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Cette nuit-là, Matt, le vrai Matt surgissant du passé, m'apparut en rêve. Le songe paraissait étrangement réel, et pourtant je savais au fond de moi qu'il y avait quelque chose de différent.

Il s'était penché sur moi, m'avait transpercée une fois de plus de ses beaux yeux translucides. Il s'était adressé à moi en chuchotant, comme ayant peur de me brusquer.

« - Reviens-moi. Tu me manques, tu sais. C'est vide sans toi. Reviens-moi, Axelle.

- Mais je ne peux pas Matt, tu le sais. C'est dur. J'ai essayé. Je te le promets, Matt, j'ai essayé. J'ai l'impression que je n'en suis pas capable.

- Si, tu peux le faire. Il te suffit de faire les bons choix.

- Mais quels choix, Matt ? Aucun ne s'offre à moi !

- Rentre à la maison.

- Je me sens impuissante.

- Mais tu ne l'es pas ! Si tu le veux, tu le peux, Axelle. Tu guides ta propre vie, souviens-t-en.

- J'ai l'impression que c'est plutôt l'inverse.

- Et moi j'aimerais que tu comprennes que c'est toi qui tiens les rênes. Mais je te demande juste une chose ; laisse-moi te dire seulement "à bientôt" et non pas "adieu". Je t'en supplie. Prends le temps qu'il faudra, mais reviens-moi. »

Il avait esquissé un geste. Il avait voulu partir. Un sentiment d'abandon s'était emparé de moi tout à coup.

« - Matt !

- Je ne peux pas t'aider plus, Axelle, c'est à toi de le faire maintenant. »

Puis il avait ajouté, suppliant.

« - Fais-le.

- Je le ferai.

- Pour moi ?

- Pour toi... »

J'avais murmuré ces derniers mots du bout des lèvres, comme une promesse que l'on n'ose prononcer à voix haute de peur qu'elle ne s'accomplisse pas.

Je restai allongée un long moment dans le noir, les mains sur le ventre, fixant le plafond. Pensive, je me remémorais le rêve que je venais de faire. Que signifiait-il ? Il est vrai que je regrettais le passé. Mon insouciance de l'époque. C'était loin déjà. Mais peut-être valait-il mieux aller de l'avant, toujours plus loin, plutôt que revenir sur ses pas. Pourtant, tout semblait si simple là-bas. Et j'avais fait une promesse. Je reviendrai.

Plongée dans mes pensées, je n'entendis pas tout de suite les murmures qui s'élevaient de Matt à côté de moi. Finissant par m'en rendre compte, je tendis l'oreille.

« - C'est sa mère.

- Quoi ?

- C'est sa mère. »

Je me redressai.

« - Mais de qui tu parles ? »

Je me rendis alors compte que Matt dormait. Il parlait dans son sommeil. Je m'apprêtai à m'allonger de nouveau quand il reprit la parole. Cette fois, ses mots m'interpellèrent.

« - Cornelia est la mère d'Axelle. C'est elle qui me l'a dit. C'est sa mère. »

Je reçus ces paroles comme un coup de couteau dans le ventre. J'attrapai Matt et le secouai.

« - Pourquoi tu dis ça ? Qu'est-ce qu'elle t'a dit ? Quand ? Tu dois me le dire Matt. »

Il se réveilla tout à fait et me regarda, perdu et affolé.

« - Je ne comprends pas ! De quoi tu parles ? »

Je le lâchai, soupirai, et laissai ma tête retomber lourdement sur mon oreiller.

Pourquoi avais-je réagis si violemment ? Il n'avait rien compris, le pauvre, quand je l'avais réveillé brusquement.
Pourquoi avais-je pris sa phrase tant à cœur ? Il avait juste faire un mauvais rêve, voilà tout.

•••

« - Axelle ! Reviens ! Qu'est-ce que tu fais ?

- Ce n'est pas pour rien que tu m'as dit ça, Matt.

- Mais tu sais que c'est pas vrai. Je dormais, j'ai juste fait un rêve. C'est pas vrai, je te dis.

- C'est juste pour vérifier. Arrête de t'affoler comme ça. »

Je marchais d'un pas déterminé, en grandes enjambées. Lui tentait de me suivre. Il trottinait à mes côtés.

« - Pourquoi tu en fais tout un plat comme ça ? »

Je m'arrêtai brusquement et me tournai vers lui.

« - Dit-il ! C'est pas moi qui en fait tout un plat ! Qu'est-ce que t'as, à la fin ? Laisse-moi y aller, c'est juste pour être sure à cent pour cent. Je sais très bien que c'est faux. Et puis qu'est-ce que ça te fait que j'aille parler à Cornelia ? »

Il ne trouva rien à répondre.

« - Eh bah voilà ! »

« - J'arrive vraiment pas à te cerner parfois, c'est fou ça ! » ajoutai-je.

Je fis d'innombrables tours, me perdant dans les couloirs, Matt toujours sur mes talons. Chose étrange que je constatais ; il n'y avait personne ! Ni domestiques ni même gardes du corps. Cela m'intrigua.

« - Mais où sont-ils tous passés ? »

J'empruntai un escalier, descendis la volée de marches à toute vitesse. Tout à coup, arrivée deux étages plus bas, je vis de nombreuses personnes s'activer. On se serait crus dans une fourmilière. Tous marchaient précipitamment et ne faisaient pas attention à leur entourage. Ils ne semblaient même pas nous remarquer. Je me mis sur le chemin d'une femme. « Excusez-moi ! Pourriez-vous me dire... ». Je n'eus même pas le temps de finir ma phrase qu'elle était déjà partie, sans même m'avoir adressé un coup d'œil. J'avançai de quelques mètres puis retentai ma chance auprès d'un petit homme nerveux. Je n'observai pas plus de résultats.

« - STOP ! Quelqu'un pourrait-il me dire ce qui se passe ici ? » m'époumonai-je.

Mon cri eut un effet instantané. Toutes les personnes présentes s'arrêtèrent de bouger et tournèrent leur regard vers moi. On pouvait entendre les mouches voler. La scène était assez comique à voir, on aurait pu croire que quelqu'un avait appuyé sur la touche Pause d'une télécommande. Mais c'était quand même assez gênant d'être à ma place. J'aurais voulu disparaître six pieds sous terre.

« - S'il vous plaît » dis-je, tout bas cette fois.

Mon espoir de recevoir une réponse se brisa soudain, quand je vis les personnes reprendre leurs activités sans m'accorder plus d'attention.

L'un d'entre eux cependant dut percevoir mon désespoir car il s'approcha de moi et me dit rapidement sans cesser de jeter des regards autour de lui :

« - Vous ne savez donc pas ? La Dame de Pique a été prise ! Elle va mourir !

- Hein ? Comment ça !

- L'échafaud est déjà prêt.

- Mais comment est-ce possible ? Elle avait tous les pouvoirs ! Elle était invincible ! »

L'homme s'apprêta à partir. Je le retins.

« - Vous savez où elle est ?

- Dans le cachot là-bas. »

Matt me rattrapa en courant.

« - Attends quoi, sans rigoler Axelle, tu veux toujours aller lui parler ? »

Je l'ignorai.

« - Cornelia au cachot, t'imagines ! Haha, si on me l'avait dit plus tôt, je l'aurais pas cru une seule seconde. Cornelia au cachot... »

MirlewnaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant