La fête bat déjà son plein dans le bar. La musique hurle - une fois n'est pas coutume - et les stroboscopes m'éblouissent.
Le Chat Noir est immense. Au fond se trouve le comptoir, illuminé de néons bleutés. Des tables, des chaises et des tabourets ont été poussés contre le mur pour laisser la place à la piste de danse - il n'en reste que quelques-uns devant le comptoir, pour permettre aux gens de boire assis. A l'arrière se trouve une piscine - quelqu'un peut-il m'en expliquer l'utilité ? Et comment suis-je censé retrouver Erwan ? Le bar est noir de monde !
Je suis Antoine à travers la foule jusqu'au comptoir. Il commande un shot de vodka ; moi, un verre de jus de fruits. Je sais, c'est naze. Mais je refuse d'être ivre en présence d'Erwan.
Calme-toi et concentre-toi !
Je le repère enfin lorsqu'il arrive au bar en compagnie de Thibault et Léna. Et je n'ai soudain qu'une envie : disparaître sous terre. A mon grand soulagement, tous trois prennent leurs boissons et vont sur la piste de danse. Je garde les yeux rivés sur le garçon que j'aime en me demandant soudain si je parviendrai à ne pas casser tout de suite la figure du premier mec qui l'approchera. Je le regarde boire son verre d'alcool en riant avec Thibault et je serre les poings. Qu'il boive, pas de problème, ça me donnera une excuse pour être à nouveau avec lui. Qu'il soit proche de Thibault, en revanche, me fait rager. J'inspire profondément. Ne pas s'énerver. Surtout, ne pas s'énerver, sinon Thibault va finir à l'hôpital. Un autre mec arrive près d'eux. J'entends Erwan rire et je le vois soudain...se rapprocher de lui ! Le garçon passe un bras sur ses épaules, Erwan se laisse aller contre lui.
Je vois rouge. La main d'Antoine sur mon épaule, qui me force à me rasseoir, me fait prendre conscience que je m'étais levé - aveuglé par la colère, je ne m'en étais pas aperçu.
-Pas maintenant, T. Pas encore.
Mes yeux refusent de quitter Erwan, je me mets à trembler de rage et de désespoir. Erwan qui rit avec un autre. Erwan dans les bras d'un d'autre. Cette vision m'est insupportable.
-Je vais le tuer, Antoine. Je vais craquer.
-Pas d'action tant qu'il ne s'est rien passé entre eux !m'avertit Antoine.
Je craque.
-Mais que te faut-il de plus ?je m'exclame. Un baiser ? Un dépucelage en pleine fête ?
-Un baiser, me répond calmement mon ami. S'il l'embrasse, tu passes à l'attaque. Pas avant.
Je tente vainement de me calmer, sans lâcher Erwan du regard. A combien de verres en est-il ? Tout mon corps est tendu, j'en oublie presque de respirer.
Et soudain, c'est le signal. Leurs visages se rapprochent, leurs lèvres s'effleurent.
Je perds tout contrôle.
Avant d'avoir pu réaliser ce que je suis en train de faire, je suis debout près d'Erwan et l'arrache aux bras de son prétendant. Un seul regard vers la piscine et j'en comprends soudain l'utilité. Je le pousse dedans, avant d'y plonger à mon tour. Lorsque je remonte à la surface en même temps que lui, je m'avance en lui lançant un regard de prédateur.
