Chapitre 54

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Depuis combien de temps Erwan est-il prisonnier ? J'ai cessé de compter les jours. C'est comme si le temps n'existait plus.

Depuis ma tentative de suicide, Clara me garde chez elle et m'a formellement interdit d'aller en cours. Elle a peur et je la comprends.

J'ai le sentiment d'être vide. Je ne parle presque plus, je ne mange plus, quant au sommeil, n'en parlons pas. Je hurle dès que je m'endors parce qu'il continue de battre Erwan et lorsque je me réveille la nuit ou le matin, je suis hanté par son emprisonnement. Ce n'est plus une vie : c'est une survie. Je ne sais pas si je vais pouvoir tenir longtemps ainsi.

Clara n'avait pas prévenu la police lors de ma fugue : de la même manière, elle a compris mon désir de ne pas l'appeler concernant Erwan. Et la mère de celui que j'aime a visiblement eu la même peur que moi : celle que Thibault lui fasse du mal en se sentant menacé.

Je réfléchis, cherche une solution. En vain. Mon esprit tourne en boucle, je suis une fois de plus pris dans un cercle infernal dont je ne parviens pas à m'extraire.

J'ai pour le moment renoncé à aller voir Erwan. Tant que je n'aurai pas de preuve solide concernant la violence et la perversité de Thibault, toute tentative de convaincre mon ex-petit ami serait vaine.

Mais je ne l'abandonnerai pas. Jamais. Je serai là dès qu'il aura besoin de moi. Qu'il m'appelle : je courrai vers lui. Pensée inutile : je sais très bien qu'il ne m'appellera pas. Il se croit en sécurité avec Thibault. Il est persuadé que je suis le prédateur et que Thibault est la proie. Comment lui faire comprendre que c'est en réalité le contraire ?

Je me souviens encore de la fois où Thibault avait enfermé Antoine en prétendant le protéger de ma séduction. Là encore, il avait affirmé que Louise l'avait quitté, jouant la victime pour mieux attirer Antoine dans ses filets. Evidemment, la séduction avait fonctionné. Thibault l'avait apprise à mes côtés et il avait su l'utiliser à mauvais escient. Antoine était tombé sous son charme, me haïssant comme Erwan me hait à présent, et avait baissé toutes ses barrières de méfiance, à mon plus grand effroi. Le jeu ne fait qu'ouvrir des brèches dans lesquelles Thibault sait habilement s'engouffrer. Il est à la fois ma force et ma faiblesse. Et Thibault parvient je ne sais comment à utiliser la seconde pour briser la première.

Putain, il faut que je sorte Erwan de là, sinon je suis bon pour l'hôpital psychiatrique. Si j'y vais, je serai avec lui. Hors de question, je refuse de le revoir ne serait-ce qu'une seconde. La dernière fois m'a suffi, merci.

Clara ne cesse de me demander si je vais bien. Que répondre ? Mes lèvres lui disent « oui », mon esprit lui hurle « non ». A mon avis, elle se doute de la seconde réponse, mais elle a la décence de ne pas m'interroger davantage. Elle finit par me proposer une soirée télévision-tisane. Elle semble tellement soucieuse de me changer les idées que je n'ai pas le cœur de refuser. Je m'installe près d'elle sur le canapé, je pose ma tête sur son épaule, tandis qu'elle passe son bras autour des miennes. Nous sirotons notre tisane en regardant La Grande Vadrouille. Louis de Funès parvient à me dérider un peu et je vois Clara sourire, visiblement soulagée.

Séduction Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant