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Leoris m'attendait, comme prévu, dans le couloir.

  En le suivant, je vis mon reflet dans un miroir et grimaçai. Mes cheveux étaient tout emmêlés et ce n'était pas très beau à voir. Je paraissais totalement négligée. Leoris m'avait dit qu'il allait me présenter. Je me devais de dégager au minimum une bonne impression. Dépitée et ne trouvant pas d'autre solution, je décidai d'attacher mes mèches désordonnées en un chignon rapide.

  Nous arrivâmes dans une pièce lumineuse avec une grande table au centre. Dans un coin, il y avait un petit espace avec des fauteuils et un canapé, et, un peu plus loin un grand piano à queue noir.

Plusieurs personnes étaient présentes ; un homme dont je ne parvenais pas à déterminer l'âge, une jeune fille très belle, pas très grande, avec de longs cheveux bruns et un garçon blond du même âge à peu près.

  Lorsqu'ils me virent, ils écarquillèrent tous les yeux et la fille poussa un cri de stupeur. Je les interrogeai du regard mais aucun ne répondit. Lorsque je croisai celui de l'homme, j'eus une sensation bizarre. Une impression de déjà vu. Leoris me regarda à son tour et eut lui aussi un mouvement de recul. Il se reprit très vite et agrippa de ses doigts l'élastique qui tenait mon chignon en place, qu'il tira jusqu'à ce que celui-ci cède. Mes cheveux retombèrent mollement sur mes épaules et tous poussèrent un soupir de soulagement. Je ne savais pas où me mettre. J'aurais voulu disparaître six pieds sous terre. La fille prit timidement la parole :

« - Excuse-nous... Axelle, c'est bien ça ? Je crois que tu n'as pas trop compris notre réaction... Eh bien, en fait, c'est simple. Nos croyances nous font accorder une importance particulière aux cheveux. C'est quelque chose de sacré pour nous. Il y a différentes significations. Lorsqu'une femme se coupe les cheveux au-dessus des épaules, c'est qu'elle vit un deuil. Mais surtout, les cheveux d'une femme, s'ils ont volontairement été noués au-dessus des épaules, sont un rite de malheur. La personne souhaiterait une mort autour d'elle. Il invoque le mal sous un toit. Alors, comprends notre réaction ! Nous sommes très croyants, alors pardonne-nous cette réaction un peu brutale. »

  Sa tirade me rassura quelques peu. J'avais craint qu'ils ne soient tous aussi hostiles que Leoris vis-à-vis de moi. Cette fille me semblait très attentionnée, elle me mit en confiance immédiatement. Je lui en était reconnaissante qu'elle ait pris le temps de m'expliquer la situation. Je lui souris gentiment pour lui faire comprendre que je ne leur en voulais pas le moins du monde. Cette discussion close, Leoris fit les présentations. Le garçon s'appelait Arzun, la fille Jalilia et l'homme Amadeo.

  Ce dernier me fixait intensément depuis que j'étais entrée dans la pièce et ceci commença à m'embarrasser. Comme s'il lisait dans mes pensées, il détourna le regard. J'avais toujours cette impression de déjà vu. Et tout à coup tout me revint.

Flashback

  Je sortis de mon lit. J'avais encore fait un cauchemar, et je voulais aller voir maman pour lui demander de venir me rassurer et me recoucher. Alors que j'avançais dans le couloir pour atteindre les escaliers, j'entendis des éclats de voix. Je n'avais jusqu'alors jamais entendu papa et maman se disputer. Je commençai à descendre les escaliers et je m'arrêtai en plein milieu pour observer la cuisine entre les barreaux de la rampe. Il y avait maman, assise sur une chaise, et face à elle se tenait un homme que je ne connaissais pas. D'après ce que je compris, c'était eux qui se disputaient, ou qui avaient du moins une discussion mouvementée. Papa se tenait un peu en retrait et observait la scène.

« - ... qu'elle sache, Claire, tu ne pourras pas éternellement garder sa place ! Si tu attends trop, les conséquences seront grandes. Pense aux répercussions. Elle le subirait et le vivrait plus mal. Tu ne diminueras pas les dégâts, tu es juste en train de les retarder. Ce n'est pas toujours bon. Tu as déjà eu de la chance jusqu'à maintenant, mais tu ne peux pas le garder pour toi. Ça ne pourra pas durer indéfiniment !

- Tu ne comprends pas Amadeo ! Je fais ça pour la protéger ! Elle n'a que huit ans, je pense qu'elle n'est pas encore prête à affronter ça. Je ne veux pas qu'elle souffre. Je ne pourrais pas supporter de la voir souffrir, Amadeo. Elle est ma fille, je la protégerai, coûte que coûte, le plus longtemps possible. J'y mettrai toute mon énergie s'il le faut. Elle saura, plus tard. Mais elle sera plus grande, elle comprendra. Je la préparerai, petit à petit. »

Maman frôla de ses doigts la cicatrice sur sa tempe, geste qu'elle faisait lorsqu'elle réfléchissait intensément ou quand quelque chose la contrariait beaucoup.

« - Très bien, comme tu voudras, mais sache que ça risque de te retomber dessus, Claire. Je t'aurais prévenu... »

Je ne comprenais rien mais je m'en fichais. J'étais fatiguée et tout ce qui m'importait à ce moment était de me recoucher. Sachant que maman ne pourrait pas s'occuper de moi ce soir, je retournai me coucher toute seule.

MirlewnaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant