Chapitre 45

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Mon rire diabolique sortit haut-parleurs. L'écran affichait une image noire embrumée. Le brouillard blanc se transforma rapidement en écriture : « Ashley ... Ton règne s'achève aujourd'hui ... ». Je tournais rapidement la tête vers la principale intéressée qui blêmit. Un sourire satisfait se dessina sur mes lèvres. Une bribe de la Chevauchée des Walkyries de Wagner annonça la transition. Une vidéo de la pom-pom girl se lança. Sur cette dernière, on l'entendait insulter son équipe les traitant de moins que rien et de bras cassés. La musique se relança, introduisant des captures d'écran de messages échangés entre Ashley et sa meilleure amie Savannah, qui étudiait déjà à l'université. Cela était l'œuvre de Thomas dont les compétences en informatique n'avaient fait qu'une bouchée du MacBook de notre cible. On pouvait ainsi y lire sa haine envers ses chères coéquipières et son mépris pour les membres de l'équipe de football et de Lacrosse. Wagner reprit sur un fond noir où nous avions écrit « Ashley, une sainte ? ». La vidéo suivant cet écran apparue tel un choc. On y voyait la reine du lycée courir dans le parc et s'arrêter soudainement devant un homme qui lui offrait un sachet de poudre blanche. Cette vidéo était notre première mission et elle fit son effet. Tous les regards se tournèrent vers la pom-pom girl qui ne souhaitait qu'une chose disparaître. Le fond noir réapparu ainsi que la fumée blanche, mon rire diabolique couvrant la musique de Wagner. « On ne récolte que ce que l'on sème ... » annonçait la fin de notre vidéo qui se concluait sur une dernière photo de notre victime, le soir de sa fête, complètement déchirée, en train de danser sur la table. Certains spectateurs rirent, d'autres restèrent bouche-bée et finalement le silence se fit dans le stade. Un frisson parcouru mon échine. L'ambiance laissait à penser que quelqu'un venait de mourir.

Soudain, Ashley se retira en courant. Elle pleurait silencieusement. Étrangement, je ne ressentais aucune satisfaction à l'avoir affichée et blessée de la sorte. Peter, lui, était rayonnant. Sourire satisfait au visage et yeux pétillants, il savourait sa victoire.

L'écran se ralluma, diffusant la publicité qui aurait dû être présenté dès le début. « Cet incident n'est en aucun cas l'œuvre des organisateurs de cette rencontre sportive ou de n'importe quels salariés de l'établissement. Le ou les coupables de cette perturbation seront trouvés et punis. Nous accordons un quart d'heure de pause supplémentaires à nos joueurs dû à cette situation exceptionnelle. » Mon cœur manqua un battement à l'écoute de cette annonce. La voix du proviseur se voulait menaçante et cela fonctionna à merveille sur moi. Je n'avais qu'une envie : me rendre.

Mon expression devait me trahir puisque Peter posa sa main sur mon épaule avant d'ajouter : « Tout va bien Lindsay. Personne ne sait que c'est nous et ils ne le seront jamais. Elle a eu ce qu'elle mérite. » Je n'en étais plus sûre. Nous l'avions brisée et je m'en voudrais toujours si quelque chose de grave lui arrivait. Pourtant, je la détestais. Profondément. D'une haine si forte, que je ne pouvais plus la voir sans ressentir un dégoût profond. Mais je n'arrivais pas à savourer cet instant. Un gout amer restait en moi. Je n'avais aucune explication à cela mais la faire souffrir me faisait plus de mal que de bien. Soudain, le regard de Tyler se posa sur moi. Un regard dur et méprisant. Son océan de jade s'était transformée en bloc de glace. Il secoua la tête de dégoût et couru dans la même direction qu'avait pris Ashley pour s'enfuir. Le sol se déroba sous mes pieds. Je venais de tout perdre. Mon petit ami, mon avenir au sein de ce lycée et donc, ma possible entrée à l'université ainsi que mon amour propre. Je me sentais salit. Où était passée la Lindsay gentille et enjouée du début d'année ? En ce début de décembre, je m'assimilais à la reine des glaces. Froide et sans cœur. Peter me proposa de partir mais sa voix me semblait lointaine et inatteignable. Je ne pouvais pas bouger, tétanisée par le regard de Tyler et par la culpabilité. Comment pourrais-je me racheter ? En était-ce encore possible ?

Je voulais rester jusqu'à la fin du match afin d'avoir une chance de m'expliquer auprès de Tyler. Mais lorsque la rencontre reprit, aucuns signes du quaterback. Il était d'ailleurs remplacé sur le terrain par Georges Hulton, un élève de terminale qui était le second de l'équipe. Mon cœur se serra. Je frissonnais et le froid me frappa soudainement. Ma respiration s'accéléra et ma vue se brouilla. Je me sentis vaciller et Peter me rattrapa de justesse. J'avais besoin d'air. Vite. Il me prit par la main et me fit descendre les marches des gradins. Arrivés au parking, il me fit m'asseoir sur le capot de sa Porsche et me tendit un sac.

« - Respire dedans, ça t'aidera à retrouver un rythme cardiaque et respiratoire normal » m'ordonna-t-il d'un ton assuré. Je m'exécutais sans réfléchir. Il alluma une cigarette tandis que j'essayais de retrouver mes esprits. Au bout de cinq minutes, je me sentais un peu mieux. Je rendis le sac à Peter. Soudainement, et sans savoir pourquoi, je fus prise d'un fou-rire incontrôlable. Je riais à gorge déployais, hystériquement, semblable à une psychopathe échappée de l'asile. J'en pleurais. Ses larmes se transformèrent en tristesse et je me mis soudainement à pleurer à chaude larmes devant le regard médusé de Peter, qui, pour le coup, ne savait comment agir devant mon comportement. J'étais dans un véritable ascenseur émotionnel qui était devenu incontrôlable. D'un coup, mes larmes cessèrent et je restais stoïque sur le capot de la luxueuse voiture. Peter osa enfin s'approché de moi. Il avait terminé sa cigarette depuis cinq bonnes minutes mais l'odeur de tabac flottait toujours dans l'air.

« - Je te ramènes chez toi ? me demanda-t-il, incertain

- Non, il faut pas que mon frère me voie comme ça, il va s'inquiéter et ... la panique m'envahissait et je ne pouvais finir ma phrase, les mots se mélangeant dans ma tête.

- D'accord, calme toi. Je t'emmène chez moi, mes parents ne poseront pas de questions. Tu vas prendre une douche chaude et te reposer, je te ramènerais ensuite. » dit Peter tout en me portant jusqu'au siège passager.

Il mit le contact et démarra son puissant bijou. Pour une fois, la musique ne retentit pas dans l'habitacle et cela me soulagea. J'avais besoin de calme. J'étais rincée par ce surplus d'émotions et incapable de supporter du bruit. Le reste du trajet se fit en silence, mes pensées divaguant vers Tyler et Ashley qui devait déjà savoir que nous étions les coupables. 

Lindsay, la vie et elleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant