Chapitre 1

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Le claquement de mes talons résonnait sur les pavés tandis que je rejoignais à pas vifs la pizzeria du centre-ville de Nantes, où j'avais rendez-vous pour dîner. L'enseigne se dressa bientôt devant moi, perdue au milieu de deux crêperies. À travers la vitrine, j'aperçus Maryline déjà attablée. D'accord j'avais quitté la fac avec un peu de retard, mais on ne court pas facilement avec des bottines à talon ! Ma meilleure amie, en baskets, jean boyfriend et blouson, picorait des cacahuètes en m'attendant. Je poussai la porte et me dirigeai vers elle.

― Salut Céline, tu arrives juste à temps !

― Tu allais faire un repas de cacahuètes ? souris-je en m'installant sur la chaise face à elle.

― Presque, un peu plus et il ne t'en restait plus !

― Pas grave, je me contenterai d'une pizza. Une bien grosse, de celles qu'on met une après-midi entière à digérer !

― À ta guise, je prendrai plutôt des pâtes, s'ils ont une sauce pas trop grasse...

― L'été est fini, tu n'as plus à te forcer pour rentrer dans ton maillot, rigolai-je.

―Tu devrais faire plus attention, ma grosse ! À moins de vouloir...

― Qui est grosse ? coupai-je en riant. Tant que je rentre dans mon 38, je m'en fiche ! À bas les diktats de la maigreur !

On pouffa ensemble comme deux collégiennes, tout en consultant la carte du restaurant. Cela faisait plusieurs semaines que l'on n'avait pas pris le temps de se poser ensemble, entre deux coups de fil. Ce début de septembre avait été bien chargé pour nous deux. Je travaillais dans une bibliothèque universitaire, et Maryline était une ancienne camarade lycée, aujourd'hui graphiste dans une maison d'édition. 

― Alors, tu vas toujours sur tes sites ? lui demandai-je avec un sourire en coin.

― Quels sites ? minauda-t-elle avec une petite moue innocente, tout en prenant une gorgée d'eau.

― Ceux qui sont censés de faire rencontrer l'âme sœur, tu sais ? La raison pour laquelle tu te contentes d'un plat de pâtes alors que leurs pizzas ici sont à tomber ?

Elle gloussa avec moi, puis posa les coudes sur la table pour se rapprocher.

― Eh bien oui. J'ai même un rencard vendredi.

― Demain ? Eh bien les affaires roulent, je vois !

― Ça va. Et toi, ce prof de science éco qui te draguait avant les vacances ?

― Ne change pas sujet, on parlait de toi !

― Non, non, on a fini. Je te ferai le débriefing une fois le rencard passé ! Alooors ?

― Alors, eh bien il est revenu... Il m'a demandé si les vacances s'étaient bien passées, si j'étais partie, bla-bla-bla...

― Il n'a pas lâché le morceau ! Et c'est toujours non ?

― Non.

― Dommage, il a l'air gentil comme tout !

― Occupe-toi de tes fesses, tu veux ? rigolai-je. Il ne m'attire pas, c'est pas ma faute ! Si seulement on pouvait décider de qui tomber amoureux. Tiens, celui-là est pas mal, je prends !

On se mit à pouffer toutes les deux, puis elle ajouta :

― Mais si tu devais décrire ton beau gosse idéal, il serait comment ? me demanda-t-elle avec un sourire moqueur en coin.

― Eh bien... Grand et beau évidemment – y'a des fondamentaux ! –, mais aussi un peu timide, touchant. Doux et sensible. Le gars mystérieux qui reste debout au fond de la salle, mais dont le regard transperce...

Maryline éclata de rire.

― Pas sûr que ça fasse vraiment rêver, ton timide !

― Bah, tu sais que je suis plutôt réservée, alors quelqu'un de sensible, pas trop extraverti, calme... un peu comme moi. Mais bon, je suis d'accord, ça ne ferait rêver que moi, souris-je en haussant les épaules.

***

Deux heures plus tard, je quittai la pizzeria le ventre bien tendu. Mes abdominaux, que je travaillais régulièrement, n'appréciaient pas beaucoup d'être repoussés ainsi. Ils me garantissaient un ventre ferme, à défaut d'être vraiment plat, mais criaient dès que je mangeais trop...

J'adressai un dernier signe de la main à Maryline en me dirigeant vers l'arrêt de tram le plus proche, Bouffay. Je n'avais qu'une station à faire avant de changer à Commerce pour remonter vers le nord de la ville. La nuit commençait doucement à tomber sur la ville, mais les rues étaient encore agréablement animées, et les passages de tram, pas trop rares. Je rajustai mon sac à bandoulière sur mon épaule et guettai le prochain.

― Hé, ma'moiselle !

Aïe, les phrases qui commençaient comme ça étaient rarement bon signe... Je fis mine de n'avoir rien entendu.

― Hé mam'moiselle, t'as une bien jolie bouche, ça te dirait de m'faire une p'tite gâterie ?

Et merde, fallait que ça tombe sur moi. Ça m'apprendra à vouloir prendre le tram pour une seule station. J'aurais mieux fait de marcher un peu, la pizza m'aurait dit merci.

― Allez répond, fait pas ta bourgeoise, quoi !

Je n'eus d'autre choix que de me tourner vers l'individu. Taille moyenne, jean déchiré, blouson floqué FC Nantes usé jusqu'à la corde, yeux bleus et crâne rasé. Je n'ai rien contre les supporters de foot, j'en connais quelques-uns, mais il y a les gens normaux et les gros bourrins, ceux qui insultent tout et n'importe quoi. Celui-là avait visiblement un ascendant gros connard.

― Vous faites erreur monsieur, répondis-je poliment, bien que glacée. Si vous cherchez une pute, il y en a par là-bas je crois, en descendant l'avenue.

― Eh maaaais, de quoi tu causes ?

― Eh bien apparemment vous me prenez pour une pute, donc je vous explique où en trouver.

― Mais j'en ai rien à battre des putes, tu veux m'sucer ?

― Vous faites erreur, pour ce genre de service il faut descendre plus bas l'avenue...

― Pfff, vas-y dégage, salope..., grommela le type en s'éloignant.

J'allais soupirer de soulagement, quand un grand et beau brun se planta soudain devant le type.

Aimer, rire... survivre (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant