Déguisée en garçon d'écurie, j'étais en compagnie d'Anne. Il faisait nuit noire et nous avions déjà sellé nos chevaux. Nous étions fin prêtes, il ne manquait plus que Louis-Henri et Bertille. D'ailleurs, ils ne tardèrent pas à arriver. Après la discussion avec Bertille, j'avais décidé de dormir jusqu'à 22 heures, afin d'être en forme. Louis-Henri vit Anne, et la désigna comme si elle n'était qu'une ordure...ou moins encore.
- C'est quoi, ça ?, demanda-t-il visiblement mécontent.
- Pas quoi, mais qui, corrigeai-je, ensuite je te présente Anne, allias Edward, et elle fera partie du voyage, c'est non négociable.
- Tiens, où est passé le vouvoiement ?, me railla Louis-Henri.
- Et tes bonnes manières ?, répliquai-je.
Il soupira, et son regard n'était plus que de la mélancolie.
- Quand cette querelle ridicule entre nous prendra fin ?, me demanda-t-il.
Touchée, je regrettai aussitôt mes paroles.
- Nous ferions mieux d'avancer avant que quelqu'un ne se réveille à cause du vacarme que vous faites, vous deux !, lança Bertille en faisant avancer son cheval.
- Vous avez raison, répondit timidement Anne. Avançons.
Nous commençâmes à chevaucher. Pour être le plus discret possible, nous avions décidés de passer par de petits chemins dans la forêt. Cela incluait, malheureusement, d'être à la merci des brigands et autres criminels en fuite. J'espérais de tout coeur que nous ne soyons pas attaqués, car, de ce que je savais, seuls Louis-Henri étions en mesure de nous battre. De plus, si une attaque survenait, Bertille, Anne et moi serions à coup sûr déshonorées puisque nous étions des femmes. J'avais également peur que Clarisse, en apprenant notre fuite, n'engageât des hommes de mains afin de nous retrouver.
Je me tournai finalement vers Louis-Henri, n'en pouvant plus de toute cette peur qui me serrait les entrailles.
- Où allons nous, d'ailleurs ?, demandai-je.
- Tu poses décidément trop de questions !, soupira-t-il. Nous allons à Paris, mais entre temps nous ferons escale à Nancy, Bar-le-Duc, Châlons-en-Champagne, Nogent-sur-Seine, Provins, et enfin Evry. Ça te donne une petite idée de la route à faire, je suppose.
- C'est si loin !, entendis-je Anne dire.
Louis-Henri grogna.
- C'est bien pour ça qu'il ne faut pas trainer !, s'exclama-t-il. En plus, avec les heures de sommeil et les repas, sans compter nos escales, nous n'y seront pas avant une dizaine de jours, si tout se passe bien.
- Le soleil se lève, remarqua Bertille. Je suppose qu'il doit être sept heures.
- Nous seront donc à Nancy vers 14h30 avec un peu de chances, répondit Louis-Henri. Il nous faudra régulièrement changer de chevaux. En espérant que ce ne sera pas trop cher.
J'acquiesçai en silence. Il n'avait pas tort. Nous continuâmes à chevaucher en silence encore pendant quelques heures. Il faisait à présent jour et nous sortîmes de la forêt après que Bertille, Anne et moi ayons mis des robes afin de ne pas éveiller les soupçons. Je commençais à avoir faim : il devait être treize ou quatorze heures. Je regardai Louis-Henri.
- Nous mangerons une fois arrivés à Nancy, expliqua-t-il. Après, mieux vaut ne prendre que deux chevaux, ce sera moins cher. Cendrine, tu monteras à mes côtés, quant à Anne et Bertille, elles monteront ensembles. Je vois de l'inquiétude dans tes yeux, ma mie. Bertille aussi sait se battre, mais depuis peu.
Peu rassurée, je hochai cependant la tête. Je commençais à voir la ville. Nancy. Je n'y étais jamais allée.
- Nous louerons deux chambres à l'auberge la plus proche, continua Louis-Henri. Cendrine, mieux vaut te faire passer pour ma femme. Si nous partageons la chambre, cela paraitra moins suspect. Je me nommerais Louis Durchtmann, toi, Cendrine, tu seras Julie, mon épouse, comme je l'ai dit. Bertille restera ma sur, et Anne, vous serez celle de Cendrine. Cela vous va ?
Anne et Bertille acquiescèrent. J'étais peu emballée à l'idée de devoir dormir aux côtés de Louis-Henri, mais nous n'avions pas le choix. Il fallait être le plus discret possible. Et économiser, car nous n'avions que peu d'argent, j'avais pris cinquante francs que m'avaient donné père, Bertille devait aussi avoir prit de l'argent et Louis-Henri de même. Mais nous avions six escales au moins avant Paris et même arrivés nous allions en avoir besoin. Ce fut avec la boule au ventre que nous entrâmes à Nancy, dans la peur d'être reconnus puisque les Tréville étaient une grande famille lorraine.

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Cendrillon
Historical FictionIl était une fois... Car tout conte commence ainsi. Sauf que, on le sait très bien, la vie n'est pas un conte de fée. Encore moins la mienne. Je suis Cendrine De Tréville, mais tout le monde m'appelle Cendrillon, et voici mon histoire. La vraie.