley ? »

Il parut déstabilisé de ma question si soudaine.

« - Laisse-moi te dire que tu es une personne... je dirais... surprenante. Je suis entrain de te dévoiler un des plus grands secrets de ta propre vie, et la seule chose que tu trouves à me dire, c'est une question concernant la manière dont je t'appelle ! s'amusa-t-il.

- Pardon, c'est juste que ça m'a perturbée, me justifiai-je. »

  Mon cerveau analysa enfin tout ce qu'il venait de me dire. Je compris alors la scène dans la cuisine à laquelle j'avais assisté quelques années auparavant. À l'époque je n'avais rien compris, et je n'y avais en fait pas vraiment prêté attention, mais maintenant tout prenait un sens.

« - Mais... alors pourquoi je suis maintenant liée à Leoris ? Vous avez fini par faire ce rituel ?

- Eh bien, c'est plus compliqué que ça... Lorsque je suis retourné à Mirlewna après ma visite chez tes parents, j'ai passé des jours et des jours à faire des recherches et à réfléchir à une solution. Ta mère n'était pas destinée à avoir ce lien, et nous devions absolument le lui ôter. Et un jour, j'ai trouvé ce que je cherchais. Je suis retourné sur Terre pour aller la voir et le lui proposer. Mon idée était que l'on fasse un rituel, beaucoup moins puissant que l'officiel, qui te transférerais seulement une partie de ce pouvoir qu'était le lien. Elle a accepté et nous l'avons fait.

- Pourquoi est-ce que je ne m'en souviens pas ?

- La mémoire sait faire des miracles. Mais nous lui avons donné un petit coup de pouce, je dois l'avouer. En vérité, nous t'avions endormie. Claire ne voulait pas que tu le saches pour te protéger. À partir de ce moment tu avais donc une petite partie de ce lien en toi, mais pas assez pour ressentir les émotions et les blessures de Leoris. »

Je relevai ma manche et enlevai mon bandage.

« - Et que dites-vous de ça, alors ? Cette blessure, c'est Leoris qui l'a eue, je ne me trompe pas ? Comment se fait-il que je l'aie ressentie, au point d'en avoir les marques imprimées dans la peau ? Alors que vous me dites que l'infime partie du Lien que je possède ne le permet pas.

Certaines choses ne s'expliquent pas...

Permettez-moi de vous exprimer ma déception face à cette réponse. C'est frustrant.

J'aurais bien ma petite idée, mais...

Dites toujours. »

  Il sembla embarrassé. Je fronçai les sourcils et penchai ma tête de côté.

« - Pourquoi...? »

  Puis je saisis enfin la raison de sa gêne.

« - Elle est morte, soufflai-je. »

  Je plantai mes yeux dans les siens.

« - C'est bien ça ? »

Il acquiesça doucement.

« - À l'instant même où ta mère est morte, la partie du Lien qui était en elle a rejoint l'autre partie, qui était en toi. C'est à ce moment-là que tu as ressenti la blessure de Leoris. »

  Je me déconnectai tout à coup de la réalité. Je ne comprenais plus rien, j'étais perdue. Je devais ressembler à une enfant égarée. Tout ce que je perçus de l'extérieur fut des bras qui m'accueillirent chaleureusement.

MirlewnaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant