Chapitre 17

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J'étais effondrée pour lui. Des larmes me montèrent aux yeux, que je réussis à contenir en battant des paupières. J'aurais pu lui en vouloir de m'avoir caché une chose pareille, alors que j'étais en première ligne, mais non. Je comprenais parfaitement son silence. Je savais qu'il avait toujours pris toutes les précautions nécessaires, jamais il ne m'aurait mise en danger. Je ressentais seulement une peine immense pour lui...

Là, à cet instant, j'aurais voulu me précipiter vers lui pour le prendre dans mes bras – ce qu'il aurait refusé, certainement. S'il se taisait, c'était sans doute pour ne pas être pris en pitié, et surtout que le regard des autres ne changent pas sur lui. Par pudeur, aussi. C'était quelque chose de très personnel, d'intime, même. Ça ne regardait que lui. D'ailleurs, qui d'autre était au courant ? Y avait-il seulement une seule personne de son entourage qui l'était ?

L'étudiant se présenta à mon bureau avec les livres trouvés en rayon. Je maîtrisai mon émotion pour lui sourire. Il me tendit sa carte étudiante et je lui enregistrai ses livres.

J'accueillis la pause déjeuné avec soulagement. Je filai m'acheter un sandwich et retournai m'enfermer dans mon bureau. Là, à l'abri des regards, je laissai glisser quelques larmes, décidément bouleversée...

Je les essuyai d'un revers de main après quelques minutes, puis avalai rapidement mon sandwich. Enfin, j'allumai mon ordinateur et ouvris une page de recherche sur Internet. Par où commencer ? J'ignorais tant de choses sur cette maladie ! J'optai finalement pour une recherche générale.

Alors... le virus de l'immunodéficience humaine (VIH), qui débouchait à terme sur le syndrome d'immunodéficience acquise (sida), détruisait en gros les cellules responsables du système immunitaire. S'il n'était pas traité, la personne atteinte pouvait contracter de graves maladies, et d'autres apparemment anodines pouvaient devenir mortelles. Les risques de cancers ou de maladies cardiovasculaires étaient aussi plus élevés. Et cet abruti qui continuait à fumer !

Sinon, le virus se transmettait par le sang, les « sécrétions sexuelles » et le lait maternel. Bon, ça, je le savais. Ce n'était contagieux que si ça entrait dans l'organisme, pas sur la peau. Ok. Suite. Dans les premières semaines après l'infection, les personnes atteintes présentaient souvent des symptômes comme des fièvres, maux de tête, rougeurs, etc. Puis, deuxième phase, il ne se produisait rien pendant quelques mois. Enfin les dégâts sur le système immunitaire commençaient à se faire sentir et tout dérapait.

C'était assez démoralisant. Je passai aux traitements, vite ! Ces derniers visaient à diminuer ce qu'ils appelaient la « charge virale », jusqu'à la rendre indétectable – à défaut de l'éliminer complètement. Si le malade suivait correctement son traitement, en prenant ses comprimés chaque jour à intervalles réguliers, la charge virale se trouvait suffisamment réduite pour qu'il retrouve un système immunitaire correct, même s'il ne pourrait jamais égaler celui d'une personne saine. En outre, et ça c'était une autre bonne nouvelle, les risques de contamination étaient aussi fortement réduits. D'après ce que j'avais vu, Maël semblait s'y conformer sérieusement. Soulagement palpable de mon côté...

Je passai rapidement sur le VIH dans les pays en voie de développement, les évolutions de la recherche, les médicaments en trithérapie et leur liste à rallonge d'effets secondaires.

Après avoir fait le tour de ces questions, je me résolus à entrer la recherche que je redoutais... Mais il fallait que je sache. Mes doigts tremblèrent légèrement quand je tapai les mots fatidiques : « Sida espérance de vie ». Différents sites médicaux assuraient que l'avancée des traitements permettait aujourd'hui aux malades d'avoir une espérance de vie à peu près normale. Ils avaient dorénavant plus de risques de mourir des suites d'une infection ou d'une autre maladie plutôt que du virus du VIH lui-même. Car malheureusement, même bien traités, leur système immunitaire restait toujours plus vulnérable que la moyenne...

Plongée dans mes recherches, je débordai quelque peu sur l'heure de reprise du travail. Les résultats étaient quand même globalement rassurants. C'était certes une maladie compliquée à gérer, mais enfin, on pouvait se débrouiller. Un témoignage assurait même que cela revenait à peu près à vivre avec du diabète, ou une autre maladie qui nécessitait un traitement rigoureux mais n'handicapait pas plus que ça au quotidien. 

Durant l'après-midi, je pus me consacrer plus sereinement à mon travail. Cela dit, je ne me sentais toujours pas prête à le revoir... J'aurais du mal à paraître naturelle devant lui, il s'apercevrait rapidement que quelque chose n'allait pas. Quant à lui en parler... Il faudra bien que je le fasse, mais pour l'instant je ne m'en sentais pas le courage. Il serait certainement furieux que j'aie fouillé dans ce qui ne me regardait pas, et je n'avais pas encore les nerfs assez solides pour le supporter sans fondre en larmes...

Aussi, au lieu de le rejoindre à son salon de tatouage après le travail – tiens d'ailleurs, les tatouages, c'était sans risque ? –, je lui envoyai un sms pour m'excuser :

[Salut ! Désolée mais je préfère qu'on ne se voit pas ce soir, j'ai mes règles. À plus !] 

Ce qui était presque la vérité, à trois jours près ! En attendant sa réponse, je me renseignai rapidement sur les tatouages via mon smartphone : a priori, si le salon était sérieux et que toutes les règles d'hygiène et de stérilisation étaient respectées, il n'y avait aucun risque. Tous les professionnels utilisant des aiguilles – infirmiers, tatoueurs, perceurs,... – se devaient de respecter ces règles pour éviter les contagions, et ce, quel que soit le client. 

Sur ce, la sonnerie des messages m'avertit de sa réponse :

[Et moi qui croyait que ce qui t'attirait chez moi, c'était mon esprit et ma conversation ! Mais non, en fait tu ne penses qu'au cul ! XD Sérieusement ma belle, on peut se voir quand même, je sais aussi être sage, quand je veux !]

J'étais troublée. En général, la simple mention des règles faisait fuir les mecs. Mais visiblement celui-là tenait aussi à ma simple compagnie. Je répondis :

[Peut-être bien, mais, pour reprendre tes mots, pour moi ce serait une véritable torture ! ;)]

[Bon, comme tu veux. Tu me feras signe quand mon absence te deviendra insupportable !]

Ouf, le pire était évité. À 16h, je rentrai chez moi en voiture, toujours songeuse. J'essayai d'imaginer une façon d'aborder la question sans le braquer, mais tous mes scénarios se finissaient par une engueulade. Le seul plus clément, où Maël finissait dans mes bras, soulagé de pouvoir se confier, était aussi le plus improbable. Si je fondais en larme devant lui, ça pourrait l'attendrir ? Assez pour qu'il me prenne dans ses bras et me murmure à l'oreille qu'il me pardonnait ? Hum...

    Jeposai mon sac sur ma table basse, en sortis la boîte de comprimés pour la jeterdans ma petite corbeille en papier à côté. Puis je m'installai dans monclic-clac et ouvrit mon livre en cours. J'avais besoin de penser à autre chose,d'urgence ! 

Trois heures plus tard, j'avais pris une douche, regardé une émission et parcouru ma page facebook, quand ma sonnerie de ma porte retentit, vers 19h30. J'allai ouvrir.

Maël se tenait devant moi, tout sourire. Et merde.

― Salut ma belle ! J'avais quand même envie de te voir, ça ne t'ennuie pas ? Je n'ai pas de tendance vampirique, mais je peux te sucer autre chose ! lança-t-il gaîment avec un regard appuyé vers ma poitrine.

Il m'embrassa légèrement avant d'entrer, avec son insouciance habituelle. Bon sang, j'aurais dû lui dire que j'avais une grippe, bien contagieuse comme il faut ! J'aurais été sûre qu'il se serait tenu à distance. Bordel.

Maintenant qu'il était là, je faisais quoi ? Est-ce que je lui parlais de ma découverte ? Oui... non... oui... non... Puis je m'aperçus qu'il s'était figé au milieu de la pièce, les yeux fixés sur ma poubelle. Et la boîte clairement visible sur le dessus. Double bordel.

Aimer, rire... survivre (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant