Erwan est paniqué et haletant. Que lui a fait Loris ? Si jamais il l'a touché...
Calme-toi !
Je lui sers un verre d'eau et le force à s'asseoir. Puis, je m'installe en face de lui. Il est pâle.
-Que t'a-t-il fait, Erwan ?
Il tremble. Je lui prends les mains et les serre dans les miennes.
-Dis-moi.
Je n'ai pas le temps de reprendre mon souffle qu'il se jette dans mes bras. J'inspire et le serre contre moi en le massant pour calmer ses tremblements.
-Je t'en supplie, parle-moi.
Son silence m'angoisse.
-Il t'a touché ?
S'il lui a fait du mal...
-N...Non. Il m'a menacé de me tuer.
-Quoi ?
-Il m'a dit que tu l'avais battu et il a décidé de se venger sur moi.
Je me revois. Je me revois plonger sur Loris pour lui infliger ce qu'il m'a fait subir. Je n'ai pas été fichu de me contrôler. Ni de lui pardonner d'avoir révélé le jeu à Erwan.
Stupide. J'ai été stupide. J'aurais dû me douter qu'il se vengerait sur mon copain. Foutu manque de contrôle !
-J'aurais dû me contrôler, je soupire. Si je ne m'en étais pas pris à lui, il ne se serait pas vengé sur toi.
Je suis pris dans un cercle vicieux. Un cercle infernal de violence. Il m'a fait subir sa violence parce que son beau-père le battait et je m'en prends aux autres à mon tour. Ce maudit cercle aura-t-il un jour une fin ? Je pense que seul Erwan pourra le briser. Parce que Loris s'en prend à lui pour se venger de moi, mais je doute que mon petit ami s'en prenne à qui que ce soit un jour.
Je frissonne lorsque la main d'Erwan vient frôler ma joue.
-Ce n'est pas ta faute, T, murmure-t-il. C'est Doyen qui t'a battu, c'est à lui que revient la responsabilité.
-Si tu raisonnes ainsi, il n'est pas responsable non plus.
-Le beau-père et l'asile...J'avais oublié.
C'est Clara qui m'avait expliqué ce qui lui était arrivé. Lorsqu'elle me l'avait annoncé, j'avais presque eu envie de le plaindre. Presque. Je n'ai jamais pu lui pardonner ce qu'il m'a fait subir et je ne sais pas si je parviendrai à lui pardonner un jour.
-Puis-je te poser une question ?
Je reporte mon attention sur Erwan.
-Oui, bien sûr.
-Combien y'en a-t-il eu avant moi ?
-Es-tu sûr de vouloir savoir ça, Erwan ?
-S'il-te-plaît.
Je soupire.
-Neuf. Dont cinq qui ne s'en sont jamais remis.
Emery est en asile, Romain est en thérapie, Martin est en dépression. Quant à Loris et Thibault...nul ne sait où la folie les mènera. Je les ai tous brisés par sa faute.
-Tu regrettes ?me demande doucement Erwan.
-Tu n'imagines même pas à quel point...Mais il est trop tard, à présent.
-Etais-tu...amoureux d'eux ?
-Non, je réponds honteusement. Le seul que j'ai jamais aimé était Antoine. Je les ai séduits et j'ai joué avec eux sans avoir eu une once d'amour à leur égard. Alors, cesse de chercher la bonté en moi.
Pour toute réponse, je sens sa main se poser sur mon cœur qui s'affole aussitôt.
-Tu es bon, T. Tu es perdu et malheureux, tu souffres et ton passé est sombre, mais je sais que tu es bon.
Dans mon passé noir brûlent les flammes de la douleur. Dans mon avenir blanc brille un soleil auréolé d'amour.
Puisse mon présent être gris comme une pluie qui éteindrait les flammes sans faire fuir le soleil.
