Est-ce que quelqu'un peut m'expliquer ce que je fais ici ? Non, parce que franchement, je ne le sais pas moi-même. Qu'est-ce qui m'a pris de revenir ici ? Suis-je vraiment si désespéré ? Il faut croire que oui. Sinon, je ne serais pas au Chat Noir à une heure du matin, en train d'enfiler des shots de vodka.
Le Chat Noir était ma période d'avant Erwan. J'y allais pour oublier ce que j'avais fait subir aux autres et oublier ce qu'il m'avait fait subir. Aujourd'hui, je veux oublier ma douleur.
-T ?
Je tourne la tête.
-Ça fait une éternité que je ne t'ai pas vu ici ! Où étais-tu passé ?
Loïc. L'un de ceux qui ont connu les "deux mois". J'avale un énième shot.
-J'avais une relation stable.
-Quoi ? Toi ?
-Oui, moi.
-Je ne l'aurais jamais cru !siffle Loïc, visiblement surpris et admiratif. Comment s'appelle-t-il ?
-Erwan.
Son prénom provoque aussitôt l'accélération de mon rythme cardiaque.
-Et que s'est-il passé ?
Je serre les poings.
-Il m'a quitté, voilà ce qui s'est passé !je m'écrie.
Il devrait pourtant savoir que T + alcool ne font pas bon ménage. Si on y ajoute la douleur et la violence dont je peux faire preuve lorsque je suis sobre, le résultat de l'opération ne peut qu'être mauvais.
-Ho !s'exclame-t-il aussitôt en levant les mains en signe de défense. Du calme, mec ! Allez, viens danser, ça te fera du bien !
Il me prend la main et mon corps alcoolisé le suit en trébuchant. Sur la piste de danse, nos corps se rapprochent, nos bouches se joignent, nos souffles se mêlent.
Je n'en reviens pas de ce que je suis en train de faire. Mais la vodka agit pour moi et je ne parviens pas à résister. Je passe mes mains dans ses cheveux châtains, plonge mon regard dans ses yeux bleus.
Non, je me dis aussitôt. Ce n'est pas Erwan. Pas Erwan, pas Erwan, pas Erwan !
Je continue de l'embrasser avec passion. Je dois oublier Erwan. Il est avec Thibault, il n'a plus besoin de moi. Je sens Loïc gémir sous mon baiser et je me reconcentre sur la réalité.
Mais soudain, une main me tire violemment en arrière et un corps se place entre Loïc et moi.
-Toi, dit une voix que même mon cerveau alcoolisé reconnaîtrait entre mille, tu le lâches immédiatement ! Il n'est pas à toi, compris ? Et toi, ajoute-t-il ensuite en me tirant par le bras, tu viens avec moi !
Je le suis en titubant, m'accrochant à lui pour ne pas tomber.
-Hé ! Je passais une bonne soirée ! Qu'est-ce qui te prend ?
Sans répondre, il me flanque dans sa voiture, attache ma ceinture et claque la portière, avant de venir s'installer sur le siège conducteur. Il est vraiment énervé...
-Une bonne soirée ? En buvant des verres et en embrassant des mecs pour oublier Erwan ? J'espère que tu plaisantes !
Je me tais. S'il y a au monde un garçon à qui je suis incapable de mentir et sur qui je peux toujours compter, c'est bien Antoine...
