Chapitre 43

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Je sais que Thibault est absent : il est parti rejoindre Léna après les cours, laissant Erwan livré à lui-même.

-S'il-te-plaît...J'ai besoin de savoir que tu vas bien.

-Je vais bien, fiche-moi la paix.

Sa phrase me brûle, mais je ne bouge pas.

-Vous êtes ensemble ?je murmure. Je veux dire vraiment ensemble ?

-Oui, réplique-t-il sèchement – sa réponse me gifle. Je suis bien avec lui, je n'ai plus besoin de toi.

-Erwan...

-Va-t'en, T, laisse-moi tranquille ! Je veux que tu sortes de ma vie, c'est clair ?

Ses mots sont des aiguilles de glace et j'en demeure bouche-bée d'horreur. Je veux que tu sortes de ma vie. Putain, comment en est-on arrivé là ?

Je sais que je n'aurais jamais dû venir. Mais en même temps, je sais que je ne renoncerai pas. Même si je le voulais, je ne pourrai pas sortir de la vie d'Erwan. Pour la simple et bonne raison qu'il est devenu la mienne. Il est ma vie.

Le cœur lourd, je quitte l'immeuble et m'enfonce dans la nuit. Je ne peux pas retourner à la résidence : elle me rappelle trop celui que je suis en train de perdre. Et je ne peux aller ni chez Clara ni chez Antoine ni chez aucun autre de mes amis. Enfin, je pourrais, mais je ne veux pas. J'ai besoin d'être seul.

Je marche. Sans savoir où je vais. Je remonte la rue de la Liberté, avant de la quitter pour aller me perdre dans le dédale des petites rues dijonnaises.

Je veux que tu sortes de ma vie, c'est clair ?

Non, Erwan, ce n'est pas clair. Deux mois et quatorze jours de jeu, ce n'est pas rien pour moi. Jamais je ne suis resté aussi longtemps avec un partenaire, jamais je n'ai autant souffert pour quelqu'un et jamais je n'ai encore eu un tel désir de quelqu'un. Alors non, ce n'est pas clair et non, je ne peux pas sortir de ta vie comme ça, du jour au lendemain.

Mon téléphone sonne, je l'éteins sans même savoir qui cherche à me joindre. Je ne veux parler qu'à une seule personne, mais la personne en question ne veut plus de moi. Je suis seul. Livré à moi-même. Et c'est peut-être mieux ainsi...

Mes pieds me conduisent à la Place de la Libération. Elle est vide et sombre, malgré les néons du sol et les lumières du palais des ducs de Bourgogne. Je m'assois sur le bord du bassin et contemple en silence le miroir liquide. Perdu dans mes pensées, perdu dans ma douleur. Le désespoir resserre ses doigts glacés sur ma gorge, me faisant suffoquer. J'étouffe. J'ai mal. J'ai peur. Je ne peux plus. Je ne peux plus vivre ainsi. C'est trop dur. Le manque est trop douloureux. Et je réalise soudain qu'il avait raison. S'il m'a interdit de m'attacher à mes partenaires, c'est parce qu'il savait que je souffrirais de leur perte un jour ou l'autre. Il a voulu me sauver de cette douleur et je n'ai pas su l'écouter. A présent, il est trop tard. Erwan est trop profondément ancré dans mon cœur, à tel point que je ne pourrai jamais l'en déloger.

Partir. Je dois quitter cette ville. Quitter cette vie dans laquelle Erwan ne sera plus jamais présent.

Oui, je dois partir. Maintenant. Dire adieu à tous ceux que j'aime.

Partir pour ne plus jamais revenir.


Séduction Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant