80-« Face à vos fusils... »

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Dans la famille Sian, le dîner dans l'esprit occidental, plus une restauration du soir, était le moment privilégié où tous se retrouvaient. C'était aussi, l'instant préféré de Sian Lui Yuan, la mère de Hui Yin et son heure. Chacun avait une petite attention à son égard, sachant le travail silencieux, invisible mais indispensable, pour le bon fonctionnement de la famille.

Elle préparait quelques spécialités de sa région, ravissant le palais gourmand de son mari, comme de ses enfants.

Sian Lui Yuan était une femme heureuse, comblée, jusqu'à ce jour, qui restera le pire de sa vie.

En quelques heures tout son monde c'était écroulé, ses repères balayés, ses certitudes envolées.

Plus rien, pour cette femme simple, sans problème et immensément riche de ses enfants, plus rien en ces heures n'avait d'importance. Elle restait prostrée dans sa chambre et attendait qu'on vienne la cherchée. Qui ? Pourquoi ? Pour où ? Elle ne savait pas. Elle attendait assise sur son lit, en robe de chambre.

Son mari était inquiet. Sian Dao Lin ne l'avait pas vue comme ça à aucun moment de leur vie. Il était plongé dans la plus grande perplexité. A son travail, pour la première fois de sa vie, il s'était trompé dans ses chiffres. C'est un collègue admiratif de son noble dévouement qui le sauva in extremis. Il rentra plus tôt à la maison, déboussolé. Sa secrétaire le raccompagna et prit des nouvelles en fin de journée.

Wei Li essayait de redonner vit à ses parents. Sans résultat.

-Te fatigue pas frérot. Il leur faut du temps, c'est tout. Du temps et une certaine continuité, pour créer des liens mentaux avec leurs souvenirs. C'est important. Elle préparait un plat de viandes rôties pour l'estomac de Gu Hai. Wei Li était sur le seuil surveillant son père. Madame Sian dormait depuis quelques minutes, à l'aide d'un tranquillisant.

-Tu crois ? Parce que là, ils ont l'air de vieux grabataires, presque des légumes... Il montra son père qui restait dans son fauteuil, lisant la même page de son journal depuis une heure.

-Si ça va pas mieux demain, on fait venir un médecin occidental. D'accord ? Elle réglait le four.

-Ouais, ok. De toute façon, je retourne pas au travail cette semaine, je peux pas me concentrer et j'angoisse à mort, bordel. Il serra son poing.

-T'as cas sortir un peu, histoire de te changer les idées. Je suis sûr que les deux... les trois garçons seraient d'accord. Elle s'attaquait aux légumes.

-Tu crois, entre homos... Hum... Pourquoi pas ? Il s'évada.

-Lu Yang n'est pas homo. Elle lui montra la planche à couper.

-C'est un détail. Il vérifia son père toujours sur sa page. Attends, je vais voir papa.

Il s'approcha en toussant.

-Papa ?Tu veux quelque chose ? Wei Li lui proposait une boisson sans alcool.

-Non, mon fils. Une bière, plutôt. Il se leva et alla vers la cuisine. Votre mère dort encore ? Il s'arrêta et se retourna.

-Oui, depuis quelques minutes papa. Si elle ne va pas mieux demain, on fait venir un médecin occidental. Il mit ses mains sur les épaules de son père.

-Très bien les enfants. Heureusement que vous êtes là... Il repartit.

Une bière attendait sur la table près de la fenêtre.

-Et moi ? Il cherchait où était sa bouteille.

-T'es trop jeune... Elle sourit et lui tendit une autre bouteille.

Gu Hai - Bai Luo Yin -1- "Une vie."Où les histoires vivent. Découvrez maintenant