Chapitre 20

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Durant la soirée, je lui envoyai plusieurs sms pour lui demander à nouveau pardon. Ils restèrent sans réponse. J'aurais voulu appeler Maryline, le « docteur des cœurs », pour lui demander conseil, mais je ne pouvais rien lui raconter sans trahir le secret de Maël. Je décidais finalement de lui laisser un peu temps pour digérer tout ça avant de le recontacter. Résignée, les larmes séchées, je cessai de lorgner vers mon portable et passai la soirée devant une vieille comédie qui vidait l'esprit.

Le lendemain, vendredi, je n'eus pas plus de nouvelles. Yann m'envoya un message pour me demander où j'en étais, si j'avais revu son frère. Il terminait en espérant que j'allais bien et qu'il pourrait me revoir bientôt. Je n'eus pas le cœur à lui répondre, pas tout de suite. Tant de choses s'étaient passées depuis notre déjeuner... Maël m'avait rassurée sur sa sincérité envers moi, nous nous étions rapprochés comme jamais, puis tout avait volé en éclat. Je supposais que nous étions toujours ensemble, sinon il me l'aurait fait comprendre, à sa manière franche et directe. Mais il avait sans doute besoin de prendre du recul pour digérer ma petite trahison et le poids du passé ressurgi. Tout ça, je ne pouvais pas l'avouer à Yann.

Mais la journée fut longue et difficile. Le manque de lui me torturait. J'avais besoin de caresser sa peau, de sentir ses lèvres sur les miennes, sa langue dans ma bouche. J'avais besoin de son corps sur le mien, de ses bras musclés qui se refermait sur moi. J'avais besoin de sentir son odeur, même mêlée de clope, peu m'importait du moment que je pouvais le respirer, sentir son souffle haletant sur ma joue, ses mains impérieuses contre mon bassin, sur mes fesses, mes seins.

J'eus beau me masturber, ressortir mon vieux vibro de son tiroir, cela ne servit qu'à me faire ressentir plus cruellement son absence. Je mis du temps à m'endormir. Je revivais en mémoire chaque seconde de nos étreintes, cherchant à retrouver la chaleur de son corps et le goût de ses baisers.

Le samedi passa, sans qu'il ne se manifeste davantage. J'hésitais toujours à le contacter, de peur de le déranger. S'il ne m'avait pas appelée, c'est qu'il avait encore besoin de temps. Ou qu'il me faisait vraiment la gueule. Ou qu'il attendait que moi je l'appelle. Ah, je n'en savais rien !

Dimanche matin, sitôt levée, j'attrapai mon portable et cherchai le numéro d'Amandine – à une heure raisonnable, quand même. Elle m'apprit que le lendemain, Maël comptais aller faire du moto-cross sur le circuit de Saint-Herblain. 

― Est-ce que je peux vous y retrouver ? demandai-je.

― Tu veux lui faire la surprise ? Allez, je passe te chercher ! proposa-t-elle. À 13h !

― Super ! m'exclamai-je. C'est super sympa, merci beaucoup !

Je la remerciai chaleureusement et lui donnai mon adresse, avant de raccrocher. C'était une fille en or, cette nana ! Il me restait encore quelques heures pour préparer mon plan de bataille.

*** 

À 13 heures et cinq minutes, un sms d'Amandine m'avertit qu'elle arrivait en bas de mon immeuble. Je sautai de mon canapé et enfilai rapidement mes cuissardes flambant neuves. J'avais dans l'idée de les mettre pour les retrouvailles avec mon amant insaisissable. Mes nouvelles bottes étaient noires, à hauteur du genou, avec un talon large pour la stabilité. Au lieu de les porter sagement sur un jean, j'étais montée d'un cran dans la sexy attitude en enfilant une jupe d'hiver bordeaux, un peu au-dessus du genou, assez épaisse pour ne pas s'envoler avec le vent, sur des bas noirs transparents. La jupe cachait les jarretelles qui les maintenaient. Et rien d'autre. Oui, si tout se passait bien et qu'il me pardonnait, j'allais lui faire comprendre ce qu'il avait manqué ! J'étais réservée de nature, mais pas prude...

Je couvris mon petit pull cintré par mon blouson noir et court avant de descendre, mon sac à main sur l'épaule. La voiture d'Amandine stationnait en double-file, une remorque accrochée à l'arrière. J'y devinai une moto cachée sous la bâche, bien arrimée.

Nous arrivâmes rapidement au circuit proche de la ville, et Amandine se gara sur le petit parking en terre battue. Après les dernières pluies, l'air restait humide et la terre dure. Seules cinq ou six voitures à remorque et camionnettes étaient présentes. Et coincée au milieu, une grosse moto à carrosserie bleu marine que je reconnus immédiatement. Mon cœur commença à battre plus fort.

J'attendis patiemment qu'Amandine détache sa bécane et la fasse rouler au sol sur une passerelle, puis l'accompagnai. Les motos de cross étaient beaucoup plus fines que celles des villes, avec des suspensions énormes... Nous empruntâmes le petit chemin de terre jusqu'à la zone dégagée qui bordait le départ du circuit. Quelques personnes y discutaient, regardaient le circuit ou se préparaient à partir.

Quand Amandine les salua joyeusement, tous les regards s'arrêtèrent sur moi, même brièvement. Il faut dire que je détonnais avec ma jupe et mes cuissardes à talon, au milieu de tous ces jeans-baskets couverts de poussière... Je m'efforçai de ne pas y faire attention. Je savais très bien en les mettant que ce ne serait pas l'équipement adapté, mais j'avais un mec à reconquérir ! 

Amandine quant à elle avait revêtu une combinaison spéciale et toutes sortes de protections. Elle y portait la touche finale en attachant en ce moment des genouillères.

Je m'approchai de la piste, sous les regards amusés des autres spectateurs. 

― Bon allez, bonne chance ! me lança Amandine. Dès qu'il aura bouclé le circuit il repassera par ici, il ne pourra pas te louper !

Je la remerciai et la saluai de la main, puis elle fit rugir le moteur de son engin. L'humidité de la terre m'épargna le nuage de poussière quand elle s'élança. Je la suivis un instant des yeux, puis commençai à scruter le parcours. Plusieurs moto enchaînaient les sauts et les virages en épingle, mais impossible de reconnaître celui qui m'intéressait. Outre la distance, ils étaient méconnaissables sous leurs casques...

Un bon quart d'heure s'écoula, que je passai en refermant mes bras sur mon petit blouson pour me protéger du vent frais. Plusieurs motos passèrent l'arrivée et repartirent pour un nouveau tour sans s'arrêter. Les autres personnes me jetaient parfois des coups d'œil, les hommes en particulier. Je les ignorai, concentrée sur le circuit.

Et soudain, l'une des motos pila net au beau milieu de la ligne droite qui passait devant l'aire de départ. Mon cœur cogna à nouveau fortement. Le pilote semblait parti pour un nouveau tour, mais s'était arrêté en m'apercevant. Il descendit de son engin et marcha jusqu'à moi. Je ne voyais qu'un masque sous le casque, pourtant je l'avais reconnu à sa carrure. Sur un pantalon et une veste adaptés, il portait un gilet renforcé, des coudières et genouillères, des bottes rigides contre les projections. Arrivé près de moi, il ôta son casque et le grand sourire éclatant de Maël m'accueillit.

Aimer, rire... survivre (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant