Chapitre 26

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Je tentai de le calmer d'une main, comprenant parfaitement sa rancune.

― Je lui en ai déjà parlé, mais il reste braqué sur sa position, regrettai-je. Je suis vraiment désolée pour votre mère... Tiens d'ailleurs... il m'a dit que le week-end prochain c'est son anniversaire ? ajoutai-je, prise d'une inspiration. C'est vrai que vous y allez chacun à votre tour ?

― Oui, en général pour ce genre d'événement, il passe en coup de vent dans la matinée et j'arrive plus tard, avec les autres invités. Quand on se croise c'est seulement par hasard, des mois peuvent s'écouler entre-temps.

― Et si pour une fois, vous veniez tous les deux en même temps ? Cela ferait certainement plaisir à votre mère !

Yann me regarda d'un air clairement réticent.

― Je doute qu'il soit capable de tenir sa langue pendant tout un déjeuner...

― Mais s'il promet de se taire ? Si j'ai sa parole d'honneur qu'il ne cherchera pas à te provoquer ? Est-ce que tu pourrais le supporter ?

Il fit une légère grimace, avant de reconnaître :

― C'est certain que notre mère en serait heureuse... Pour elle, je pourrais l'ignorer. S'il en fait de même.

― Je lui en parlerai ! déclarai-je avec enthousiasme.

On ne pourrait pas vraiment parler de rapprochement, mais s'ils arrivaient à se trouver dans une même pièce sans se jeter dessus, ce serait déjà un premier pas de franchi.

Yann mit fin à la conversation en rejoignant un groupe de collègue. Je le suivis, un petit – tout petit – espoir dans le cœur. J'espérais en outre lui avoir fait comprendre que ma relation avec son frère était sérieuse, et qu'il ne devait plus espérer me séduire. Sa prévenance envers moi était touchante, mais j'ignorais si elle venait de l'inquiétude sincère contre un frère qu'il détestait, ou bien de la volonté de dénigrer un rival...

***

Le mardi suivant, en sortant de la fac à 16h, je rejoignis ma voiture avec empressement. Je me garai quelques minutes plus tard devant l'Armor'Ink et poussai la porte vitrée, le ventre noué. La peur de la douleur me crispait toujours.

Maël était en train de préparer sa machine, Damien s'occupait d'un client, et Isabelle devait de trouver dans la cabine privée. Je jetai un coup d'œil à la décoration chargée de la petite pièce, dont les murs peints en vert étaient recouverts en bonne partie de clichés de tatouages. Des tables basses recouvertes de catalogues trônaient sur un lino blanc cassé. Seul le comptoir semblait rangé, avec seulement un présentoir de piercings, le même qu'en vitrine.

― Maël, ton rendez-vous est là ! appela Damien en m'apercevant. Salut Céline, comment va ? Tu es prête ?

― Prête ! assurai-je en plaquant un sourire sur mes lèvres.

― Tu es sûre de vouloir confier ta peau à ce cinglé ? fit-il en riant. Je pourrais te réaliser un...

― Fais gaffe, crétin, tu vas rajouter un deuxième nez à ton portrait ! le rembarra Maël en riant.

Il se leva pour venir vers moi, tandis que Damien rassurait rapidement son client.

― Viens ma belle, la machine est prête. Toujours décidée ? Sûre ?

― Mais oui, arrêtez donc ! ris-je, un peu nerveusement.

― Alors on y va. Gog, go, go, allez !

Je m'installai sur le gros siège confortable en cuir – ou imitation –, près de la machine. Il prit place sur un tabouret à côté, pendant que je remontai la jambe de mon jean pour dénuder ma cheville. J'aurais bien aimé que nous bénéficions de la cabine, mais à l'évidence ce n'était pas nécessaire...

Aimer, rire... survivre (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant