Chapitre 20

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-Thibault m'avait dit que tu avais menacé tous ceux qui avaient fait des recherches à ton propos. Est-ce vrai ?

Je baisse les yeux.

-Oui, c'est vrai.

-Mais dans ce cas...

Il s'interrompt et je relève les yeux, surpris. Il se mord la lèvre, visiblement gêné.

-Oui ?

Je l'encourage. Il faut vraiment qu'il cesse d'être timide avec moi. En même temps, sa timidité le rend craquant. Et je reconnais ne pas être facile d'accès.

-Tu veux savoir pourquoi je n'ai pas fini en prison.

Il hoche la tête en ouvrant de grands yeux effarouchés.

-Grâce à lui, je déclare alors. C'est lui qui m'a évité la prison. Il m'a protégé parce qu'il avait besoin de moi pour son jeu.

-Pervers jusqu'au bout...

J'acquiesce. Oh oui, il a beau avoir souffert, il reste pervers. Et je suis soudain assailli d'un doute : le suis-je autant que lui ? Ai-je éprouvé du plaisir à jouer ? A faire souffrir mes partenaires ? La réponse fuse dans mon esprit : non. Non, rien dans le jeu ne m'a réjoui, si ce n'est la séduction et le temps de bonheur que j'ai vécu avec mes victimes. Si j'ai joué, c'est uniquement parce que j'avais peur de lui, de sa violence. Je me souviens de ses coups de ceinture qui me flagellaient inlassablement. Je me souviens de ses coups de poings, de ses coups de pieds qui frappaient mon dos, mon ventre, mes jambes, tandis que je tentais de me protéger le visage. De sa rage tournée contre Clara lorsqu'elle s'efforçait de me sauver. Sur tout ce qui s'est passé avec lui, ce souvenir-là demeurera sans doute le pire. Parce qu'elle tentait de me défendre et que, lorsqu'il s'en prenait à elle, j'étais tout simplement incapable de réagir. Ne croyez pas que je n'en ai pas honte : aujourd'hui encore, j'ai envie de me gifler lorsque j'y repense. Je donnerais n'importe quoi pour revenir en arrière et être plus fort, pour avoir la force nécessaire à sa défense et à sa protection. Mais il est trop tard, à présent. A cause de ma faiblesse et de sa folie destructrice, elle n'arrivera plus jamais à aimer. Il l'a brisée comme il m'a brisé moi, sans états d'âme ni désir de repentir. Imposez un jeu à un enfant. S'il refuse, battez-le. Il se pliera à vos volontés.

-T ?

Je sursaute et reviens à la réalité. Erwan me regarde, l'air inquiet.

-Est-ce que tout va bien ?

-Je...

Je déglutis.

-Suis-je aussi pervers que lui ?

Ma voix se brise et je me mets à trembler.

-Je...Je n'ai jamais défendu Clara, Erwan. Jamais je ne l'ai défendue contre lui, jamais je ne l'ai protégée de sa violence. Je suis un monstre, un être sans cœur.

Et j'entends à nouveau ses mots : « Tu es un incapable ! Ta mère a eu raison de t'abandonner ! ».

-Il avait raison : ma mère a bien fait de m'abandonner. Je ne mérite l'amour de personne.

-Arrête.

Les doigts d'Erwan me prennent le menton pour me forcer à le regarder.

-Ne dis plus jamais ça, T. Plus jamais.

Et lorsqu'il m'embrasse, j'oublie tout.


Séduction Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant