Le Comte Cleptomane

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....

Il était là, sur le pas de la porte, presque aussi grand que cette dernière. Perché sur des jambes aussi démesurément longues que pourraient être les pattes d'un moustique, il me souriait, bizarrement.

-L'heure est venue, ne cessait-il de répéter, en me tendant son bras, pour que je m'y accroche.

Une posture assurée, distinguée, il ne semblait pas gêné le moins du monde. Du charisme en veux tu en voilà, une beauté digne des dieux, et cette expression, indéchiffrable.
Il était parfait. Parfait à en faire peur.

À bien y regarder, il semblait sortir tout droit d'une autre époque. Caché sous son haut de forme noir, appuyé sur une canne dont le pommeau était sculpté en forme de serpent, il était l'allégorie même de l'élégance. Un costume rayé, parfaitement repassé, qu'il n'avait sans doute pas acheté au magasin H&M du coin, et un parfum noblement envoûtant, je ne lui trouvais aucun détail suspect.

Ce qui constitue en soi, un détail suspect.

Voilà qui est assez paradoxal.

Instinctivement, je reculai, prête à lui claquer la porte au nez au premier geste qui pourrait me nuire.

Il ne me semblait pas inconnu, dans sa non-commodité.

Et puis, ça s'arrête là, sans que je sache qui est ce gars.

Dagobert, crois-tu que ce rêve puisse signifier quelque chose ?

Honnêtement, je n'en sais rien. Je ne veux plus y penser. Mais ce songe était bien loin de ceux auxquels je suis accoutumée. Et puis, ne dit-on pas qu'il est impossible d'inventer un visage pendant son sommeil ?

Je devrais peut-être en parler à Ruby ou Mathieu. Parce que sans vouloir te vexer mon vieux, tu n'es pas très loquace.

C'est tout pour aujourd'hui. À demain, si quelque chose daigne se passer dans ma vie trop tranquille.

Bon. Reprenons :

Grand.

Élégant.

Mystérieux.

C'est ce que j'ai retenu de ce passage.

Beau.

Sourire énigmatique.

Bizarre.

Voilà qui sied divinement bien l'individu qui se trouve en face de moi. Si il dit cette fameuse phrase, "L'heure est venue", je vous jure que je ne réponds plus de rien.

Non. C'est sans doute un hasard. Après tout, beaucoup d'hommes doivent correspondre à cette description. Est-il rare de croiser un type en haut de forme avec une canne sculptée en forme de reptile ?

Ah... Oui.

Je ne sais pas ce que je suis supposé faire. À vrai dire, je le fixe, aussi actif qu'un légume enfumé, depuis maintenant quelques secondes pendant lesquelles tout s'est bousculé dans ma tête.

-Bonjour, finit-il par dire.

Dire ? Non... Chanter serait plus adapté. Ses paroles résonnent comme la plus douce, la plus envoûtante et dangereuse des mélodies. Ça doit être un hypnotiseur, je ne vois que ça.

-Bonjour, répondis-je emplis d'une certaine animosité à son égard.

-Mademoiselle Lisa, est-elle ici ? demande-t-il avec onctuosité.

Esclave des Vampires TOME IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant