-Erwan ?
-Oui ?
J'inspire profondément.
-J'ai encore appris quelque chose sur mon passé, récemment.
Je sens aussitôt son corps se raidir entre mes bras : il sait à quel point mon passé est noir.
-Dis-moi...
-C'est Clara qui me l'a appris. Elle m'a révélé qui était mon père.
Sa main attrape la mienne, mes doigts se crispent sur les siens. J'avale péniblement ma salive.
-Ma mère...a été violée par son frère. Je suis le fils de mon oncle.
-Mon dieu, T...
Il me serre contre lui à m'en briser les os et j'enfouis mon visage dans son cou. Son odeur m'avait manqué, son corps m'avait manqué, tout en lui m'avait manqué. Son absence m'avait fait mal à un point que personne ne peut imaginer.
-Je suis vraiment désolé, me murmure-t-il.
-C'est moi qui le suis. Si j'avais eu une famille normale, jamais je ne t'aurais fait subir tout ça.
Je tremble à nouveau et je sens les larmes me monter aux yeux. Putain de faiblesse...La bouche d'Erwan vient boire mes larmes, m'envoyant des décharges dans tout le corps. Jusqu'à ce que je m'effondre contre lui, incapable de retenir mes sanglots.
-Je suis désolé...Tellement désolé...
Je sens ses bras me serrer plus fort.
-Ce n'est pas ta faute, T. C'est Doyen qui t'a conditionné ainsi, tu n'y es pour rien.
Né d'un viol doublé d'un inceste triplé d'un accouchement sous X : voilà à quoi se résume mon histoire.
Et comble de l'ironie, c'est ma faute si Loris a menacé Erwan.
-Quoi ?
Je me mords aussitôt la lèvre : je ne m'étais pas rendu compte que j'avais prononcé cette phrase à voix haute.
-Tu ne me le pardonneras pas...
-Si. Explique-moi.
-J'étais ivre, ce soir-là. Quand il m'a demandé ton numéro, je le lui ai donné sans réfléchir. Je ne pensais pas qu'il s'en prendrait à toi.
-Tu n'avais pas conscience de ce que tu faisais, ce n'est pas ta faute, me rassure aussitôt Erwan.
-Je suis un monstre...
Je sens aussitôt sa main me prendre le menton pour me forcer à le regarder.
-Je t'interdis de dire ça. Ne laisse pas ton tuteur avoir raison. Tu n'es pas mauvais, T, et je défierai quiconque essaiera de me dire le contraire. C'est la faute de Doyen si tu en es là. De Doyen et de personne d'autre.
Je repose ma tête contre son torse.
-Merci...
-J'aurais...une autre question à te poser.
-Je t'écoute.
-Pourquoi n'as-tu jamais porté plainte contre lui ? Tu es majeur, tu avais le droit de le faire.
-Parce que j'avais peur des conséquences, je réponds aussitôt. Peur de ce qu'il pouvait me faire.
-La peur est humaine, murmure Erwan.
Il me comprend décidément mieux que personne.
-Ton initiale...est-ce lui qui te l'a imposée ?
-Non. C'est moi et la seule bonne action qu'il a faite dans sa vie aura été de m'obtenir l'accord du juge et de nouveaux papiers. Je devais avoir une dizaine d'années lorsque le changement a été mis en place.
-Pourquoi as-tu voulu changer ?
Je souris.
-Je suis surpris que tu ne m'aies pas posé toutes ces questions avant.
-Je n'osais pas, me répond-il en rougissant.
Je pousse un profond soupir.
-C'est ma mère qui m'a donné mon vrai prénom et elle m'a abandonné. C'est pour rompre avec elle que j'ai pris cette initiale.
