Chapitre 25

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Les jours suivants passèrent à toute vitesse. Malgré le mois d'octobre, son manteau nuageux et ses averses intermittentes, j'avais rarement été aussi heureuse. Maël et moi sortions officiellement ensemble – il me l'avait confirmé avec un sourire en coin. Je dus faire une croix sur le sexe le temps que mes règles passent, mais inutile de préciser que le retour à la normale fut fêté avec fougue et enthousiasme !

Néanmoins, Maël veillait à maintenir une certaine distance entre nous. Peut-être pour éviter que je m'attache davantage à lui, ou bien pour tenter de garder le contrôle sur ses propres émotions. Nous nous voyions environ un soir sur deux. Le reste du temps, il continuait à sortir avec ses potes, dans des bars principalement – où je l'accompagnai quand même à deux reprises –, parfois quelques boîtes de nuit. Il n'essayait plus de ramener une conquête chez lui, mais ressentait toujours le besoin de s'éclater jusqu'au bout de la nuit.

Les soirs où je passais tranquillement le temps entre ma télé et un bouquin, j'allais me coucher relativement tôt, pour récupérer de ma nuit précédente passée chez mon amant au fougueux appétit. Je récoltais régulièrement des courbatures, en particulier dans les cuisses à force de le chevaucher. Aïe. Ça m'apprendra à ne pas faire d'étirements après le sport.

En parlant de sport, un soir je débarquai chez lui plus tôt que prévu, et le surpris en peine séance d'entraînement. Il vint m'ouvrir la porte en pantalon de jogging, son torse nu couvert de sueur.

― Déjà là, ma belle ? dit-il avec un grand sourire. Tu ne peux plus te passer de mon charme dévastateur ?

J'éclatai de rire et posai un léger baiser sur ses lèvres.

― Je te dérange ? Qu'est-ce que tu fabriques ?

― Mon entraînement quotidien, sourit-il. Pompes et abdos, principalement. J'essaie de m'y tenir une fois par jour, le matin ou le soir, ça dépend de qui vient chez moi...

― Aaaah, c'est comme ça que tu gardes ce corps sublime de dieu grec ! m'esclaffai-je. Sans allez dans une salle de sport !

― Mais oui, pas besoin de dépenser une fortune là-dedans pour avoir ce physique d'Apollon ! rit-il. Bon, tu me donnes encore cinq minutes ?

J'enlevai mon manteau, mon sac et profitai sans vergogne du spectacle. Assis sur un simple tapis de sol, il reprit une série de rameurs, puis une séance de planche pour le gainage. J'avais dû louper les pompes, mais son torse ferme en sueur suffit à faire rapidement grimper en flèche ma chaleur corporelle. Je le dévorais des yeux, sans m'en cacher. Au milieu d'une planche, il m'adressa un clin d'œil coquin, parfaitement conscient de son effet, le filou !

Enfin il mit fin aux exercices et au spectacle :

― Encore un instant ma belle, le temps d'aller me laver, et je suis à toi.

Tu parles, Charles ! J'enlevai mes vêtements et filai aussi sec le rejoindre dans la salle de bain ! Quelques minutes plus tard, ce n'était plus de la sueur mais des gouttes d'eau qui ruisselaient sur son corps, tandis qu'il me possédait vigoureusement contre les carreaux de la douche.

***

J'acceptais de bon gré la relative distance qu'il maintenait, si cela me permettait de continuer à le voir. J'étais déjà soulagée qu'il ne soit pas passé à autre chose ! Mais chaque fois, je devais faire attention à ne pas franchir la limite. À respecter cette distance. Les mots fatidiques ne devaient surtout pas franchir mes lèvres ! Plusieurs fois, je me retins de justesse, pendant nos ébats ou nos moments de tendresse. Si par malheur je me laissais aller à lui parler d'amour, j'étais certaine de le perdre. Il couperait court à notre relation, jugeant que cela allait trop loin.

Yann prenait régulièrement de mes nouvelles pas sms. Je lui avais dit sans m'étendre que Maël m'avait convaincue de sa sincérité et que nous sortions désormais ensemble. Cela l'avait beaucoup inquiété, mais j'ignorais ses mises en garde alarmées. Je savais à quoi m'en tenir, contrairement à lui... Mais je ne pouvais toujours rien dire pour le rassurer sans trahir le secret.

Quand arriva le vendredi soir, Yann m'appela pour me proposer de l'accompagner à une soirée donnée samedi soir par un de ses clients. Il s'agissait de fêter la modernisation complète de leur communication, dont la refonte de leur site internet par la boîte de Yann faisait partie. Nouvelle campagne de pub, nouveau logo, nouveau slogan, nouveau code couleur, la totale.

Yann avait une invitation pour deux, mais étant toujours célibataire, il avait pensé à moi. J'étais flattée, mais intriguée... C'est vrai que nous ne nous étions pas vus depuis un certain temps, mais ce beau gosse ne devait certainement pas manquer d'amies pour l'accompagner... Espérait-il toujours avoir une chance avec moi ? Si c'était le cas, autant saisir l'occasion pour le détromper définitivement. J'acceptai sa proposition, ravie de passer une de mes soirées « en solo » avec quelqu'un d'autre que Maryline – même si je l'adorais ! –, et ailleurs que dans mon studio ou dans un bar. Une soirée cocktail, c'était rare et excitant !

Yann vint me chercher en voiture à la nuit tombée, pour me conduire dans un local commercial du centre de Nantes, éclairé par de vives lumières. La salle était remplie de personne bien habillées avec une flûte de champagne à la main, réunis en petits groupes. Les tables du buffet s'étalaient sur deux murs entiers du local. 

En arrivant, Yann alla saluer ses collègues et ses diverses connaissances, en me présentant comme une amie. Je serrai quelques mains, fit quelques bises aux plus familiers, et acceptai une flûte. La soirée se présentait bien. L'ambiance était chaleureuse, pas trop formelle, les conversations vives et enjouées, pas trop techniques. Yann était un compagnon agréable, nous retrouvions notre complicité des premiers soirs. Il y eu un discours du directeur de l'entreprise, puis un autre de la responsable communication, qui furent chacun chaleureusement applaudis. Yann, en tant que directeur de sa boîte, fut remercié dans les discours et eut droit à ses propres applaudissements.

Un peu plus d'une heure après notre arrivée, il m'attira un peu à l'écart pour me glisser quelques mots à voix basse :

― Est-ce que tout va bien, Céline ?

― Mais oui ! Merci pour ton invitation, ça me change de mes soirées-canapé ! rigolai-je.

― Merci, mais je ne parle pas seulement pour cette soirée...

Naturellement, je m'étais attendue à ce qu'il aborde le sujet.

― Ne t'inquiète pas, Yann, le rassurai-je. Entre ton frère et moi, c'est plus sérieux que ses aventures passées. Il n'était jamais sorti avec personnes, or ça fait déjà trois semaines que ça dure.

― Il serait parfaitement capable de te laisser tomber d'un jour à l'autre, dit-il durement. Si jamais il te fait du mal, surtout préviens-moi. 

― Yann..., soupirai-je. Il y a une tendresse, une affection réelle entre lui et moi. Il se lassera sans doute un jour de moi, mais en aucun cas il ne me « jettera » comme une vieille chaussette, je t'assure. Et puis, il m'a présentée à ses amis, on est sorti plusieurs fois avec eux. Ça signifie bien quelque chose, ajoutai-je avec un sourire engageant.

Yann fit une moue dubitative.

― Je veux bien lui accorder le bénéfice du doute. Mais ça reste un bon à rien trousseur de jupon, complètement cinglé et irresponsable.

Je secouai la tête tristement. À quoi m'étais-je attendu... ? Rien de ce que je pouvais dire n'effacerait des années de provocations et de haine.

― Essaies de de ne pas le juger trop durement, il a vécu des choses graves, avouai-je. Je ne l'excuse pas, mais il porte un fardeau...

Yann me regarda un instant, attendant que je poursuive. Ce que je gardai bien de faire. J'en avais déjà trop dit. Il soupira finalement...

― Je m'en doute, Céline... On ne devient pas brusquement ivrogne à seize ans sans une bonne raison. Notre mère a longtemps tenté de savoir ce qui lui était arrivé, en vain. Ça la mine, tu sais ? Savoir que quelque chose est arrivé à son fils, mais sans pouvoir l'aider. Même après toutes ces années, alors qu'il s'est rangé, elle s'inquiète toujours. Elle espère que ce crétin finira par s'en ouvrir à elle. Si tu as la moindre influence sur lui, essaie de le convaincre de lui parler. Ça fait mal, de la voir souffrir ainsi ! Quoi qu'il ait vécu, ce connard n'a pas à imposer ça à ses parents !

Aimer, rire... survivre (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant