Chapitre 5

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Je mis du temps à trouver le sommeil, malgré ma fatigue. Les mêmes images passaient en boucle dans ma tête. J'analysai chaque paroles échangées avec Maël, y cherchant la moindre trace d'intérêt, un sous-entendu quelconque, mais rien de claire ne m'apparut. J'essayai de chasser la midinette qui s'accrochait désespérément, sans y parvenir tout à fait...

Le lendemain, samedi, je tournai en rond dans mon petit studio de 20m carrés, le paquet posé sur ma table basse, mais refusant d'y toucher. Je finis par pousser un grand soupir, repoussai mon ordinateur et appelai Maryline.

― Allô, Céline ?

― Allô, docteur Maryline, S.O.S. Conseil des cœurs ? C'est pour une urgence s'il vous plait !

Mon amie s'esclaffa au bout du fil, puis demanda :

― C'est quoi le problème ? Tu as fini par craquer sur ton prof d'histoire ?

― Science éco. Et non, ce n'est pas lui. C'est un peu compliqué...

― Vas-y raconte, je n'augmenterai pas mes honoraires.

Je lui relatai par le menu tout ce qui s'était passé depuis notre dîner deux jours plus tôt.

― Hum-hum. Il m'a l'air quand même bien chelou, ton Maël !

― Je suis arrivée au même diagnostique, mais mon cerveau ne veut rien entendre.

― Tu es sûre que c'est ton cerveau, et pas le cœur ?

― Oui, quand même, je n'en suis pas là ! protestai-je en riant.

― Mais si tu ne le supportes pas, pourquoi il t'attire ?

― En fait... Si je l'ai trouvé agaçant hier soir, c'est surtout parce que j'étais de mauvaise humeur, je crois. Ses bourrins de copains s'étaient bien moqués de moi, ça m'avait soûlée. Et puis il a commencé par se moquer à nouveau de Yann ! Vraiment, je n'étais pas d'humeur à supporter ses bêtises. Il a dû s'en rendre compte, car il n'a pas insisté !

― Et aujourd'hui ? Maintenant que tu es d'une humeur angélique... ?

― Eh bien je trouve que sa gaîté est plutôt communicative. En y repensant, ça me fait sourire. Il s'est montré un peu lourd, mais en temps normal ça m'aurait plutôt fait rire, au lieu de m'agacer.

― Hum. Tu es sûre de ne pas vouloir retenter ta chance avec le brun ténébreux ? Il a l'air plus équilibré, quand même ?

― Je sais...

― Au pire, si vraiment tu n'en veux pas, tu peux toujours me le présenter !

― Ça marche ! fis-je en riant. Je vais attendre un jour ou deux, et puis je lui proposerai de se revoir. Entre amis. Tu pourras venir, d'ailleurs !

― Avec plaisir ! Mais si tu veux un conseil, va le trouver d'abord, seule. Demande-lui entre quatre yeux ce qui s'est passé avec son frère. Une simple jalousie de gosse ne peut pas donner un bordel pareil ! Il faut que tu saches à quoi t'en tenir sur ces deux-là. Comme ça, si ton Maël est réellement un enfoiré, tu seras fixée.

― Ouais, ok... Je vais voir.

― Tu me diras ce qu'il en est, hein ?

― Oui t'inquiète !

***

Je préférai toutefois laisser passer quelques jours avant de rappeler Yann, je ne voulais pas avoir l'air de lui sauter dessus. Vendredi prochain peut-être, pour lui laisser le temps d'oublier un peu mon refus.

Quand je quittai la bibliothèque le jeudi soir, vers 17h, je vis arriver vers moi un jeune homme aux cheveux blonds, courts et bouclés. Des lunettes légères, une veste repassée sur un pantalon de toile et des chaussures bateau, c'était mon discret prétendant qui revenait. Il était si gentil que je n'osais le rembarrer, mais il allait vraiment falloir que je songe à être plus explicite.

― Bonjour Céline, me salua-t-il de sa voix douce. Comment allez-vous ?

― Je vais bien, merci, souris-je.

Nous nous dirigeâmes ensemble vers la sortie de la fac.

― Puis-je vous inviter à prendre un café ? Ça fait longtemps que je ne suis pas venu vous voir, mais ce premier moi de rentrée a été très chargé...

― Je comprends, ne vous en faites pas ! Pas de soucis.

J'omis volontairement sa question.

― Et pour ce café, ça vous tente ?

Les portes étaient en vue, il fallait vite que je trouve une excuse.

― Je suis désolée Jérémy, mais ce soir j'ai rendez-vous avec une amie. Je dois la rejoindre tout à l'heure...

― C'est dommage... Demain soir, peut-être ?

― Je finis tôt demain...

― Ce n'est pas 19h30, le vendredi ?

Mais il connaissait mon emploi du temps par cœur ??

― Si, d'habitude, mais là...

En sortant de l'établissement, je m'interrompis soudain. Là, sur le trottoir d'en face, une moto était garée contre le mur. Appuyé à cette moto, Maël fumait une clope en surveillant l'entrée. Je me figeai, stupéfaite. Il sourit en m'apercevant, et jeta son mégot à terre, au milieu d'une dizaine d'autres.

― Excusez-moi, dis-je distraitement à mon compagnon, en fait, il s'agit d'un ami...

― La personne avec la moto ? C'est votre... ?

― Non, non, juste un ami ! À bientôt !

Je le laissai là sans le regarder et traversai la route à pas vifs. Maël m'accueillit avec un grand sourire, les mains dans les poches de son blouson marron, cheveux attachés en queue-de-cheval. Une légère odeur de tabac l'accompagnait, qui se dissipa rapidement.

― Tu es au courant que des poubelles existent, pour les mégots ? lui lançai-je en souriant.

― C'est vrai, mais elles sont trop loin, répliqua-t-il avec un sourire en coin. Et tu me tutoies, maintenant ? Je fais des progrès !

Il gloussa doucement, tout en me détaillant.

― Je crois que ça s'impose, quand une personne fait le pied de grue pour m'attendre... Tu peux m'expliquer, d'ailleurs, comment ça se fait ?

Le trouver là était la plus grande surprise qui me soit arrivée depuis longtemps. Mon cœur avait fait un saut périlleux et tambourinait maintenant à toute allure. Mon visage n'avait pas encore pris la couleur d'une tomate bien mûre, mais cela n'allait pas tarder s'il ne détournait pas rapidement ses yeux magnifiques et son sourire éclatant...

― C'est simple, je me suis dit que tu n'allais sans doute pas m'appeler, alors j'ai cherché ton nom sur Google. Ou plutôt ton prénom, c'est tout ce que j'avais, avec la ville où je t'ai rencontrée, Nantes. Parmi la foule de résultats, je suis tombé sur une page de l'université qui donnait les mails des personnes à contacter à la bibliothèque. Ils donnaient ton nom complet, Céline Moreau. Je l'ai rentré dans une nouvelle recherche, et j'ai trouvé une photo – venant de Facebook je crois – où je t'ai reconnue, sans doute possible.

Mon sourire s'était effacé, j'étais à la fois effarée et un peu gênée...

― Plutôt que de t'envoyer un mail, continua-t-il, j'ai préféré venir te voir en personne. Je suis passé à la bibliothèque, j'ai demandé à l'accueil à quelle heure tu finissais. Comme l'heure étais proche, j'ai attendu. Voilà.

J'avais passé l'après-midi dans mon bureau, à cataloguer des livres et vérifier les commandes en cours. Mais j'étais toujours effarée qu'il m'ait retrouvée si facilement ! Et ravie aussi, car sa venue était vraiment inespérée... Je le dévisageai bouche bée, le cœur battant.

Aimer, rire... survivre (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant