Chapitre 1

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J'avais six ans. Mon père, Guillaume de Tréville, venait de se remarier, mais comme j'étais à la pension pour jeunes filles de Kervillais, je n'avais pas encore rencontré ma belle-mère. Ma mère était morte peu après ma naissance, et mon père semblait penser qu'il fallait une femme à la maison. Il paraissait qu'elle avait une fille. Ou deux. Je ne savais plus. Mais un fils, tout sûr. Ce jour-là était celui de mon retour à la maison. Mon père était marié depuis trois mois.

J'avais hâte de le revoir, hâte de revoir Henriette, ma nourrisse, hâte de rencontrer enfin ma belle-mère et mes nouveaux frères et soeurs.

Quand enfin j'arrivai à ma Lorraine natale, je fus vraiment ravie : toute la famille était là : mon père, sa femme et les enfants de celle-ci, ainsi que les domestiques. En descendant de la diligence, je courus embrasser mon père. Ensuite, je fis la révérence à ma nouvelle "famille".

- Je suis ravie de faire enfin votre connaissance, dis-je.

- Moi de même, mon enfant, me répondit gentiment ma belle-mère. Mais il est inutile de me donner du vous, tu peux m'appeler mère si bon te semble...sinon, ce sera Clarisse. Qu'en dis-tu ?

J'étais sous le charme. Elle était vraiment très gentille, en plus d'être belle. Car ma belle-mère avait des cheveux noirs magnifiques et un teint de porcelaine, tout comme ses enfants. Je m'approchai ensuite de l'aînée de ses filles.

- Vous devez être Bertille, dis-je en faisant une petite révérence. Enchantée.

- Moi de même.

Bertille pinçait les lèvres et me dévisageait avec dédain...comme une intruse. Je tâchai d'ignorer l'indignation qui bouillonnait en moi, et m'approcha de sa soeur.

- Et vous Antoinette, si je ne me trompe ?

Antoinette eut la réaction parfaitement à l'opposé de sa soeur : elle m'enlaça. Je souris en songeant qu'au moins, j'aurais une amie. Lorsque nous nous détachâmes, je me dirigeai vers leur frère.

- Je vous souhaite le bonjour, Louis-Henri, dis-je en tendant ma main.

Il me dévisagea, puis me serra brièvement la main.

- 'jour, grommela-t-il.

Sans y prêter attention, je partis saluer les domestiques. Henriette m'enlaça.

- Tu m'as tellement manqué !, me glissa-t-elle à l'oreille.

Ensuite seulement, nous entrâmes. Cette première année d'absence m'avait coûtée, car pour la première fois de ma vie j'avais dû quitter le logis familial. Heureusement, rien n'avait changé. Hormis quelques affaires appartenant à Clarisse et ses enfants, je retrouvais le manoir tel qu'il était à mon départ. Je courus à ma chambre, afin de retrouver ce papier peint bleu pastel si rassurant et mes jouets. Cependant, quand j'arrivai, père et mère (telle que je voulais l'appeler à présent) sur mes talons, ce fut la douche froide. Le bleu était remplacé par du rose, quant à mes figurines de chevaliers, de pirates et de dragons, mes armes en bois, et mes peluches de monstres, tout avait été remplacé par des poupées, des princesses, des fées... Je tournai la tête vers mon père désespérée.

- Vous avez donné ma chambre ? Où vais-je coucher ?, demandai-je.

- Mais ici, mon ange !, me répondit mon père en souriant. Il est temps pour vous de cesser d'être une petite sauvageonne et de devenir

une vraie demoiselle.

Comme j'affichais une moue déçue, il ébouriffa mes cheveux en riant.

- Voyons, ne fais pas cette tête ! Que va penser Clarisse ?

CendrillonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant