Lorsqu'on frappe à ma porte pour ce qui me semble être la millième fois, je me garde bien d'aller ouvrir.
Jusqu'à ce que j'entende sa voix.
-T, c'est Erwan. Ouvre-moi, s'il-te-plaît.
Les rôles s'inversent...Je suis tellement stupéfait que je ne parviens pas à bouger.
-Je sais que tu es là. Je suis désolé. Désolé pour tout. Je t'en supplie, ouvre-moi.
Putain. Mon cœur se met à battre. Trop vite. Trop fort. Je me lève, attends un peu que la pièce finisse de tourner et je marche lentement vers la porte. Je l'ouvre. Et nos regards se croisent.
Ses yeux bleus me coupent le souffle, je me cramponne à la porte pour ne pas tomber. Je le vois écarquiller les yeux.
-Depuis combien de temps n'as-tu pas mangé ?
-Quatre jours, je réponds vaguement. Ou cinq, je ne sais plus.
Il se mordille la lèvre.
-Je suis vraiment désolé...Je m'en veux tellement...
-Moi aussi. Oublie, d'accord ?
Je tremble de plus en plus.
-Je peux entrer ?
Je m'écarte pour le laisser passer et ferme la porte derrière lui. Il pointe mon lit du doigt.
-Assis-toi.
Je suis tellement faible que j'obéis presque avec joie. Je ferme les yeux pour ne plus voir mon studio tourner. Je l'entends utiliser le micro-ondes – est-il vraiment en train de s'occuper de moi ? Ou n'est-ce qu'un rêve dû à mon cerveau affaibli ?
-Tiens, T.
Je frémis et ouvre les yeux. Non, ce n'est pas un rêve, il est bien là, devant moi, avec une assiette de pâtes.
-Mange lentement, d'accord ?
Je m'exécute. Je n'arrive toujours pas à croire qu'il soit là. Ça paraît tellement dingue. Il m'avait pourtant bien dit qu'il voulait rompre définitivement. Je ne parviens pas à comprendre ce qui a pu le faire changer d'avis. Quoi qu'il en soit, j'en suis heureux. Je respire à nouveau. Je vis à nouveau, même si nous ne sommes plus ensemble. Le revoir après tout ce temps me fait un bien fou.
-Pourquoi es-tu venu ?je demande doucement.
Il se méprend sur le sens de ma question.
-Tu veux que je m'en aille ?
-Non !
Je n'ai pas pu m'empêcher de m'exclamer. Non, je ne veux pas qu'il parte, ça me tuerait à nouveau.
-Je t'en supplie, reste...
Mon ton suppliant vient peindre ses yeux d'un profond désespoir.
-Je reste, T, ne t'inquiète pas, me rassure-t-il d'une voix dont la douceur vient panser mes plaies.
Je ferme les yeux.
-J'ai besoin de toi. Même si cela signifie ne pas te toucher. Je m'en fiche. J'ai failli mourir en étant loin de toi, je ne veux pas recommencer. Je sais que...que tu ne ressens plus ça pour moi, mais...je voulais que tu le saches.
Il se tait, tandis que je continue de mettre mon cœur à nu.
-Je ne peux pas. Je ne peux pas rester loin de toi. Je ne peux plus vivre sans toi.
Lorsque je rouvre les yeux, je le vois me regarder sans trembler.
-Séduis-moi.
